Cette prédication a été donnée lors du Forum des évangélistes 2009, nous en avons volontairement gardé le style oral…

Dans le cadre de son projet formation, le Réseau FEF prévoit d’aborder la problématique des cultes, expression de notre foi et de l’impact qu’ils peuvent avoir sur nos contemporains. Afin de vous donner un avant goût, nous avons choisi cet article qui véhicule fidèlement les questionnements et la problématique qui seront traités lors de cette formation. « Nous ne sommes pas que des associés individuels, nous le sommes en tant qu’Église, en tant que communauté qui « incarne » localement le Christ comme un corps et qui rend ainsi l’Évangile visible et lisible. L’Église-corps a une grande capacité évangélisatrice. Le rassemblement des pécheurs graciés, l’interaction des membres divers mais unis et complémentaires rend l’Évangile palpable. »

Lorsque nous entendons parler par certains journalistes des d’Églises « évangélistes » au lieu d’évangéliques, nous sursautons voire sommes agacés. Mais profitons aujourd’hui plutôt de ce lapsus (un peu moins fréquent à l’heure actuelle ?) pour nous laisser interpeller. Nos bonnes Églises évangéliques sont-elles des Églises évangélistes ?

Au risque d’enfoncer des portes ouvertes, rappelons d’abord l’urgence de multiplier les Églises locales dans notre pays pour que le témoignage de l’Évangile soit partout « incarné » et visible au travers d’Églises réellement évangélistes, ouvertes sur le monde et accueillantes.

Deux aspects de l’enseignement néotestamentaire m’ont personnellement libéré d’un stress superflu et m’ont considérablement encouragé à une participation active à la vie d’une Église évangéliste. Ils sont mentionnés dans une parabole qui évoque la semence et l’œuvre de Dieu autour de cette notion. Cette parabole a un caractère particulier dans la mesure où elle ne se trouve qu’une seule fois dans notre Bible : en Matthieu 13 : 24-30, 3643.

Il nous faut premièrement bien comprendre que celui qui sème, c’est le Seigneur lui-même. C’est lui l’évangéliste en chef. C’est lui le premier et le plus fameux missionnaire. Cette affirmation qui semble simple, presque banale, a en réalité une portée immense.

Dieu lui-même est en mission, depuis la chute du premier homme. En Jésus le plan de sauvetage a atteint son paroxysme et un accomplissement parfait. Inlassablement il répand la semence du salut dans ce monde. Matthieu le dit de façon explicite : « celui qui sème la bonne semence, c’est le fils de l’homme [Jésus] ».

Pourtant, il me semble assez souvent entendre parler dans nos Églises de l’évangélisation comme d’une activité spécifique, relevant de la volonté du chrétien individuel ou de l’Église. Avec des accents qui laissent faussement à penser qu’il s’agit avant tout d’une initiative humaine. Combien il est libérateur de comprendre que l’évangélisation c’est d’abord l’affaire du Seigneur. Je ne suis qu’un collaborateur, un associé. Bien sûr il est important de discerner ma contribution personnelle à l’action de Dieu, ma priorité, ma vocation profonde. Mais il est indispensable de saisir que l’évangélisation est avant tout l’affaire du Seigneur. Il travaille dans le monde et dans les cœurs en nous précédant, en ouvrant les portes. La semence de l’Évangile qu’il répand, en collaboration avec nous, continue à germer après nous, même pendant la nuit. Mon regard est-il assez aiguisé pour voir ce que le Saint-Esprit est en train d’accomplir ? Suis-je assez sensible à l’œuvre de Dieu pour m’aligner sur sa démarche ?

Affirmer que l’évangélisation est tellement importante qu’elle est portée et menée par le chef lui-même, non seulement nous soulage mais aussi nous engage : l’évangélisation ne relève donc pas du bon vouloir du chrétien ou de l’Église, elle ne peut jamais être une simple option. À partir du moment où quelqu’un est sauvé par le Christ en s’attachant par la foi à lui, il fait automatiquement partie de « l’équipe d’évangélisation » de Jésus. La priorité du maître doit naturellement devenir la sienne.

Nous ne sommes pas que des associés individuels, nous le sommes en tant qu’Église, en tant que communauté qui « incarne » localement le Christ comme un corps et qui rend ainsi l’Évangile visible et lisible. L’Église-corps a une grande capacité évangélisatrice. Le rassemblement des pécheurs graciés, l’interaction des membres divers mais unis et complémentaires rend l’Évangile palpable.

Un mini-sondage effectué auprès des nouveaux convertis rencontrés lors de mes récentes visites d’Églises, a mis en avant que la quasi totalité de ces personnes a vraiment compris l’Évangile et s’est tournée vers le Seigneur après avoir cheminé quelques mois voire deux ou trois ans au sein d’une Église. Généralement c’est une rencontre avec un chrétien, collègue, voisin, membre de la famille ou un événement comme un concert ou un cours Alpha qui a déclenché le désir d’aller à l’Église. Mais il a fallu ensuite du temps pour cheminer vers le Christ, entouré des chrétiens. L’observation du témoignage communautaire, en actes et en paroles, a été dans presque tous les cas l’élément décisif pour la compréhension de l’Évangile et pour l’éveil de la foi personnelle. Dans notre société individualisée et éclatée, l’interaction des membres de l’Église de toutes origines et conditions sociales, parle un langage puissant. Une Église évangéliste ne fait pas forcément des actions particulières ou spectaculaires, mais elle est ouverte sur le monde, accueillante, en laissant ses invités en son sein cheminer à leur rythme vers le Christ. Une partie importante du rôle de l’évangéliste est de rappeler ces choses à l’Église, de l’aider par son exemple, son enseignement, par l’encouragement qu’il donne aux uns et aux autres, pour que l’ensemble de l’Église, réunie le dimanche et dispersée en semaine soit évangéliste.

Aussi, nous comprenons que nous ne devons pas tellement rechercher la croissance mais plutôt veiller à ne pas la freiner. Le Saint-Esprit nous rend sensibles aux éventuels obstacles crées de toutes pièces par notre ingéniosité parfois débordante dans ce domaine…

Nous disions précédemment que l’Église est en elle-même, dans son être et par sa vie « ordinaire » probablement la meilleure évangélisation. L’expérience semble montrer que le culte est de nos jours souvent la « porte d’entrée » dans l’Église la plus évidente pour une personne en cheminement. Aussi, je reste parfois songeur en assistant à des cultes évangéliques où je ne peux m’empêcher de penser que si je n’étais pas chrétien, j’aurais beaucoup de mal à retourner dans cette Église-là. Les gens sont généralement de bonne volonté, mais l’ambiance, la rhétorique et le déroulement communiquent l’image d’un club fermé. La logique est tellement interne, pour les seuls « initiés », qu’un éventuel visiteur arriverait probablement à la conclusion qu’il n’est pas la bienvenue et que tout cela ne le concerne pas. Comprenons bien que l’Église est porteuse d’un immense potentiel d’évangélisation et que la vie plantée par Dieu, dans les individus et la communauté, bénéficie d’une croissance « automatique ». Ne rajoutons pas trop d’obstacles humains, inutiles, à l’obstacle de la croix qui doit rester le vrai défi à la foi, voulu par Dieu.

Le deuxième élément qui me stimule réside dans cette affirmation biblique que l’on pourrait paraphraser en disant que l’évangélisation se situe dans « l’être » plutôt que dans le « faire ». L’évangéliste Matthieu rapporte cette parole singulière de Jésus : « La bonne semence ce sont ceux qui font partie du royaume ». Nous comprenons ainsi aisément que le chrétien, nourri de la parole de Dieu et rempli du Saint-Esprit, devient à son tour une semence personnifiée, incarnée. Il est cette semence que Dieu répand dans le monde. Ici la Bible passe donc de la Parole de Dieu directement à la personne qui en est nourrie. Cette personne qui a vocation à la vivre et à en témoigner, dans le champ de Dieu c’est-à-dire dans le monde.

Je dois confesser que pour moi, l’évangélisation et l’implantation d’Églises relevaient pendant longtemps du registre des choses à faire. Loin de moi l’idée d’arrêter désormais la réflexion sur les bonnes stratégies d’implantation d’Églises et les méthodes de communication du message de l’Évangile, elles ont leur utilité. Mais il faut se laisser mettre d’aplomb par cette vérité et se laisser libérer par cette affirmation-là : l’évangélisation véritable se situe essentiellement dans l’être et non dans le faire. C’est beaucoup plus simple, concret… et exigeant. Le Seigneur nous place chacun dans son champ, le monde, selon sa pensée. Cela vaut pour nous en tant que chrétien individuel, mais aussi en tant qu’Église, pour un témoignage collectif. Nous sommes cette bonne semence qu’il veut faire fructifier automatiquement par sa Parole et le Saint-Esprit en nous.

Il est vrai que cela ne va pas sans problème. Matthieu nous parle du diable qui sème aussi, la zizanie (mauvaise herbe). La juxtaposition du blé et de la mauvaise herbe trouble d’ailleurs tout le monde, même les disciples, qui risquent de se focaliser sur le mal. Pourquoi Dieu ne fait-il rien ? Pourquoi tolère-t-il toute cette injustice ? Mais le Seigneur maîtrise tout et il sait à quel moment il doit tirer le trait final, à quel moment il doit extirper le mal et le malin de cette terre pour laisser la nouvelle création aux seuls enfants du royaume. « Alors les justes resplendiront comme le soleil dans le royaume de leur Père ».

C’est là notre perspective, l’issue heureuse est certaine, car c’est Dieu qui sème la bonne semence et qui l’a fait croître jusqu’au plein épanouissement. Alors soyons joyeux et libérés pour participer au ministère de nos Églises évangélistes.

Et lorsque, dans les semaines prochaines, vous entendrez à nouveau des journalistes parler d’Églises évangélistes, ne vous énervez pas, mais prenez-le comme un clin d’œil du Seigneur et demandez-vous : suis-je dans ce monde, à ma place, un collaborateur du Semeur divin au sein d’une Église évangéliste ? 

ARTICLE A PARU DANS LA REVUE ACTION MISSIONNAIRE.

PAR DANIEL LIECHTI,
DIRECTEUR DU DÉVELOPPEMENT DES ÉGLISES À FRANCE MISSION,
MEMBRE DU COMITÉ NATIONAL DU RÉSEAU FEF