RÉCENTES BÉATIFICATIONS /
« DOMINUS IESUS »

L’ÉGLISE ROMAINE semble être particulièrement active en cette année de grâce 2000. À part le Jubilé et tout ce qui s’est passé à Rome (millions de pèlerins, Journées Mondiales de Jeunesse – deux millions de jeunes présents, indulgences, rencontre avec la délégation de l’Alliance Réformée Mondiale le 18-09-2000, etc.), l’action papale s’étend au-delà de la ville appelée « éternelle ». Quelques actes récents (béatifications) et un texte (« Dominus Iesus ») en sont la preuve.

LES ACTES

Les béatifications sont devenues banales. Rien n’arrête Jean-Paul II. Déjà plusieurs centaines de « saints » ont été béatifiés ou canonisés pendant son pontificat.

Mais parfois, la procédure et le moment de procéder choquent – même les catholiques. On a brûlé toutes les étapes avec Mère Thérésa. Et, Jean-Paul II, en reconnaissant 87 martyrs chinois de l’Eglise catholique d’autrefois – « clandestine » aujourd’hui – le jour même du 51e anniversaire de la Révolution de Mao, le 1er Octobre 2000, a fait juste ce qu’il fallait pour irriter les dirigeants de la Chine populaire. L’Eglise catholique chinoise officielle, « patriotique », trouve que ces canonisations sont « une insulte et une humiliation ». Mais pour Jean-Paul II, il ne peut y avoir deux Églises catholiques : tout doit passer par lui.

Deux autres béatifications étonnent également, celles de deux papes, diamétralement opposés : le premier, Pie IX, pape de 1846-1878, d’abord populaire pour ses mesures démocratiques mais ensuite reconnu comme l’un des papes les plus absolutistes et les plus intransigeants (les dogmes de l’Immaculée conception et de l’Infaillibilité du pape furent « ses » dogmes), et, le second, Jean XXIII, le pape le plus libéral jusqu’ici, organisateur de Vatican II et connu pour son ouverture envers les « frères séparés ».

Béatifier les deux papes en même temps ne peut signifier que « tous deux sont bons ». En agissant ainsi, Jean-Paul II s’aligne sur ces types de pontificats précédents. Il est à la fois absolutiste, et libéral. N’est-ce pas plutôt du pluralisme, contre lequel « Dominus Iesus » lutte ?

L’ÉCRIT

Cette pensée d’absolutisme et en même temps d’attitude libérale parcourt le texte « Dominus Iesus », rédigé par le cardinal Joseph Ratzinger, préfet pour la Congrégation pour la doctrine de la foi, et paru le 6 août 2000, jour de la fête dite de la Transfiguration du Seigneur Jésus. Le pape n’a pas signé le texte, mais il a donné son plein accord pour sa publication.

Si un tel document est paru, c’est que les troupes du Vatican ne marchent pas toujours au pas. Le vrai problème vient de l’attitude d’un clergé bien trop libéral vis-à-vis d’autres religions. Cette évolution est à peine perçue en France, mais dans les pays à forte majorité non chrétienne, le clergé romain réfléchit de plus en plus au message de ces religions non chrétiennes conservé dans leurs textes sacrés (hindouiste, bouddhiste, islamiste, etc.). Il accepte ce message parfois comme voies parallèles au christianisme, allant vers le même Dieu.

« Dominus Iesus » se lève catégoriquement contre de telles thèses. Jésus-Christ est l’unique voie vers le Père. La Bible et les grandes confessions christologiques des premiers siècles l’ont déjà dit. Dans Dominus Iesus, l’Église catholique le redit avec force. Ces affirmations, les évangéliques peuvent les apprécier. Ratzinger insiste sur cet aspect de l’unicité de Jésus-Christ de manière absolue, complète, définitive.

Cependant, il existe dans ce texte une vision à notre sens trop libérale des religions non chrétiennes que la parole de Dieu ne partage pas. Selon Rome, d’autres religions contiendraient une « expérience religieuse à la recherche de la vérité absolue ». Elles apporteraient « un rayon de la vérité qui illumine tous les hommes » (§7,8). Or, selon l’apôtre Paul (Romains 1:21), inspiré du Saint-Esprit, les idolâtres « s’égarent dans de vains raisonnements » et « leur coeur a été plongé dans les ténèbres ». Les propos de J. Ratzinger et de Vatican II sont loin de la déclaration de Paul concernant l’homme naturel qui « ne reçoit pas les choses de l’Esprit de Dieu » (1 Corinthiens 2:14). Certes, l’homme naturel a la loi naturelle dans son cœur (Romains 2 : 14, 15) et peut chercher Dieu, mais sa religion est loin d’être « un rayon de la vérité ».

LE RÔLE DE L’ÉGLISE (CATHOLIQUE)

Le chapitre qui a provoqué le plus de contestation de la part des protestants, et des catholiques (!), est celui qui contient les paragraphes 16 et 17 (chapitre IV). L’insistance sur l’unicité de l’Église romaine, la « seule unique Église catholique et apostolique » semble détruire les années de labeur oecuménique. Les Églises protestantes, membres du C.O.E., ne sont que des « Communautés ecclésiales » (sauf l’Église orthodoxe), et « ne sont pas des Églises au sens propre » (§ 17). Ce qui distingue l’Église catholique des autres Communautés est notamment la succession apostolique.

Ainsi, seule l’Église romaine seule est « sacrement », et véhicule le salut. Toutefois les Communautés « ne sont nullement dépourvues de signification et de valeur dans le mystère du salut ». Evidemment, toute la notion du rôle des sacrements, et donc de l’Église, Corps de Christ, est étrangère au Nouveau Testament. L’exemple des apôtres et leur évangélisation dans le livre des Actes des Apôtres démontrent que les membres de l’Église (apostolique) ne sont que des messagers annonçant que le salut est en Jésus-Christ seul

CONCLUSION

Il y a quelques années l’InfoFEF a présenté un article sur le « Catéchisme de l’Eglise Catholique » Ce catéchisme a été publié quelque 25 ans après le Concile Vatican II. La conclusion de notre article tenait en deux mots, (en latin) : « Semper eadem » (toujours le même). Nous avons en effet constaté que, d’après ce Catéchisme, les dogmes romains n’ont pas changé depuis Vatican II, comme le confirme encore… “Dominus Iesus ».

Si certaines « Communautés ecclésiales » et le C.O.E. ont l’impression que Rome se joue d’elles, nous démentirons une telle accusation. Le Vatican a certainement évolué : mais les dogmes n’ont pas changé. Beaucoup de gens ne l’ont pas compris. Nous l’avons toujours précisé.

Heureusement que tant de catholiques réagissent individuellement au chapitre IV de Dominus Iesus Ce fait permet aux évangéliques, non pas de dialoguer, mais de témoigner et de discuter avec eux, et de les diriger vers l’Écriture sainte, seule autorité finale concernant le salut en Jésus-Christ.

Pierre Wheeler

La béatification précède la canonisation. Autrefois, quatre consistoires (réunions) se tenaient après la béatification, avant la canonisation, afin d’examiner en détail la vie du béatifié. Normalement, cela prenait quelques années. Selon la procédure autrefois, un « saint » ne pouvait être canonisé que 50 ans après sa mort. Mais le système a été accéléré ces dernières décennies. Après canonisation, les fidèles ont le droit de prier la personne canonisée. Jean-Paul II « s’excuse » en quelque sorte de la dureté de Dominus Iesus en disant que cela montre « les bases » du dialogue (inter-ecclésiastique et inter-religieux, s’entend). La Vie, 5 octobre 2000, n°2875. Selon La Vie, n° 2873 (21 septembre 2000) le cardinal Martini, archevêque de Milan, dit que « le chemin vers le Salut ne passe pas exclusivement par l’Église Catholique ».