Par cet article, nous avons choisi d’aborder un sujet d’actualité : celui de la libéralité du chrétien. Nous avons voulu le faire par une approche originale, pour mieux sensibiliser chacun à cette responsabilité.

Marie-Christine Collas, auteur d’un livre sur le sujet, a choisi l’approche historique.

C’est pour les chrétiens une tradition que de collecter des offrandes lors du culte et autres célébrations. Je dis bien tradition car, de fait, il est rare que de véritables études bibliques sur la question soient menées dans l’Église et encore plus rare qu’elles soient publiées, quoique depuis environ un an le débat resurgisse sur cette question.

Lorsque l’argent est insuffisant pour mener à bien nos projets, que faire pour encourager les fidèles à un effort supplémentaire? S’il s’agit d’un projet particulier comme la construction d’un bâtiment ou une campagne coûteuse à financer, la plupart des églises communiquent de façon ciblée sur le projet afin d’y intéresser les donateurs et cela fonctionne plutôt bien, car cette méthode est en phase avec nos habitudes culturelles.

Mais lorsqu’il s’agit de nos dépenses de fonctionnement (salaires, loyers, entretien de bâtiment, dépenses générales), il est plus dur de trouver des arguments. Le pasteur n’ose pas prêcher sur le sujet de peur de donner l’impression de prêcher pour lui-même; c’est gênant pour lui, comme ce l’était déjà pour l’apôtre Paul qui répugnait à ce genre d’exercice. On le comprend aisément. Le trésorier aussi hésite. Il sait qu’à trop parler d’argent, il risque de faire passer l’Église pour une secte, surtout en France.

Alors on n’en parle pas. On glisse trois mots de temps en temps, entre deux assemblées générales peuplées de convaincus.
Mais les besoins se faisant sentir, on se prend à penser : «Si les chrétiens donnaient vraiment la dîme, on aurait deux fois, trois fois plus d’offrandes ».

La tentation est grande de concocter une prédication prouvant aux fidèles qu’ils devraient donner au moins 10 % de leurs revenus, de verser la dîme. Et on se met à chercher tous les versets qui vont dans ce sens. La dîme n’est évoquée que dans l’ancien testament ? Qu’importe? Qu’il est beau et utile ce verset de Malachie qui promet la bénédiction à celui qui la donne! Pourquoi se priver de le citer ? On argumente: le chrétien peut-il faire moins que le juif ?

Et c’est ainsi que de nombreux chrétiens évangéliques donnent fidèlement la dîme à leur église, au centime près, convaincus qu’il s’agit d’un ordre qu’ils ne sauraient transgresser.

Tous ceux qui ont étudié la question plus à fond savent bien que cette interprétation trop rapide n’a rien à voir avec l’esprit du nouveau testament.

Quatre principes doivent guider notre offrande (voir article suivant) :

– le principe d’appartenance;

– le principe de liberté;

– le principe de responsabilité;

– le principe de solidarité.

Je propose d’étudier le sujet de la dîme dans la perspective historique puis d’en examiner les enjeux actuels.

La question de la dîme dans l’histoire de l’Église

Nous ne donnons pas le même sens au mot «dîme» que les premiers chrétiens

La plupart des chrétiens évangéliques d’aujourd’hui qui disent donner la dîme à leur église signifient par là qu’ils calculent (environ) 10 % de leur salaire pour le reverser dans leur église locale. Ce mot est conservé dans l’usage cou-

rant même par ceux qui versent un autre pourcentage, l’idée étant une somme fixe et régulière et un montant assez significatif sur le budget familial. Ils pensent aussi que les premiers chrétiens, avec les apôtres, ont simplement redirigé la dîme qu’ils versaient avant à la synagogue vers l’Église chrétienne. Simplement parce qu’eux, c’est ce qu’ils auraient fait.

Qu’est-ce qui m’a fait me rendre compte que les gens pensaient ainsi ? C’est la réaction de surprise qu’ils manifestent lorsque j’énonce mon interprétation. En fait, c’est inconsciemment qu’ils pensent ainsi. Et c’est un anachronisme. Voici comment je comprends les choses.

L’église de Jérusalem et les églises de Judée au 1er siècle

Les premiers chrétiens étaient tous juifs, jusqu’à la conversion de Corneille quelques années après. Pour eux, le mot «dîme» n’a qu’un seul sens : celui de la Loi. La dîme, c’est 10 % des possessions en bétail (sur certains bétails comme bovins, ovins, volailles) et 10 % des récoltes d’huile, de blé, etc. Elle est destinée aux lévites, eux-mêmes reversant aux grand-prêtres.

Si on demandait à un chrétien d’origine juive, suffisamment riche pour être concerné par la dîme, comment il la verse, il répondrait que chaque année il vend une part de son troupeau et de ses récoltes pour avoir un équivalent monnaie de sa dîme et qu’ensuite il va à Jérusalem acheter au temple les animaux du sacrifice pour un montant équivalent, comme le veut la loi.

Si on lui demandait ensuite: «Vous ne donnez donc pas votre dîme à l’Église? ». Il répondrait que cela n’a rien à voir. Avec les biens qui lui restent, il met tout ou partie en commun avec la communauté chrétienne. Ce sont deux choses différentes.

La dîme sert à l’entretien des lévites. On ne peut arrêter du jour au lendemain de pourvoir à leur entretien. C’est parce que le mot «dîme» est réservé à cet usage particulier que les auteurs du nouveau testament évitent de l’utiliser pour autre chose et qu’on ne voit nulle part dans le nouveau testament d’appel à verser la dîme. Ce serait aussi incongru que de demander aux fidèles de verser la redevance télé à leur église locale.

Même s’ils avaient voulu déroger au principe de liberté énoncé plus haut et imposer une sorte de cotisation obligatoire, ils auraient dans ce cas choisi un autre mot.

Les premiers chrétiens ont dû inventer par eux-mêmes leur mode de financement. Ils ont testé toutes les formules : mise en commun totale, redistribution, soutien missionnaire, collecte humanitaire, dons spontanés. N’ayant pas la contrainte de la Loi, ils ont eu la liberté de toutes les expériences.

Les églises des gentils au 1er siècle

Qu’en est-il des autres chrétiens d’origine non juive, amenés à la foi par le ministère de l’apôtre Paul ?

Nous savons qu’une partie des chrétiens d’origine juive est restée très attachée à l’observance de la Loi, surtout ceux vivant en Judée. Ils continuaient à fréquenter le Temple, à observer les dispositions de la loi telles que circoncision, obligations alimentaires, et donc aussi respect des diverses offrandes dont la dîme. Ils ont essayé d’enseigner aux nouveaux convertis d’origine non juive à faire de même. Mais là, ils se sont heurtés à l’enseignement de l’apôtre Paul qui enseignait que le chrétien est libéré de la Loi…

Suite au concile de Jérusalem, les chrétiens non-juifs ont été déliés des obligations de la Loi, à une ou deux exceptions près (s’abstenir des sacrifices faits aux idoles et de manger du sang). Ces chrétiens-là ne jurent donc pas tenus de devenir juifs par la circoncision et ni non plus d’entretenir les lévites par la dîme.

Voici pourquoi l’apôtre Paul s’attache par une argumentation nouvelle, faisant appel à leur bon sens, aux notions d’égalité et de dons partagés, de compassion envers ceux qui sont dans le besoin, de gratitude envers ceux qui leur ont donné l’évangile pour les amener à faire preuve de générosité et de libéralité. Il n’y a jamais l’idée ni d’impôt, ni de redevance, ni d’obligation dans son argumentaire, mais l’appel à donner joyeusement et sans contrainte.

Au 3e siècle, les témoignages des évêques Tertullien et Cyprien

Depuis l’an 70, le Temple a été détruit, la diaspora juive dispersée. Les juifs ne souhaitent plus être confondus avec les chrétiens. L’écart se creuse. En parallèle, l’Église s’organise et les évêques ont de plus en plus d’importance. Le culte se célèbre non plus dans les maisons privées mais dans des édifices spéciaux.

Les chrétiens donnent, et même beaucoup. Leurs dons se font le plus souvent en nature, produits des récoltes, offrandes de nourriture. Maisons et champs, sont soit vendus et l’argent donné aux pauvres, soit directement donnés à l’Église qui en obtient la propriété, leur ancien propriétaire en gardant l’usufruit. Le lieu de l’offrande est l’autel.

Voici le témoignage de Tertullien, évêque de Rome: «Et s’il existe chez nous une sorte de caisse commune, elle n’est pas formée par une « somme honoraire», versée par les élus, comme si la religion était mise aux enchères. Chacun paie une cotisation modique, à un jour fixé par mois, quand il veut bien, s’il le veut et s’il le peut. Car personne n’est forcé; on verse librement sa contribution. C’est là comme un dépôt de

la piété. En effet, on n’y puise pas pour organiser des festins ni des beuveries, ni de stériles ripailles, mais pour nourrir et enterrer les pauvres, pour secourir les garçons et les filles qui ont perdu leurs parents, puis les serviteurs devenus vieux, comme aussi les naufragés ; s’il y a des chrétiens dans les mines, dans les îles, dans les prisons, uniquement pour la cause de notre Dieu, ils deviennent les nourrissons de la religion qu’ils ont confessée. Mais c’est surtout cette pratique de la charité qui, aux yeux de quelques-uns, nous imprime une marque spéciale. «Voyez, diton, comme ils s’aiment les uns les autres », car eux se détestent les uns les autres ; «voyez, dit-on, comme ils sont prêts à mourir les uns pour les autres », car eux sont plutôt prêts à se tuer les uns les autres. » Apologétique, Tertullien, chapitre 39 v. 5-8.

Au 3e siècle, les écrits de Cyprien attestent que les chrétiens donnent pour les pauvres. Il encourage les chrétiens aux aumônes et critique ceux qui par amour de leurs biens ont été jusqu’à parjurer leur foi par crainte de la persécution. Il encourage les chrétiens à donner au moins autant que les juifs de l’ancienne alliance, aussi bien les pauvres que les riches.

Certains ont prétendu que les chrétiens s’acquittaient de la dîme parce que Cyprien utilise ce mot dans une lettre. Mais il n’est pas absolument certain que ce soit le cas. On peut aussi le comprendre comme une exhortation à salarier le clergé, simplement:

« Il y a longtemps qu’un concile a défendu de prendre un tuteur ou un curateur parmi les clercs, attendu que ceux qui ont l’honneur du divin sacerdoce et sont engagés dans les devoirs de la cléricature ne doivent prêter leur ministère qu’au sacrifice et à l’autel et ne vaquer qu’à la prière. Il est écrit: «Un soldat de Dieu ne s’engage pas dans l’embarras des choses du siècle, s’il veut plaire à celui qui l’a enrôlé». La recommandation est faite à tous, mais combien plus doivent-ils rester en dehors des embarras et du réseau des préoccupations profanes, ceux qui, voués à des occupations religieuses, ne peuvent s’éloigner de l’église, ni vaquer aux affaires du siècle. Telle est la discipline qu’ont observée les Lévites dans l’ancienne loi: les onze autres tribus se partagèrent le sol, chacune en ayant un lot; la tribu de Lévi, qui était consacrée au service du temple et de l’autel, n’entra point dans ce partage. Les autres vaquaient à la culture du sol: elle au culte divin uniquement; et pour sa subsistance, les onze tribus lui servaient la dîme des fruits de la terre. Dieu avait voulu que tout fût ainsi réglé, afin que ceux qui se consacraient au service divin n’en fussent point détournés, et forcés de donner leurs pensées et leurs soins à des occupations profanes. C’est la même règle qui est encore suivie aujourd’hui pour le clergé: on veut que ceux que l’ordination a élevés au rang de clercs dans l’Église de Dieu ne puissent être détournés en rien du service divin, ni courir le danger d’être engagés dans les embarras et les affaires du siècle; mais que plutôt, bénéficiaires des offrandes des frères, comme d’une sorte de dîme, ils ne quittent pas l’autel et le sacrifice, mais se consacrent jour et nuit à des occupations religieuses et spirituelles. » Cyprien, Lettres, L 1.
Cyprien encourage au contraire à une aumône pratiquée avec foi, sans crainte de s’appauvrir. Dans son écrit Des bonnes œuvres1 , on ne trouve trace de légalisme. Il argumente même que celui qui fait le pas de donner tous ses biens résiste mieux lors des persécutions parce qu’il n’a plus la crainte de perdre et n’est plus tenté d’abjurer sa foi.

Au 4e siècle, l’empereur Constantin instaure la dîme

L’empereur Constantin, converti au christianisme, fait restituer aux Églises, par l’Édit de Milan en 313, les biens qui leur avaient été confisqués et leur reconnaît le droit de propriété.

Le christianisme est toléré, puis reconnu, et devient enfin officiellement religion de l’empire.

Cette situation entraîne un accroissement des besoins de l’Église en termes de bâtiments et d’encadrement. L’empereur Constantin instaure la dîme en préconisant qu’elle soit versée à l’Église chrétienne devenue religion officielle. Les évêques approuvent cette décision.

Au 6e siècle, le concile de Mâcon rend la dîme obligatoire

Alors que l’empire romain s’effondrait devant les invasions barbares, les autorités religieuses ne pouvaient plus compter sur le pouvoir civil pour leur financement et plusieurs rois ou seigneurs profitèrent de l’occasion pour se soustraire au versement de la dîme ou à d’autres obligations comme le respect des propriétés de l’Église.

À ce moment-là, les seuls moyens de contrainte à la disposition du clergé étaient les menaces de châtiments divins : défaites lors des guerres, mauvaises récoltes… Arguments utilisés au concile de Tours (567).

En 585, lors du concile de Mâcon, la dîme devient une obligation pour les fidèles, y compris le roi, sous peine d’excommunication: «Les lois divines ont ordonné que les prêtres recevraient la dîme de tous les fruits de la terre, afin que dégagés de soins et de travail, ils pussent vaquer librement aux affaires spirituelles. Les chrétiens ont longtemps observé ces lois. Mais comme quelques-unes cherchent à s’y soustraire, nous statuons que tout peuple soumis à l’église paiera la dîme aux ecclésiastiques, sous peine d’excommunication2 ».

Cependant les menaces n’eurent d’effet que sur les croyants, mais non sur les autres qui se moquaient d’être excommuniés.

Au 8e siècle, Charlemagne crée l’impôt ecclésiastique

La charge de la réparation des bâtiments d’église incombait aux seigneurs. Un certain nombre d’entre eux ne s’acquittait pas de cette obligation, ni ne versait la dîme qui pourrait financer les travaux.

Les autorités de l’église se tournent alors vers le prince pour les aider à imposer l’application de la dîme. Charlemagne prend à cœur l’organisation de l’église. Par le capitulaire de 779, il institue l’impôt ecclésiastique, dîme destinée au clergé paroissial, aux pauvres et à l’entretien des bâtiments. Les dîmes sont perçues sur les récoltes de fruits, légumes, céréales, textiles, sur le petit et gros bétail, sur les terres nouvellement défrichées. Les sanctions en cas d’infraction sont un peu plus persuasives : les fautifs seront non seulement excommuniés, mais incapables de remplir un emploi public. Après cela l’Église s’enrichit de diverses manières : par les dîmes, les legs et testaments, l’héritage des personnes entrées en religion. Celui qui fait une offrande à l’Église ne peut plus la reprendre: c’est une offrande sainte, pour le rachat des péchés.

L’impôt ecclésiastique de Charlemagne restera en vigueur, en France, jusqu’à la Révolution et est toujours en vigueur dans d’autres pays, comme l’Allemagne.

Les protestants doivent payer la dîme à l’Église catholique

Au moment de la Réforme, suite à l’affaire des indulgences qui a provoqué l’indignation de Luther, les princes et rois qui suivent les idées de la Réforme entraînent avec eux leurs peuples. En Allemagne, par exemple, lorsqu’un prince devient protestant, le clergé, le peuple, les bâtiments d’église, l’impôt ecclésiastique suivent le mouvement. L’Europe du Nord devient majoritairement protestante.

En France, François Ier décide que son pays restera catholique. Calvin organise depuis Genève les églises réformées.

Avec Henri IV, malgré l’édit de Nantes en 1585 qui reconnaît la liberté de conscience aux protestants – mais non la liberté de culte – ceux-ci doivent continuer à s’acquitter de la dîme pour l’Église catholique.

Le culte protestant en France est financé uniquement par ses membres, qui comptent heureusement un grand nombre de personnes de haut rang. Il reçoit aussi le soutien de l’étranger (Angleterre, Allemagne, Suisse).

Lors de la révocation de l’édit de Nantes en 1685, les protestants qui n’ont pas abjuré, ni ne se sont exilés, survivent difficilement à la persécution dans la clandestinité.

Au 18e siècle, la Révolution française abolit la dîme

Pendant tout le Moyen Âge l’impôt ecclésiastique sera en vigueur et ce, jusqu’à la Révolution Française qui l’abolira. En 1789, la révolution française confisque les biens du clergé et abolit la dîme. Elle inscrit la liberté de culte dans la déclaration des droits l’homme.

En 1802, Bonaparte établit un concordat selon lequel le clergé est salarié directement par l’État. L’État reconnaît les cultes représentés à l’époque: catholique, protestant, juif. À la place de l’impôt ecclésiastique, ce sera l’État français qui versera un salaire directement au clergé.

L’organisation du culte protestant est ainsi calquée sur le modèle catholique, les pasteurs étant salariés et placés sous le contrôle de l’État en 1804.

Au 20e siècle, la séparation de l’Église et de l’État en France

Cette situation continuera jusqu’à la loi de séparation de l’Église et de l’État en 1905.

Le patrimoine immobilier confisqué à la Révolution et existant avant 1905 n’est pas restitué à l’Église catholique et la charge de son entretien incombe à l’État.

Pour le reste l’État est laïc et ne finance aucun culte. Chaque culte collecte ses propres ressources pour subvenir à ses besoins.

En parallèle, l’État reprend à sa charge l’aide sociale. Non pas que l’Église soit dispensée de s’intéresser aux pauvres, mais les principes de laïcité exigent que l’aide sociale se fasse en dehors de tout esprit de prosélytisme et de discrimination sur critères religieux. Bien que l’impôt ecclésiastique ne soit plus prélevé en France, une partie de notre impôt va quand même vers la même destination finale: l’aide aux pauvres sous la forme d’allocations familiales, sécurité sociale, hôpitaux, aides sociales diverses.

En Europe, différents modèles de rapports entre l’Église et l’État se sont développés…

France, Pays-Bas,
Irlande
Angleterre, Grèce, Danemark,
Norvège, Finlande
Belgique, Allemagne, Italie, Autriche,
Portugal, Espagne, Suède
Séparation stricte entre l’Église et l’État La religion est d’État Un système mixte de coopération reconnait aux confessions reconnues une utilité publique dans certains domaines (social, enseignement…)

… avec des financements différents.

Prise en charge des ministres des cultes reconnus par l’État Impôt cultuel reversé à(aux) l’église(s) nationale(s) Affectation d’une partie de l’impôt sur le revenu L’État ne finance aucun culte
Belgique
Grèce
France
pour Alsace-Lorraine
Allemagne
Autriche
Danemark
Islande
Finlande
Norvège
Suisse
selon les cantons
Espagne
Italie
Portugal
Suède
Angleterre
France
sauf Alsace-Lorraine
Pays-Bas

De nouveaux enjeux

Examiner nos pratiques

Dans le survol d’histoire de la dîme que nous venons d’effectuer, il est clair que plusieurs principes n’ont pas été respectés.

Le principe d’appartenance a été bafoué dès lors que des populations entières ont été considérées comme chrétiennes sans l’avoir demandé, à partir de Constantin. Non plus lorsque les huguenots durent payer la dîme catholique.

Le principe de liberté n’a pas plus été respecté lorsque la dîme a été rendue obligatoire par le concile de Mâcon.

Finalement, c’est lorsque l’État n’intervient pas dans les affaires religieuses que ces principes ont le plus de chance d’être respectés. Notre époque est encore celle qui ressemble le plus à celle de l’Église primitive de par son contexte de tolérance religieuse. Mais la grande différence est que nous appartenons à une époque post-chrétienne.

À cause de notre histoire, un fort contentieux existe entre le peuple français et l’Église catholique, et par extension envers toute forme de religion. Il faut voir dans cette histoire les racines de la méfiance actuelle d’un grand nombre de Français envers ce qui est religieux, et surtout lorsque le religieux demande de l’argent. Et nous ne pouvons pas faire abstraction de notre histoire.

Les dérives sectaires

Pendant des siècles nous avons assisté au bras de fer entre l’Église et l’État. Tantôt l’un, le Roi, tantôt l’autre, le pape, était le plus fort: qui des deux avait le droit de nommer les responsables d’Église, qui avait le pouvoir de lever des impôts ?

La séparation est faite, mais tout ce qui concerne l’argent et le pouvoir intéresse l’État. Celui-ci ne cesse de vouloir contrôler les rentrées d’argent et leur utilisation. La motivation de ce contrôle est bien sûr pour notre bien afin de protéger le citoyen des dérives sectaires. Les sectes sont suspectées d’extorquer trop d’argent à des adeptes naïfs.

La question est de savoir ce qui pourrait définir ce « trop». L’Église des apôtres, celle de Cyprien et celle de Tertullien seraient-elles comptées comme sectes aujourd’hui ? La dîme est-elle déjà « trop» ?

Ou bien est-ce toujours cette même tentation de l’État de s’ingérer dans les affaires religieuses ?

Que deviennent nos offrandes si nous séparons le cultuel du culturel ?

Alors que les premiers chrétiens donnaient globalement pour les pauvres et aussi pour ceux d’entre eux qui exerçaient un ministère, les lois les plus récentes en France nous poussent à séparer le cultuel du culturel. Depuis quelques années nos églises doivent doubler leur association cultuelle selon la loi de 1905 d’une association culturelle selon la loi de 1901 pour prendre en charge les activités qui, selon l’État, ne relèveraient pas directement de l’exercice du culte, en particulier ce qui touche au social, à l’humanitaire ou à l’enseignement.

Dans ce contexte, si nous nous contentons de donner à notre église locale, le principe de solidarité ne peut plus s’exercer puisque les activités sociales ont été enlevées du domaine du culte. En effet, une Église constituée en association cultuelle n’a pas le droit de donner une aide directement à une personne, elle n’a pas le droit de donner à une association 1901 qui le ferait à sa place. Il faut que cette association 1901 ait ses propres ressources.

Si nous voulons rester fidèles à l’esprit des Écritures, il faut donc encourager les chrétiens à donner à l’église locale pour le fonctionnement du culte et aux associations diaconales pour les œuvres sociales et humanitaires. Cela suppose une nouvelle organisation qui n’est pas encore entrée dans nos habitudes.

7 régimes de cultes pour une même république

En réalité il existe 7 régimes différents en France1 :

A. Les régimes de droit commun qui sont:

• le régime des cultes reconnus (Alsace et Moselle);
• les associations cultuelles (loi du 9 décembre 1905).

B. Les régimes d’exception, au nombre de quatre:

• les associations de la loi de 1901 (association ordinaire);
• les associations de droit local (pour les trois départements du Rhin et de la Moselle);
• le régime de la déclaration (loi de 1907);
• le régime de la Guyane (ordonnance royale de 1828, qui donne à la seule Église catholique, dans le département de la Guyane le statut de culte reconnu).

C. Le régime sui generis de l’Église catholique romaine (associations diocésaines approuvées par le Saint-Siège en 1924, après transaction avec le gouvernement et avis du Conseil d’État).

Les trois départements d’Alsace-Lorraine, sous régime allemand lors du concordat napoléonien, ont obtenu le droit d’être maintenus sous le régime concordataire. La région d’Alsace-Lorraine appartenait à la France lors du concordat de 1802 institué par Bonaparte. La France ne perdit cette région que suite à sa défaite face à la Prusse en 1871. Ainsi, le traité de Francfort du 10 mai 1871 restitua l’Alsace et la Lorraine au Saint Empire Germanique. Si l’Alsace et la Lorraine sont effectivement toujours sous le régime concordataire, c’est simplement parce que durant la promulgation de la loi dite de séparation de l’Église et de l’État, en décembre 1905, ces territoires ne furent pas concernés : ils appartenaient à l’Allemagne à ce moment précis. En 1918, la France a récupéré cette région et l’a maintenue dans la situation dans laquelle elle l’avait cédée à l’Allemagne en 1871, autrement dit « sous le régime concordataire».

L’ensemble des cultes encadrés par les lois de 1901/1905 ne reçoivent aucune subvention de l’État. Leurs principales ressources sont les collectes auprès des fidèles et des soutiens privés ou inter-Églises.

1 Extrait de Le Christianisme en Europe, de Gérard Fisher : http://www.protestants.org

Conclusion

La dîme appartient au régime de l’ancienne alliance. Elle appartient aussi à l’Ancien Régime français. Le mot est identique à ces deux époques, mais il s’agit de notions différentes qui se sont télescopées, les partisans de la seconde usant de la première pour justifier la leur.

Mais nous, nous sommes sous une loi de liberté et de justice. Nous donnons selon nos moyens et sans contrainte pour couvrir les besoins que l’Esprit Saint nous permet de discerner. Nous donnons avec la foi que nos propres besoins seront aussi pris en compte par notre Seigneur, lui qui habille les lys des champs. Nous donnons en nous adaptant constamment aux changements de législation qui nous sont imposés, parce que nous croyons que notre Dieu dirige les gouvernants et qu’il fait concourir toutes choses pour notre bien. Nous donnons aussi avec humilité, en priant notre Dieu de nous garder des escrocs, des abuseurs, des voleurs et de tous ceux qui par leur malhonnêteté ou leur incompétence jetteraient le discrédit sur l’Église. Nous donnons dans la transparence et en rendant grâce à Dieu parce que nous sommes dans un pays où la liberté de culte est reconnue.

Marie-Christine Collas –
Gestionnaire de formation et informaticienne de métier,
diplômée de l’Institut Biblique de Nogent et
diacre dans l’Église protestante évangélique d’Ozoir-la-Ferrière.

 

 

 

 

Marie-Christine Collas est auteur
du livre Dîmes et offrandes paru
aux éditions FAREL. À partir
de textes bibliques, d’éléments
d’histoire de l’Église et d’anecdotes vécues, elle tire des réponses
claires et actuelles à la question:
«Pourquoi donner ? »


NOTES

1 On trouvera la traduction des écrits de S. Cy- prien sur le lien suivant https://www.bibliotheque-monastique.ch/

2 Cité in Dictionnaire féodal, J.A.S. Collin de Plancy, chez Foulon et Cie, Paris, 1819, article Dîme, p.142.