Comment ?

Cette question reçoit dans le chapitre 17 de Jean une réponse particulièrement détaillée que nous résumerons sous trois chefs.

1. L’UNITÉ CHRÉTIENNE A DIEU LUI-MÊME POUR MODELE

On peut concevoir bien des formes d’unité : celle d’une armée qui marche au pas, celle d’une majorité parlementaire aux dosages savants et compliqués, celle d’une ruche bourdonnante.

Quand Jésus a prié Son Père d’unir Ses rachetés, Il a choisi pour modèle d’unité celle qui existe à l’intérieur de la Trinité : « Qu’ils soient un comme nous sommes un » (v. 22).
Nous ne saurions nous livrer à une étude détaillée de l’unité du Père et du Fils. Nous nous bornerons, à quelques remarques basées principalement sur le texte même de la prière sacerdotale.

Le Père et le Fils sont un en essence, puisqu’avec le Saint-Esprit, Ils sont un seul Dieu : « Tu es en moi et je suis en toi » dit Jésus (v. 21). Il y a donc interpénétration, un peu comme, lorsque je joins les mains, chacune d’elles est dans l’autre, avec cette différence, que mes mains jointes peuvent se séparer, tandis que les liens qui unissent le Père et le Fils sont indissolubles. Notre texte parle d’unité dans la gloire, c’est-à-dire dans le rayonnement extérieur de l’être : « Glorifie ton Fils afin que ton Fils te glorifie » (v. 1). Une seule et même gloire rayonne des deux. Enfin, mentionnons que le Père et le Fils sont liés par leur amour mutuel (v. 24 – voir aussi Jean 14:31). Voilà le genre d’unité qui doit exister entre enfants de Dieu.

Il y a entre eux unité de nature. Animés du même Esprit, ils forment tous ensemble un même être. Les comparaisons employées par l’Ecriture sont suggestives : c’est l’image de l’édifice dont les pierres, jadis éparses, sont solidement agrégées pour constituer un tout; c’est le corps, dont les membres ne peuvent vivre que dans leur liaison les uns avec les autres, aucun n’ayant d’existence propre; c’est l’épouse, c’est-à-dire un seul être. A la lumière de ces images, combien intime et profonde apparaît l’unité des chrétiens !

Le texte mentionne aussi notre communauté de gloire. Jésus déclare : « Je suis glorifié en eux. Je leur ai donné la gloire » (v. 10, 27). Si souvent les hommes se disputent pour une vaine gloire, remplis de jalousie les uns envers les autres. Ici nous sommes tous ensemble comblés d’une gloire infinie. Enfin, il serait trop long d’insister sur  l’amour, « qui est le lien de la perfection » (Col. 3:14), la marque distinctive à laquelle se reconnaît notre qualité de disciples (Jean 13:35).

Voilà pour les principes… Qu’en est-il en fait ?

Comme dans tous les domaines de notre expérience chrétienne, nous constatons une réalisation partielle des intentions de Dieu dès maintenant, et nous attendons un accomplissement parfait quand le Christ reviendra. Il en est de notre unité comme par exemple, de notre sanctification personnelle. Dès notre conversion, nous sommes saints en Christ, mis à part pour lui. Cependant, les saints que nous sommes ont encore bien des imperfections. Quand le Seigneur reviendra, nous Lui serons pleinement semblables. En attendant, nous devons rechercher la sanctification.

De même, dès l’instant où nous acceptons le salut, nous sommes un avec tous nos frères en la foi, nous avons la même nature, nous sommes au bénéfice de la même gloire, nous nous aimons les uns les autres. L’unité chrétienne n’est pas à créer, elle existe.

Mais tant que nous sommes sur la terre, elle est imparfaite. Quand Jésus reviendra, ce sera la perfection dans ce domaine, comme dans les autres. L’Église sera sans tache, ni ride, ni rien de semblable.

Jusqu’à ce jour, nous devons certes nous affliger et nous humilier, mais non être surpris des imperfections, de nos liens fraternels. Il en était ainsi déjà aux temps apostoliques. Nous idéalisons quelquefois un peu trop l’Église primitive. Dans le même chapitre, Paul parle de l’unité de l’Esprit comme d’une grâce déjà réalisée et qui doit être maintenue, et de l’unité de la foi comme une bénédiction encore à venir (Éph. 4:3 à 13).

Il peut y avoir, entre ceux qui appartiennent vraiment à Christ, des divergences qui portent sur des points secondaires, et qui n’empêchent pas la marche commune.

Paul dit aux Philippiens, à propos d’une question particulière « Si vous êtes d’un autre avis, Dieu vous éclairera aussi, là-dessus. Seulement au point où nous sommes parvenus, marchons ensemble » (Phil. 3:15-16). Il serait inconcevable que le Père et le Fils soient « sur quelque point d’un autre avis ». L’unité des croyants de Philippes n’était donc pas encore accomplie.

Cependant, il n’y avait pas d’obstacle à une entente véritable

Quelquefois, les divergences entre ceux qui croient au Christ, par la parole des apôtres, peuvent entraver la collaboration, même si l’unité spirituelle n’est pas compromise pour autant entre Paul et Barnabas, une discussion a surgi, à propos de Marc, telle que les deux hommes ont du momentanément se séparer (Actes 15:35-39), Qui avait tort dans cette affaire ?

Ce serait difficile de le dire. Tous deux ont été justifiés par la suite des événements. Après cette séparation, Paul a fait son voyage missionnaire le plus fructueux à vues humaines.

Et Marc n’a pas trompé la confiance que Barnabas avait mise en lui; Paul l’a reconnu plus tard (2 Tim. 4:11). Il serait blasphématoire d’imaginer un dissentiment entre le Père et le Fils. Ainsi, même des hommes de Dieu, comme Paul et Barnabas n’étaient pas parvenus à la perfection sous le rapport de l’unité.

Il peut donc nous arriver, à nous aussi d’être obligés de refuser notre collaboration à un frère avec qui nous nous sentons un sur le plan spirituel, mais dont nous ne pouvons en bonne conscience approuver les méthodes. Certains sont tellement obsédés par la pensée de l’unité chrétienne, qu’ils seraient prêts à sacrifier pour elle-même des choses essentielles, ou qu’ils demandent à d’autres, de faire un tel sacrifice. C’est abusif. Nous pouvons, sans crainte, immoler sur l’autel de la collaboration fraternelle nos goûts et nos préférences, mais jamais nos convictions. Il vaut mieux, dans certains cas, partir chacun de son côté, que de rester ensemble à se disputer.

2. L’UNITÉ CHRÉTIENNE A DIEU LUI-MÊME POUR FONDEMENT

Dans la prière sacerdotale, les croyants n’apparaissent pas comme directement unis entre eux, mais comme unis par l’intermédiaire du Seigneur : Jésus nous dit: « Garde en ton nom ceux que tu m’as donnés, afin qu’ils soient un » (v. 11). Le moyen qu’ll envisage pour que tous soient parfaitement un est celui-ci : « Moi en eux, et toi en moi » (v. 23). Il est toujours l’intermédiaire, obligé entre nous.

L’unité chrétienne ne se situe pas tellement sur le plan horizontal, au moyen d’une multitude de fils qui relieraient directement les croyants entre eux; ce serait un enchevêtrement inextricable. L’unité chrétienne est verticale : chacun est relié au Seigneur, et par Lui aux autres chrétiens. Comme le disait un serviteur de Dieu : « Souvent nous nous donnons beaucoup de peine pour jeter des ponts, là où il faudrait plutôt dresser des échelles. »

Les hommes préconisent souvent de sauvegarder l’unité par l’attachement à un homme ou à une institution humaine. Ce n’est pas du tout ce qui apparaît dans la prière sacerdotale. Les croyants ne seront pas un en vertu de leurs relations avec Pierre, ou avec le collège apostolique, mais uniquement en vertu de leurs relations avec le Seigneur.

À cet égard, il y a une différence entre l’Ancienne et la Nouvelle Alliance. Moïse demandait à Dieu de donner un chef terrestre au peuple, pour qu’il ne soit pas « comme des brebis qui n’ont point de berger » (Nombres 27:1.7). Et Dieu leur a donné Josué, à qui tout bon Israélite devait rester soumis sous peine de mort (Josué 1 :18).

Mais, maintenant, l’Église n’a pas besoin de chef terrestre, individuel ou collectif. Selon la parole de Jérémie, nul n’enseigne plus son frère, en disant : « Connais le Seigneur » (Jér 31:34).

Tout cela doit être pour nous l’occasion de sérieuses réflexions, et même d’humiliation. Si quelque chose me sépare d’un frère, c’est un signe que, probablement, mes rapports avec Christ ne sont pas ce qu’ils devraient être. C’est en tout cas, là-dessus que doit porter, en premier lieu, la vérification; de même qu’un abonné au téléphone, qui ne peut communiquer avec un autre, fait vérifier, en premier lieu, sa liaison avec la Centrale.

Voyez comment Paul procède à Corinthe. Il y avait des divisions pour des raisons de personnes. Il ne dit pas à ses lecteurs : « Attachez-vous tous à moi, fondateur de votre Église, ou fous à Céphas, prince des apôtres. » Il ne dit même pas  Vos divisions tombent à faux, puisque Céphas, Apollos et moi, nous sommes tous d’accord. » Il invite les Corinthiens à regarder au Christ, et au Christ crucifié, à Lui seul. Quand tous auront cette attitude, la question de leurs dissentiments sera réglée d’elle-même.

Il peut être utile, pour rétablir l’harmonie avec un frère, d’aller le trouver et d’avoir une explication loyale avec lui. Mais ce qui est surtout salutaire, en pareil cas, c’est de revenir tout à nouveau à Jésus, pour resserrer les liens entre Lui et nous. Ainsi nos divisions constituent avant tout un appel à nous humilier devant le Seigneur et à nous attacher à Son nom.

3. L’UNITÉ CHRÉTIENNE A DIEU LUI-MÊME POUR AUTEUR

Nous ne devons pas oublier que Jésus se trouvait en face d’une situation très précise. Les apôtres étaient souvent désunis. Ils passaient une partie de leur temps à se disputer pour savoir qui était le plus grand. Jusque dans la chambre haute, ils ont trouvé bon de prolonger leurs discussions à ce sujet (Luc 22:24).

Pour remédier à cet état de choses, le Maître n’a pas recours à des recommandations. Il ne dit pas : « Cessez de vous disputer: Unissez-vous, faites front contre un monde hostile. » Il prie. Il ne compte pas, pour la réalisation de l’unité chrétienne, sur les efforts humains, mais sur l’intervention du Père. Bien sûr, les chrétiens ont des devoirs en rapport avec cette question. Jésus leur enjoint de s’aimer les uns les autres (Jean 13:34). Pour obvier à leur ambition, source de conflits, Il leur dit de se rendre serviteurs les uns des autres (Luc 22:25-27). Ailleurs, nous sommes mis en présence du devoir de nous pardonner réciproquement (Col. 3:13), et de conserver l’unité de l’Esprit (Eph, 4:3). Nous ne sommes pas des êtres irresponsables et purement passifs.

N’empêche que l’unité chrétienne ne sera jamais l’oeuvre des hommes. Elle est l’oeuvre de Dieu. Il est toujours un peu agaçant d’entendre des amis, certes bien intentionnés, répéter qu’il nous appartient d’exaucer la prière du Seigneur. Nous autres, nous sommes en danger, lorsque nous faisons une démarche, de nous tromper d’adresse, et de frapper à la mauvaise porte. Jésus ne risquait pas de commettre une erreur de ce genre. Ce qu’Il demandait au Père, c’est le Père et nul autre qui le Lui donnera. Il n’appartient donc pas aux hommes d’établir l’unité chrétienne. Elle est une grâce qui nous vient de Dieu. Nous n’avons pas à nous y hisser, à coup de discussions, de concessions, de conversations.

Nous devons nous placer sur le même plan que le Seigneur, celui de la prière. Alors, souvent d’une manière très inattendue, nous avons le bonheur d’expérimenter l’unité fraternelle, de la recevoir comme une grâce que le Père nous fait, en réponse à la requête du Fils.

L’unité faite par les efforts humains court toujours le danger d’être contraire aux intentions du Sauveur. En fait, elle échappe rarement à ce danger. Souvenons-nous que, selon le voeu de Jésus, Dieu seul est l’Auteur de l’unité véritable. Demandons-la Lui avec ferveur, qu’il nous l’accorde comme Il veut et quand Il veut. Mettons-nous Sa disposition dans une attitude de soumission à Sa volonté. Et nous verrons, en de multiples occasions, avec joie, et parfois avec surprise, l’exaucement de la prière du Maître.

En attendant le jour où Christ reviendra; où, visiblement, il y aura un seul troupeau, et un seul Berger.

Manifester l’unité chrétienne – Pourquoi ?

Nous serons assez brefs dans cette troisième étude. En effet, la réponse est très simple, et les malentendus à son sujet beaucoup moins fréquents que pour les questions abordées précédemment.

La première raison pour laquelle nous devons manifester l’unité chrétienne, c’est que telle est la volonté de notre Sauveur. Il s’exprime à cet égard avec une grande énergie : « Père, je veux que, là où je suis, ceux que tu m’as donnés soient aussi avec moi » (v. 24). Il n’a pas l’habitude de mettre Sa volonté en avant d’une manière si insistante. Quelques heures plus tard, à Gethsémané, Il dira : « Non pas ce que je veux, mais ce que tu veux » (Matt. 26:39). Mais ici Sa prière S’accompagne d’une hardiesse qui ne s’accommode d’aucun refus. C’est donc que la chose Lui tenait tout spécialement à coeur.

Les circonstances dans lesquelles la prière sacerdotale a été prononcée donnent à Sa requête un caractère émouvant. C’est Son ultime volonté, celle d’un mourant. À ce titre, elle doit nous être sacrée entre toutes. D’ailleurs si, Jean nous déclare qu’un des buts recherchés par Jésus en S’immolant sur la croix est de « réunir en un seul corps les enfants de Dieu dispersés » (Jean 11:52).

Il nous est aisé de comprendre ce désir du Maître. Quel chagrin pour les parents quand les enfants se disputent. Ils le font souvent pour des riens ! Les enfants peuvent être si bêtes… aussi bêtes que les grandes personnes ! Tant que les enfants sont petits, c’est parfois agaçant, mais ça n’est pas tragique. Quand ils sont plus grands, cela peut tourner à la catastrophe, et le cœur des parents en est brisé. Quelle peine ne faisons-nous pas au Sauveur, quand nous sommes désunis ! Si nous croyons en Lui, par la parole des apôtres, nous avons le devoir de maintenir l’unité chrétienne, par respect pour Sa volonté. Il y va aussi de notre propre intérêt. « Voici qu’il est agréable, qu’il est doux pour des frères de demeurer ensemble… Car c’est là que l’Éternel envoie la bénédiction, la vie pour l’éternité » (Ps. 133:1-3).

Tant de gens sont seuls, et c’est si triste d’être seul; tout particulièrement d’être seul au milieu d’une foule. Celui qui croit en Jésus-Christ ne connaît pas cette solitude totale. Il a toujours des frères. Quand Alfred de Vigny a voulu dépeindre l’isolement du grand homme, il a choisi l’exemple de Moïse : « Hélas, je suis, Seigneur, puissant et solitaire. » La poésie de Vigny est admirable, mais il n’est pas sûr que Moïse ait été si solitaire que cela. En tout cas jamais il ne se plaint de la chose. Il avait auprès de lui des hommes, comme Aaron et Ur, comme Caleb et Josué, d’autres encore sans doute. Et lorsqu’Elie, lui, s’afflige en pensant à sa solitude, il s’entend dire qu’il a, en réalité,  sept mille compagnons « qui n’ont pas fléchi les genoux devant Baal » (1 Rois 19:18).

A plus forte raison, nous qui, par le baptême du Saint-Esprit, sommes unis dans un seul corps (1 Cor. 12:13), pouvons-nous être sûrs d’avoir toujours auprès de nous, des frères en la foi. Et même s’ils ne sont pas auprès de nous, nous sommes liés à eux, malgré la distance, par la prière comme membres du corps de Christ, nous nous apportons une aide mutuelle: quelquefois sur le plan matériel, « en sorte qu’il y ait égalité, selon qu’il est écrit: Celui qui avait ramassé beaucoup n’avait rien de trop, et celui qui avait ramassé peu n’en manquait pas » (2 Cor. 8:14-15). Nous aimons l’esprit d’équipe, soit dans les jeux, soit dans les travaux. Quand nous appartenons au Seigneur, nous avons l’avantage d’être avec d’autres pour notre labeur, qui en devient plus efficace.

Nous bénéficions aussi de la grâce précieuse que, constitue, la sympathie chrétienne. Un homme de Dieu âgé, qui souffrait d’une maladie douloureuse et gênante, nous disait une fois : « Vous ne savez pas le bonheur qu’il y a d’être malade, on est entouré de tant d’affection! » Nos lecteurs auront sans doute eu l’occasion d’éprouver, eux aussi, la réalité de cette consolation : « Quand un membre souffre, tous les membres souffrent avec lui » (1 Cor. 12:28).

D’ailleurs, nous sommes également unis dans le bonheur « Si un membre est honoré, tous les membres se réjouissent avec lui » (1 Cor. 12:28). Notre communion nous donne donc de nombreuses occasions de joie. Comme le dit un proverbe allemand : « Une souffrance partagée est une demi-souffrance: une joie partagée est une joie doublée. » Voilà l’arithmétique de la vie spirituelle! Et nous savons qu’elle est exacte.

Tout cela, notons-le, se fait au nom de Jésus. C’est par Lui que s’établît notre communion. Il est présent pour ceux qui donnent et pour ceux qui reçoivent dans cet échange fraternel. J’interviens au nom du Christ, et je suis Son instrument lorsque je soulage mes frères. En quelque sorte, je Le représente auprès d’eux. Et, à leur tour, ils Le représentent pour moi; car te que je fais au plus petit d’entre eux, c’est au Seigneur que je le fais (Matt. 25:40).

Sa présence donne à notre entraide son climat particulier, un climat d’une douceur infinie, source de bénédictions toujours renouvelées. Notre unité doit aussi avoir ses répercussions pour le monde.

Cette préoccupation est nette dans la prière sacerdotale : « Qu’ils soient un dit Jésus, pour que le monde croie que tu m’as envoyé. » (v. 21). Et, un peu plus, bas: « Qu’ils soient parfaitement un, pour que le monde connaisse que tu m’as envoyé et que tu les as aimés comme tu m’as aimé » (v. 23).

Quand deux personnes se disputent, en général, aux yeux de l’observateur, elles se discréditent toutes les deux. On ne cherche pas toujours à savoir qui a raison, on pense a priori que les deux parties ont tort. Lorsque, dans l’Église, il y a des conflits, cela nuit aux uns et aux autres. Pour que le monde soit convaincu de la vérité de l’Evangile, il est important que les croyants manifestent l’unité chrétienne. Cela doit être visible. Il m’est arrivé, autrefois, de penser, et probablement de dire, que l’unité de l’Eglise invisible était, elle aussi, invisible. Cela sonne bien, mais c’est faux. Dans Sa prière, c’est bien une unité visible que le Seigneur demande pour les siens; autrement comment pourrait-elle constituer un témoignage vis-à-vis du monde ?

Comment cette unité pourra-t-elle être visible, malgré la multiplicité des Églises particulières ?

Il n’est certes pas souhaitable d’édifier une grande façade qui devrait abriter tous ceux qui se réclament du Christ. Si, derrière la façade, il y a des désaccords graves, le monde s’en apercevra, et sera beaucoup plus scandalisé que convaincu. Une demoiselle de ma connaissance, faisant allusion aux divergences qu’elle avait remarquées entre les prédicateurs qui se succédaient à la même chaire, me disait : « Il faudrait bien que les pasteurs tâchent de se mettre d’accord! Car ces contradictions sont une cause de trouble pour les gens. » Le monde sera souvent moins choqué par la coexistence de plusieurs chapelles que par les conflits qui peuvent surgir dans le même groupement religieux.

À cet égard, nous ferons bien de ne pas nous laisser impressionner par l’unité extérieure de l’Église romaine. Nous imaginons parfois qu’elle constitue un monolithe de trois cents millions et quelques fidèles. En réalité, l’on y distingue bien des lézardes; qu’on songe à l’affaire des prêtres ouvriers, aux rivalités entre les divers ordres religieux. Le monde n’est pas dupe.

Pour que le monde croie, il faut une autre unité que celle-là, il faut l’unité réclamée par Jésus dans Jean 17.

Comment manifester cette unité? Nous pouvons le faire dans des efforts communs, par exemple dans des conventions ou des campagnes d’évangélisation, en prenant soin d’être un en Christ autour de Sa parole. Nous devons insister sur les points où nous sommes d’accord avec les fidèles d’autres groupements chrétiens.

Il faut distinguer aussi ce qui est fondamental de ce qui est accessoire. Vu l’infirmité humaine, sans doute que je ne trouverai jamais personne avec qui je puisse tomber d’accord sur tous les points sans exception. Mais cela ne m’empêche pas de fraterniser avec ceux dont je ne suis séparé que par des questions de détail. Si, sur l’essentiel, sur Jésus-Christ, Son Salut et Sa parole, on est un, on peut marcher ensemble.

C’est ici le lieu de rappeler la belle devise de Luther: Dans les choses nécessaires, unité: dans les choses qui ne sont pas nécessaires, liberté: en toutes charité ! » Mieux encore : Paul nous recommande de professer la vérité dans la charité (Eph.4:15); la vérité, sans y faire la moindre entaille: la charité, en la manifestant sans cesse. Alors notre témoignage sera convaincant pour le monde.

Encore un mot pour terminer cette unité, nous ne devons pas en faire montre pour attirer les gens à nous, mais pour les attirer à Christ. Jésus insiste sur la gloire de Dieu : « Afin que le monde croie que tu m’as envoyé, et que tu les as aimés » (v. 23).

On se plaint parfois de ce que l’Église n’est pas attrayante. Qu’importe ? Il ne s’agit pas que les gens nous admirent ni qu’ils viennent à nous. Ils doivent reconnaître la mission divine du Christ et glorifier l’amour miséricordieux du Père. Voilà ce qui compte. Ce n’est pas l’Eglise qui sauve. Ce n’est pas à elle-même qu’elle doit rendre témoignage. Elle est là pour glorifier Son divin Chef. Puissions-nous être bien unis, pour que le monde reconnaisse en Jésus l’Envoyé du Père, et qu’ainsi des âmes viennent à Lui.

J.-M. NICOLE
Avec l’autorisation d’Études évangéliques,
publiée par la Faculté de Théologie protestante d’Aix-en-Provence (1955).