MEDITATION BIBLIQUE
A. SURVOL DU PSAUME
Asaph, auteur de 12 psaumes, est un visionnaire. Il est sensible à la notion du Dieu « juge », régnant. Les cantiques du temple ont certes un contenu théologique, mais aussi socio-politique, fort. Les versets 1 et 8 encadrent le psaume, le verset 1 en présentant la cour divine, et le v. 8 en tant qu’appel à Dieu, le président du tribunal, est une prière.
Entre les deux, les versets 2 à 7 : on s’adresse à des personnes qui sont censées rendre la justice et certainement le font mal. Celui qui parle est Dieu. C’est donc un psaume prophétique.
Enjeux pour la compréhension
Aux v. 1 et 6 il est question des « dieux ». Ce sont eux qui sont mis en cause. Qui sont-ils ? Il y a trois thèses. Avec Calvin, je retiens qu’il est ici question des hommes qui gouvernent, des hommes qui exercent une prérogative, une fonction divine. La relecture de Jésus dans Jean 10 invite à y voir les autorités civiles. Ce psaume s’adresse donc aux autorités civiles. Aujourd’hui on pourrait inclure le quatrième pouvoir, celui des médias. Celui qui fait et défait l’opinion. Les nouvelles autorités morales – Comités d’éthiques et autres instances – qui définissent la morale populaire, les meurs, le droit de la famille, la vie, l’euthanasie, la procréation, etc.
Le reproche de Dieu (v. 2)
Dieu refuse l’injustice. Le méchant, le criminel, le coupable doit être traité avec la rigueur qu’il mérite. Il ne doit pas être favorisé au dépend des victimes. C’est interdit par le Deutéronome1. Salomon constatait que les grands se protègent entre eux2… comme aujourd’hui ? Jusqu’à quand… Dieu interpelle les responsables, les autorités. Ne nous y trompons pas, la patience de Dieu vise le salut, pas la complaisance avec le mal qu’Il déteste (2 Pi 3:9, 13).
L’exhortation – Ce que Dieu veut (v. 3 et 4)
Quatre verbes expriment la demande de Dieu : rendez justice, faites droit, libérez (ou faites échapper, mettez en sécurité, sauvez) et arrachez (délivrez…).
Plusieurs noms désignent les personnes concernées que nous pour rions énumérer avec des synonymes : le faible, le pauvre, le maigre, le mince, le malheureux, le petit, ceux qui manquent de tout, l’humilié, le souffrant, celui qui est dans le besoin, l’indigent, ceux qu’on écrase, le pauvre, le faible de la classe inférieure…
La loi divine protège ceux qui sont sans protection, sans moyen de défense. Il y a donc une double nécessité pour les autorités au service de Dieu : approuver le bien, réprouver le mal en étant particulièrement sensible lorsque ce sont les plus faibles qui en sont la victime3
Trois dépositions (v. 5)
Trois phrases décrivent le problème et ses conséquences, un état de fait dramatique : un manque de capacité, de savoir, de connaissance, d’intelligence, de compréhension, de discernement. La conséquence du rejet de Dieu, c’est la folie.
Un manque de lumière : vous êtes dans les ténèbres, l’obscurité.
Selon Kidner, les ténèbres sont le manque de certitudes morales.
Le manque de stabilité s’exprime par l’expression « les assises de la terre sont ébranlées, le monde ne tient pas debout… ». Si le droit, la justice sociale ne sont pas respectés, la société est ébranlée et il règne un état de confusion. Dans la pensée biblique la justice est la vertu fondamentale de la société. Le trône s’affermit par le droit. La corruption morale amène la désorganisation. Le fondement du monde, c’est le droit. Le problème central, au cour de ce psaume, est qu’il manque la lumière de la Parole, de la révélation de Dieu. (C’est une des raisons pour lesquelles en 1995 la FEF lançait l’opération « Maires de France » et offrait aux autorités un Nouveau Testament !).
Le verdict (v. 6 et 7)
C’est Dieu qui délègue. Aucune autorité ne s’exerce en dehors de son vouloir. Exercer la justice est une prérogative divine. Elle élève l’homme au-dessus des conditions humaines, des préférences. C’est une participation ponctuelle à un attribut divin. Les v. 1 et 6 ont été cités par l’empereur Constantin en 325 lors de l’ouverture du concile de Nicée pour rappeler aux évêques, pères conciliaires, que leur grande fonction devait les élever au-dessus de la jalousie et de l’esprit de parti.
Les juges et les autorités d’aujourd’hui seront jugés demain, abandonnés au sort commun, livrés à la mort.
Ceux qui nous impressionnent, les grands de ce monde, sont pour Dieu des chefs qu’il peut révoquer comme il veut; comme un ministre qui ne donnerait plus satisfaction.
Personne ne peut utiliser les privilèges reçus contre Celui qui les accorde. La dignité ne met pas à l’abri du châtiment4 : « Leur haute position ne les garantira pas, car, bien que Dieu ait déposé entre leurs mains une portion de sa puissance, il n’a point abdiqués »5. Le président du tribunal déposera les magistrats véreux.
Prière (v. 8)
Le salut est dans l’intervention de Dieu, qu’ll passe à l’action ! Lorsque Dieu règne et juge, le droit, la justice dans son sens le plus fort, reviennent. Dieu est le seul recours, Asaph, par la prière, prend position. Dieu doit gouverner lui-même, son tribunal est un bienfait pour ceux qui aiment la loi de Dieu. Paul ne dira pas autrement (1 Co 15:25).
B. CRITIQUE SOCIO-POLITIQUE
Sans doute Asaph a-t-il écrit ce texte dans un contexte d’injustice sociale de dysfonctionnement de la justice.
« Par son style hardi et dramatique cette scène de jugement jette un peu de clarté sur une situation humaine confuse. En quelques mots, elle conduit le lecteur au-delà des injustices du temps présent, elle décrit la juridiction universelle de Dieu, la délégation qu’il a fait de son autorité, son diagnostic de la condition humaine, et ses intentions radicales. La prière finale répond chaleureusement à la largeur de cette vision.6 »
Et nous, comment exerçons-nous l’autorité en famille, au travail dans notre engagement social, dans l’Église ? Comme une délégation divine, conscients de la responsabilité qui y est attachée ? Comment considérons-nous l’autorité à laquelle nous devons nous soumettre ?
Armand de Mestral écrivait… en 1861 : « S’il est nécessaire que ceux qui gouvernent se fassent une juste idée de leur dignité, il n’importe pas moins que ceux qui sont gouvernés sachent respecter en eux cette dignité et leur soient soumis comme à des représentants du Roi des rois. Mais voilà ce qu’on oublie souvent, particulièrement dans notre siècle d’insubordination et de révolutions. On peut avoir à critiquer le caractère personnel des magistrats et leurs oeuvres, mais rien ne nous dispense du respect dû à leur charge7. »
Selon 1 Tim 2:1 à 4, notre souci, notre prière est de pouvoir mener une vie paisible dehors et tranquille dedans. Pour cela les autorités doivent remplir leur rôle et garantir la paix civile. Ce qui permettra l’évangélisation. Nous devons nous rappeler que les autorités sont inclues dans le « tous ». Nous risquons de les oublier, en particulier si elles sont hostiles.
Dieu a déjà commencé à répondre à la prière d’Asaph. Il est venu en Jésus-Christ, Il sauve « son héritage dans toutes les nations ». Jésus n’est pas venu pour juger, mais pour sauver. C’est pourquoi il a été lui même jugé par les autorités religieuses, le grand-prêtre, le sanhédrin, et les autorités politiques, Pilate, qui se révèlent être des juges iniques dénoncés par le psaume. Peut-on être plus humilié que cela ? Le juste juge jugé ! Le juge des juges se laisse condamné à tort ! Pour moi !
Dans la perspective de sa venue, et lorsque nous disons : « Viens, Seigneur Jésus », nous sommes souvent préoccupés surtout de notre délivrance, de l’espoir d’une solution aux problèmes d’une planète incurablement malade. C’est une attente légitime; mais ne serait-il pas plus important encore d’attendre Sa venue avec le désir de le voir enfin reconnu, exalté, établi juge et roi ?
Dans cet esprit, je fais mien l’appel d’Asaph : « Lève-toi, Ô Dieu ! Juge la terre.8 »
Roland FRAULI Missionnaire à France pour Christ
et Président de ITEA