Lors de la pastorale Ile de France du Réseau FEF, le 18 juin 2012 à l’Église Évangélique de Nogent-sur-Marne, Thierry Huser, pasteur de l’Église du Tabernacle à Paris, a donné un enseignement sur la vie spirituelle du responsable. Voici la seconde partie de son exposé, la suite et dernière partie sera publiée dans la prochaine livraison de la revue.

Après avoir brossé un bref portrait de la vie spirituelle de quelques figures bibliques et de Christ en particulier, l’auteur présente quelques principes généraux.

PAS DE LIGNE UNIQUE !

S’il y a une ligne claire, dans l’Écriture, pour rappeler l’importance de la vie spirituelle du serviteur de Dieu, on reconnaîtra aussi, dans l’Écriture, des diversités.

Les diversités personnelles. La vie spirituelle prend une forme différente chez Jean l’apôtre contemplatif et chez Néhémie, l’actif ! Le même Esprit qui fait parler Pierre et Etienne avec assurance donne à Barnabas un ministère d’encouragement par l’exemple, la bienveillance et la bonté. Moïse est équipé pour la délivrance, Jérémie l’est pour l’endurance dans l’épreuve et l’adversité. Epaphras est engagé pour les Colossiens dans un ministère d’intercession, Paul s’engage envers eux par la rédaction de son épître, pour le maintien de la saine doctrine.

Des postures différentes, des vies spirituelles orientées différemment, avec des axes et des dominantes diverses. C’est à respecter. Au nom de la grâce infiniment variée de Dieu.

Les diversités circonstancielles. Notre vie spirituelle est appelée à la continuité, mais elle a aussi des «temps et des moments» qui la diversifient.

Le visage de Moïse a brillé, mais pas toujours. On voit aussi un Moïse harassé, fatigué… (Ex 18). Et pourtant, fidèle dans toute la maison de Dieu.

Il y a place pour des états d’âme différents. Voyez l’apôtre Paul : «Nous sommes toujours pleins de confiance» (2Co 5.6) ; «Nous étions affligés de toute manière : luttes au-dehors, craintes au-dedans» (2Co 7.5) ; «Je travaille, en combattant avec sa force, qui agit puissamment en moi.» (Col 1.29) ; «Après avoir souffert et reçu des outrages à Philippes, nous avons pris de l’assurance en notre Dieu, pour vous annoncer l’Évangile de Dieu, au milieu de bien des combats» (1 Th 2.2) ; «Qui est faible que je ne sois faible ?» (2Co 11.29) ; «Je puis tout par celui qui me fortifie» (Phi 4.13) ; «Je ne cesse de manifester ma joie…» (Phi 1.5) ; «Dieu a eu pitié de moi, afin que je n’aie pas tristesse sur tristesse» (Phi 2.27).

Les diversités «d’apprentissage». C’est un aspect de notre vie spirituelle à ne pas oublier : nous sommes encore et toujours en apprentissage. Nous avons à faire des progrès spirituels, comme nos frères, avec eux et pour eux. Je rappelle ici l’encouragement donné à Timothée, en relation avec son ministère et sa vie spirituelle. 1Tm 4.12-13,15 «Sois un modèle pour les fidèles, en parole, en conduite, en amour, en foi, en pureté. Jusqu’à ce que je vienne, applique-toi à la lecture, à l’exhortation, à l’enseignement. 4:15 Occupe-toi de ces choses, donne-toi tout entier à elles, afin que tes progrès soient évidents pour tous.»

Nous sommes et restons, les tout premiers, à l’école du Seigneur. S’il veut nous utiliser, il doit nous former, nous travailler, pour que nous puissions être des «vases d’honneur, sanctifiés, utiles à son maître, propres à toute bonne œuvre.» (2Tm 2.21). Selon les utilités auxquelles le Seigneur nous destine, il doit nous travailler. Nous ne sommes pas arrivés !

QUELQUES EXHORTATIONS SPÉCIFIQUES

Quelles seraient les exhortations principales qui touchent à la vie spirituelle du serviteur de Dieu ?

Veille !

Plusieurs exhortations à la vigilance sont explicites dans le N.T.

Mt 26.41
«Veillez et priez, afin que vous ne tombiez pas dans la tentation ; l’esprit est bien disposé, mais la chair est faible».

1Tm 4.16
«Veille sur toi-même et sur ton enseignement ; persévère dans ces choses, car, en agissant ainsi, tu te sauveras toi-même, et tu sauveras ceux qui t’écoutent».

Ac 20.28
«Prenez donc garde à vous-mêmes, et à tout le troupeau sur lequel le Saint-Esprit vous a établis évêques, pour paître l’Église du Seigneur, qu’il s’est acquise par son propre sang».

Les trois mots qui disent la vigilance sont proches mais ne sont pas les mêmes. Si on voulait former une triade, on pourrait dire : «éveillé, concentré, vigilant».

  • Mt 26.41 parle de maintenir sa vie spirituelle bien vivante et en action : dans l’expression «veillez et priez», Jésus rappelle que la «bonne volonté» ne suffit pas. Il faut «rester en éveil» et prier, puiser ses ressources en Dieu. C’est la vie spirituelle comme «équipement» indispensable pour faire face.
  • 1 Tm 4.16 parle de l’application à donner à notre vie spirituelle et à notre enseignement : nous ne pouvons pas dissocier notre vie et notre enseignement ; notre vie personnelle, spirituelle, conditionnera notre enseignement, notre ministère. Mais Paul recommande les deux vigilances : nous-mêmes, notre enseignement. Autrement dit, il ne suffit pas de «veiller sur notre vie avec Dieu» et de nous dire que le reste suivra. Il nous faut, aussi, porter une attention sur notre «enseignement», nous y attacher, nous y appliquer.
  • Ac 20.28 parle de la vigilance, face à nos faiblesses et aux dangers qui nous concernent. Nous restons enclins au mal, comme le reste du troupeau sur lequel nous devons veiller. La vigilance à exercer pour les autres ne doit pas nous faire oublier celle à exercer sur nous-mêmes.

En résumé : éveillé, concentré, vigilant

Bats-toi !

1Tm 1.18-19 : «Le commandement que je t’adresse, Timothée, mon enfant, selon les prophéties faites précédemment à ton sujet, c’est que, d’après elles, tu combattes le bon combat, en gardant la foi et une bonne conscience. Cette conscience, quelques-uns l’ont perdue, et ils ont fait naufrage par rapport à la foi.»

Le ministère est un combat, qui exige de garder la foi et une bonne conscience.

Reste au niveau !

1Tm 3.1-7 : les qualifications pour la charge d’évêque restent les normes de vie que le Seigneur attend de nous. Le ministère comporte des exigences de comportement et de sanctification.

1Tm 3.1-7 : «Cette parole est certaine : si quelqu’un aspire à la charge d’évêque, il désire une œuvre excellente. Il faut donc que l’évêque soit irréprochable, mari d’une seule femme, sobre, modéré, réglé dans sa conduite, hospitalier, propre à l’enseignement. Il faut qu’il ne soit ni adonné au vin, ni violent, mais indulgent, pacifique, désintéressé. Il faut qu’il dirige bien sa propre maison, et qu’il tienne ses enfants dans la soumission et dans une parfaite honnêteté, car si quelqu’un ne sait pas diriger sa propre maison, comment prendra-t-il soin de l’Église de Dieu? Il ne faut pas qu’il soit un nouveau converti, de peur qu’enflé d’orgueil il ne tombe sous le jugement du diable. Il faut aussi qu’il reçoive un bon témoignage de ceux du dehors, afin de ne pas tomber dans l’opprobre et dans les pièges du diable.»

Nourris-toi !

1Tm 4.6 : «En exposant ces choses aux frères, tu seras un bon ministre de Jésus-Christ, nourri des paroles de la foi et de la bonne doctrine que tu as exactement suivie.»

Le ministère exige que nous soyons nourris de la Parole et de la saine doctrine.

Entraîne-toi !

1Tm 4.8 : «Exerce-toi à la piété ; car l’exercice corporel est utile à peu de chose, tandis que la piété est utile à tout, ayant la promesse de la vie présente et de celle qui est à venir.»

1Tm 4.8 : Le ministère demande un entrainement, un maintien en forme et une mise en œuvre de notre piété. Il s’agit à la fois du développement intérieur de cette piété et de sa confrontation à la réalité qui nous entoure. C’est le maintien d’une foi vivante, adaptée, capable de répondre aux sollicitations. Une foi qui se développe aussi, nous affermit, nous rend plus apte à réaliser notre ministère.

Garde-toi !

1Tm 5.22 : Le ministère exige que l’on se «conserve pur», pour que le Seigneur puisse nous utiliser librement.

1Tm 5.22 : «Ne participe pas aux péchés d’autrui ; toi-même, conserve-toi pur.»

2Tm 2.21 : «Si donc quelqu’un se conserve pur, en s’abstenant de ces choses, il sera un vase d’honneur, sanctifié, utile à son maître, propre à toute bonne œuvre.»

Sois prêt !

2Tm 3.16 : «Toute Écriture est inspirée de Dieu, et utile pour enseigner, pour convaincre, pour corriger, pour instruire dans la justice, 3:17 afin que l’homme de Dieu soit accompli et propre à toute bonne œuvre.»

L’objectif de Dieu est que nous soyons des «hommes de Dieu accomplis et propres à toute bonne œuvre.

RÉFLEXIONS ET APPLICATIONS

Je voudrais à présent tirer de ce parcours biblique un certain nombre de pistes de réflexion qui rejoindront le «comment cultiver une spiritualité biblique de leader spirituel» ? Mais sans se réduire au «comment ?». Le «pourquoi ?» s’y mèle toujours, de même que le «vers quoi».

Notre vie spirituelle mérite une attention spécifique

En faisant le parcours biblique, le besoin d’une vie spirituelle renouvelée, irriguée, vivante, apparaît comme une évidence. Il ne s’agit plus d’un simple jeu d’images. Il s’agit des exigences de base de notre vie et de notre ministère.

Les raisons de cette attention peuvent être explicitées :

  • Il nous faut faire l’œuvre de Dieu : l’Église a besoin d’initiatives et de mises en œuvre humaines, mais ce qui doit être réalisé, par ce moyen, c’est l’œuvre de Dieu. L’œuvre de Dieu ne se fait pas sans Dieu. Il est le principal intéressé, le principal acteur. L’Église est sienne. Un «leader», ou un «conducteur» a pour première mission de manifester que c’est le Seigneur qui conduit son Église. Nous avons à cultiver l’état d’esprit du Christ, tout orienté à «glorifier le Père». Pas de confiscation, donc. Ni par orgueil.

Ni par valorisation de «notre» rôle. Ni par négligence. La vie spirituelle fait de nous des «serviteurs», des intendants, des ouvriers avec Dieu… toujours à la fois éblouis et confus de ce privilège ! (Voir «les talents» en Mt 25.14ss et «les serviteurs inutiles» en Lc 17.10).

Nous sommes très marqués par le «faire». La prière doit pouvoir intervenir dans notre vie comme une sorte de «sabbat» de notre action. Et comme le lieu où nous rappelons que notre ministère ne nous appartient pas. Nous prions pour que Dieu veuille bien agir. Nous lui donnons la «main» dans le sens de lui dire : «C’est à toi qu’appartient l’action décisive». Utilité de prières d’abandon de notre œuvre. Égrener notre journée de quelques «pauses» prière très courtes.

  • Il nous faut être ressourcé pour l’œuvre de Dieu : c’est la belle image de l’arbre et du courant d’eau. «Toutes mes sources sont en toi !» (Ps 87.7). Pour reprendre cette image, en tant que responsables, nous avons non seulement à tenir là où nous sommes, mais à «donner du fruit» à ceux qui nous sont confiés. Un fruit qui vient de Dieu, et qui a mûri en nous. Il y a des besoins, il y a des attentes, des faims, des soifs : notre responsabilité est d’être présents à toutes ces choses, mais aussi que les personnes puissent recevoir quelque chose de l’arbre que nous sommes, irrigué par le Seigneur. «Donnez-leur vous-mêmes à manger», disait Jésus. L’image de l’arbre complète : Donnez-leur quelque chose qui aura mûri en vous, parce que vous aurez eu une vie irriguée par le Seigneur. Concrètement, cela pose la question : la vie spirituelle du responsable, faut-il l’envisager «pour soi» ? ou en fonction des autres ? «Pour moi» signifie me rafraîchir personnellement. En fonction de mes besoins, comme tout chrétien. Ensuite, j’ajoute les éléments particuliers relatifs à mon ministère. «Pour les autres» voudrait dire que je me pense entièrement comme responsable. Je lis ma Bible pour y trouver mes sermons. Je prie pour avoir la «pêche» nécessaire à mon ministère… pour que mes messages soient percutants, et portent du fruit … mes visites efficaces…

La question est délicate, les équilibres subtils.

(1) Fondamentalement, on ne peut pas dissocier les deux aspects : Dieu travaille souvent en utilisant ce qui a mûri en nous – l’idée de «maturation interne» nous implique.

(2) Il y aurait un danger réel à ne nous vivre que comme «responsables» : c’est une manière d’oublier ce que Dieu doit faire «en nous» ! Cela peut être une fuite. Cela peut conduire à une «instrumentalisation» de la piété. Et à des «hauts et bas» en fonction de l’intensité des responsabilités.

(3) J’aurais tendance à dire : la vie spirituelle «pour les autres» ne peut pas exister sans la «piété pour moi d’abord». Je dois toujours être un livre ouvert pour le Seigneur, dans tout ce que je fais, pense, réfléchis, étudie. C’est mon attachement au Seigneur qui est en cause.

(4) En même temps, utile de penser qu’il peut y avoir des débordements légitimes, liés à notre ministère : temps d’intercession prolongé, temps d’étude qui se greffe sur une lecture personnelle méditative…

(5) On peut dire, aussi, qu’il est souvent difficile de se préparer à ce que nous allons rencontrer : nous ne le savons pas ; l’important est d’être «ouverts» à l’action du SE en nous, en étant bien en phase avec le Seigneur.

(6) Quant à la piété qui «prépare» au ministère, il faut nous dire que souvent, nous devons avancer dans la dépendance, sans nous sentir «parfaitement préparés» (Ju 6.14 : «Va avec la force que tu as.») Il pourrait y avoir un mauvais «perfectionnisme» dans ce domaine, qui pourrait être une fuite.

  • Il faut que l’œuvre de Dieu se réalise en nous : c’est vrai, en tant que «chrétiens basiques», frères parmi nos frères ; mais plus encore, en tant que responsables, que personnes qui «parlent», qui «entraînent» : les fruits de l’œuvre de Dieu doivent être visibles dans notre vie. Humblement, avec ce que nous sommes : nous n’avons pas à porter tous les fruits, ni à être «champions toutes catégories». Mais nous devons grandir, nous aussi. C’est une question de vie devant Dieu et de pertinence de notre parole. Cela rapproche plus la notion de celle de «témoin vivant» que de «super-modèle».Suite et fin dans le prochain numéro

THIERRY HUSER PASTEUR DE L’ÉGLISE DU TABERNACLE À PARIS