ÉCHO DE RIMÉ 2007
L’édition 2007 de RIMÉ (Rencontre pour l’Implantation et la Multiplication des Églises) a mis l’accent sur l’urgence de trouver de nouveaux arguments pour un nouveau monde. La similitude entre notre époque et celle du prophète Daniel a enthousiasmé John LENNOX, apologète de renommée internationale: il a fait partager cette découverte par quatre interventions successives, résumés du livre qu’il va bientôt éditer. En attendant cet ouvrage, nous proposons ci-dessous, une réflexion de Raphaël ANZENBERGER, Secrétaire Général de France Évangélisation, apologète également et deuxième orateur du séminaire. Par ses interventions pratiques et émaillées d’expériences, il a aidé les participants à passer à l’acte pour ainsi offrir un séminaire des plus équilibrés.
Ne supposons pas les questions des gens !
Questionnons-les !
En novembre 2006, je me suis rendu dans une église du nord de la France pour une série d’interventions dans le cadre d’une campagne d’évangélisation. D’ordinaire, l’orateur met au point le thème avec l’Église, en fonction des thématiques du moment, en espérant « taper dans le mille» et mobiliser les «pas encore Chrétiens » à venir entendre la Bonne Nouvelle de l’Évangile. Cette fois-ci, il en fut autrement. Lors d’un précédent weekend de préparation, je mis chaque membre de l’Église au défi de sonder au minimum 2 connaissances non-Chrétiennes en leur posant la question suivante: « si vous aviez Dieu en face de vous, quelle question aimeriez-vous lui poser ? », et en sus « si nous invitons quelqu’un à répondre à votre question, seriez-vous prêt à venir l’entendre ? » Le résultat fut remarquable. Voisins, collègues de boulot, famille, amis, tout le monde y passa! Parmi toutes les questions récoltées, trois furent retenues : « si Dieu existe, pourquoi tant de souffrance ? », « Comment trouver le vrai bonheur ? » et « Est-ce que quelqu’un peut m’aider là-haut ? » Bon nombre de gens de l’extérieur ont ainsi participé à ces trois rencontres, ponctuées ça et là de « foires aux questions » où tout le monde pouvait s’exprimer ! Quelle richesse dans les échanges ! Rien d’étonnant, nous étions là pour répondre à leurs questions !
L’apologétique : la défense de la foi et l’arme pour combattre le doute
Deux constats s’imposent ici. Le premier, c’est que les Français veulent encore parler de Dieu, même si notre société tente de repousser la question de la croyance au niveau de la sphère privée. Ceci est une bonne nouvelle pour l’Église! Le deuxième, c’est que 90 % des objections que les gens formulent vis-à-vis de Dieu sont d’ordre moral, c’est-à-dire déguisées sous une forme de « Dieu, si Tu existes, il serait bon que Tu t’intéresses un peu plus à ce qui se passe là en bas, en particulier, dans ma vie ». Ceci aussi est une bonne nouvelle pour l’Église, à condition que cette dernière soit prête à répondre avec sagesse, amour et discernement à ces questions existentielles, offrant ainsi une sorte d’apologétique de la pensée et du cœur, emprunte d’amour pastoral.
Dans la préface du livre La Bible et la Science du Dr Vernet, André Lamorte, fondateur de France Évangélisation, définit l’apologétique comme suit: « elle se conçoit comme la mise au service de la théologie des sciences humaines pour la défense des doctrines chrétiennes 1». Autrement dit, cette discipline académique a pour vocation de défendre la foi chrétienne contre les attaques d’un monde hostile à l’évangile. Prise dans cette dimension, cette définition insiste sur l’aspect défensif. Mais cela ne doit pas occulter le fait que cette discipline contient également un aspect offensif, à savoir celui d’aller au-devant des questions et d’offrir une explication pertinente aux questions de la vie, avant même que celles-ci parviennent aux oreilles des Chrétiens. A la définition du Dr Lamorte pourrait ainsi s’ajouter la suivante, proposée par Dr Zacharias : « l’apologétique, c’est opérer une franche taille dans les buissons du doute pour que le sceptique ait une bonne vue sur la croix de Jésus Christ ».
1 Pierre 3-15 et trois principes d’apologétique
Dans la première épître de Pierre, nous lisons l’exhortation suivante: « Sanctifiez dans vos cœurs Christ le Seigneur ; soyez toujours prêts à vous défendre [apologia] contre quiconque vous demande raison de l’espérance qui est en vous : mais faites-le avec douceur et crainte, en ayant une bonne conscience… » (1 Pierre 3.15-16). De cette recommandation, trois principes surgissent quant à la pratique de l’apologétique.
Tout d’abord, l’apologétique s’inscrit et ne peut s’inscrire que dans une vie de sanctification. Le cœur auquel se réfère Pierre est le siège non seulement de nos émotions, mais aussi de nos pensées. Autrement dit, tout mon être doit se soumettre à l’autorité de Christ comme Seigneur. Ceci est la condition sine qua non de l’apologétique. En effet, si le verset laisse entendre que ceux du dehors nous «demandent raison de l’espérance» que nous portons au-dedans, cela n’implique-t-il pas que nos paroles et nos actions soient à contre-courant ? Le premier évangile que les gens lisent n’ait-il pas celui inscrit dans nos vies ?
Le deuxième principe qui surgit est la nécessité d’être « toujours prêt » à nous défendre. Autrement dit, Pierre nous exhorte à nous confronter nous-même aux questions que se posent nos contemporains et à ne pas les éviter. Il serait intéressant de mener une petite enquête auprès de nos proches pour savoir quelles sont leurs interrogations face à Dieu. Mais le ferons-nous ? Prendrons-nous le temps de rencontrer notre prochain dans ses tourmentes et ses souffrances ? Prendrons-nous le temps de nous former pour répondre aux questions du cœur et de la pensée? France Évangélisation, comme d’autres associations membres de la FEF, a entre autre pour mission d’équiper les ouvriers de la moisson dans cette tâche extraordinaire qui nous est confiée, de porter l’évangile à un monde sourd.
Troisièmement, Pierre nous invite à toujours mêler «douceur et crainte» à notre apologétique, afin de garder «bonne conscience». «Douceur », car bien souvent la question posée n’est pas la vraie question… Le pasteur de mon église aime toujours à dire: «derrière chaque question se cache une souffrance». Il est alors impératif de discerner quelles sont les motivations cachées et si besoin est, de passer d’un mode d’apologète à un mode pastoral pour marcher avec la personne dans sa souffrance. Ensuite «crainte» car la tâche qui nous est confiée nous dépasse. Avec mes collègues de France Évangélisation, nous avons décidé de former une confrérie baptisée: « la Sainte Confrérie des Inaptes ». Tout cela pour garder à l’esprit que Dieu agit dans notre inaptitude (2 Cor.3.4-5). Avis aux lecteurs, cette confrérie est ouverte à tous ceux qui veulent admettre leur inaptitude à mener le ministère qui leur est confié avec leur propre force: vous êtes les bienvenu(e)s !
Nos contemporains ont des questions à poser à Dieu, saurons nous y répondre? La Parole de Dieu est toujours d’actualité et elle contient les réponses aux cris de nos cœurs. Qui se lèvera pour leur annoncer la Bonne Nouvelle? Origène, Père de l’Église, écrivait dans son commentaire sur le Psaume 36: « Tous ceux par la bouche desquels Christ parle, c’est-à-dire tout homme intègre et tout prédicateur qui annonce la parole de Dieu pour conduire les hommes au salut – et pas seulement les apôtres ou les prophètes – tous peuvent être appelés “flèches de Dieu”. Malheureusement, je n’en vois pas beaucoup. Ils sont rares, ceux dont la parole parvient à enflammer le cœur de l’auditeur, à l’arracher à son péché et à le convaincre de se repentir. Ils sont peu nombreux à toucher profondément les cœurs et remplir les yeux de larmes de contrition. Il n’y en a pas beaucoup qui savent réellement dévoiler la lumière de l’espérance future, la splendeur du ciel et la gloire du royaume de Dieu au point de persuader les hommes de mépriser le visible et de rechercher l’invisible, de dédaigner le temporel et de s’attacher à l’éternel. Il y a trop peu de prédicateurs de cette envergure 2 ! ». L’appel est lancé, qui se joindra au carquois du Seigneur ?
Raphaël ANZENBERGER
NOTES
1 Daniel Vernet, La Bible et la Science, La Ligue pour la lecture de la bible, 1978, p. 5
2 Cité par Michael Green, L’évangélisation dans l’Église primitive, Emmaüs, 1981, p. 244