L’article 7 de la confession de foi du Réseau FEF présente ainsi le ministère de l’Esprit :

Nous croyons que le Saint-Esprit, personne divine, est un avec le Père et avec le Fils. Il est donné à tout croyant et vient habiter en lui au moment où celui-ci s’unit à Jésus-Christ par la foi. Il a pour mission de mettre le croyant au bénéfice de l’oeuvre de salut de Christ. Il agit habituellement par l’Écriture, avec laquelle il ne saurait être en désaccord : il oeuvre dans le coeur du croyant pour qu’il la comprenne, la reçoive avec foi et s’y soumette. Il produit en lui son fruit ; il le rend capable de progresser dans la vie chrétienne et d’y persévérer jusqu’à la fin. En comptant sur son oeuvre en lui, le chrétien s’efforce de mener sa vie selon la volonté de Dieu. Sous son action, et équipé par lui de ses dons, chaque chrétien est appelé à se mettre au service d’autrui dans l’Église et dans le monde selon le dessein particulier de Dieu à son égard. L’Esprit seul peut assurer au croyant la communion avec son Dieu et avec ses frères.

Dans un article précédent, Sylvain Romerowski a détaillé ce qu’était le baptême dans l’Esprit, promis dans les Évangiles et réalisé en Actes 2 : « À partir du don de l’Esprit fait aux apôtres le jour de la Pentecôte, l’Esprit est offert à tous ceux qui écoutent leur parole. L’Esprit a été donné aux apôtres à la Pentecôte pour qu’à partir d’eux, sur la base de leur témoignage, l’Esprit soit offert à tous ceux qui deviennent disciples du Messie. »

À partir de cet événement historique, tout croyant fait à son tour l’expérience d’un baptême dans l’Esprit. Ce baptême a pour fonction d’unir les croyants à Jésus-Christ, et les uns aux autres, en un peuple de Dieu nouveau, dont tous les membres ont reçu l’Esprit et sont régénérés. De plus, le don de l’Esprit équipe ce peuple en vue de ses activités de communication de la Parole de Dieu transmise une fois pour toutes par les apôtres du Nouveau Testament et, il faut l’ajouter, par les prophètes de l’Ancien Testament1.

Nous considérerons ici le rôle de l’Esprit saint dans la vie du croyant, en portant notre attention sur ce qu’en disent les épîtres.

Les ouvrages de théologie systématique hésitent à aborder le sujet indépendamment de la doctrine du salut, ce qui reflète la proximité des deux sujets : l’Esprit nous conduit à la conversion et réalise la régénération, la sanctification, la persévérance, la glorification. C’est lui qui accompagne ou doit accompagner la méditation de l’Écriture, la prière, la louange, les divers services au sein de l’Église, et qui fait naître en nous le fruit qui rend les relations paisibles et aimantes dans l’Église. Comment structurer toutes ces données en concentrant notre attention sur la part de l’Esprit ?

Nous limiterons notre survol à trois considérations : ce que l’Esprit réalise sans nous, ce qu’il réalise avec nous, et ce qu’il attend de nous de manière spécifique.

Ce que l’Esprit réalise sans nous

La conversion d’un individu à Christ implique un certain nombre de démarches personnelles. Il confesse de sa bouche, croit dans son coeur en réponse à la Parole de Dieu (Rm 10.8-10), place sa foi en Christ (Ac 10.43, 16.14, Rm 4.5, Ép 2.8-9) et change radicalement sa manière de penser et de vivre (Ac 3.19 ; 2 Co 5.17).
Mais préalablement ou parallèlement à ces événements, le Saint-Esprit est déjà souverainement à l’oeuvre. C’est lui qui va convaincre « de péché, de justice et de jugement » (Jn 16.8), révélant à notre coeur mort l’insuffisance de notre propre justice et nous conduisant à croire en Christ. Avec la conversion, plusieurs événements en lien avec l’Esprit saint ont lieu sans qu’ils résultent d’une demande consciente de notre part.

Le baptême dans l’Esprit

Le baptême de l’Esprit a lieu au moment de la nouvelle naissance2, car c’est par cela qu’une personne est intégrée au corps du Christ : « Car c’est dans un seul Esprit que nous tous, pour former un seul corps, avons tous été baptisés » (1 Co 12.13). Grudem, théologien charismatique, affirme :

… dans la pensée de Paul, le baptême dans le Saint-Esprit avait lieu au moment de la conversion. [Citation de 1 Co 12.13]. Pour cette raison, le « baptême dans le Saint-Esprit » doit faire référence à l’activité du Saint-Esprit au début de la vie chrétienne, lorsqu’il nous communique une nouvelle vie spirituelle (par la régénération), nous purifie et marque une rupture nette avec la domination et l’amour du péché (la phase initiale de la sanctification). Le « baptême dans le Saint-Esprit » désigne donc tout ce que fait le Saint-Esprit au début de notre vie chrétienne, ce qui écarte toute possibilité de référence à une expérience postérieure à la conversion, comme le voudraient les pentecôtistes3.

Ce baptême est la marque d’une conversion authentique, ce qui explique la question de Paul aux disciples de Jean-Baptiste sur les hauteurs d’Éphèse (Ac 19.2). Ce qui explique également l’affirmation catégorique de Paul : « Pour vous, vous n’êtes plus sous l’emprise de la chair, mais sous celle de l’Esprit, si du moins l’Esprit de Dieu habite en vous. Si quelqu’un n’a pas l’Esprit de Christ, il ne lui appartient pas » (Rm 8.9). Jésus baptise d’Esprit le croyant, lui permettant alors de bénéficier de toutes les grâces de la rédemption (cf. Tite 3.5).

Le sceau

La lettre aux Éphésiens rapporte que nous avons été « scellés du Saint- Esprit qui avait été promis » (1.13) enjoignant à ne pas attrister « le Saint-Esprit de Dieu, par lequel vous avez été scellés pour le jour de la rédemption » (4.30).

L’image du sceau évoque deux facettes. Celle de l’authenticité : les personnes qui sont réellement nées de nouveau ont cette marque qui reflète la réalité de leur conversion (cf. Ap 7.3). La seconde évoque la propriété. Les chrétiens reçoivent une marque qui indique qu’ils appartiennent dorénavant à Dieu. Ils sont « en Christ », dans une union qui ne peut être rompue, Christ les tenant fermement dans sa main (cf. Jn 10.28). La notion de propriété se complète dès lors de la notion de protection.

L’avance

La présence du Saint-Esprit, définitive, est présentée dans la Bible dans un langage qui dénote l’inachevé. Dieu « a mis dans notre coeur les arrhes de l’Esprit » (2 Co 1.22 ; 5.5) « qui constitue le gage de notre héritage » (Ép 1.14). Nous n’avons que les « prémices de l’Esprit » (Rm 8.23). Ce « que » est bien sûr ironique – la présence du Saint- Esprit est un don majeur de la rédemption, source d’émerveillement dès l’Ancien Testament (cf. Éz 36.26-27) !

L’Esprit sera d’ailleurs « éternellement avec [nous] » (Jn 14.16). Ainsi l’accompagnement de l’Esprit n’est pas réservé à notre pèlerinage terrestre. Puisque nous ne profitons « que » des arrhes et d’une avance, nous nous attendons à une relation autrement plus complète avec l’Esprit dans l’économie future, à partir de la résurrection finale. Comme le note Ferguson : « Dans ce sens, l’action présente de l’Esprit, bien qu’eschatologique – elle atteste de l’inauguration de la gloire du dernier jour – est aussi « sub-eschatologique » – elle est marquée par l’incomplétude4 ».

De la sanctification à la glorification

Le Saint-Esprit applique au croyant la rédemption accomplie par Jésus- Christ. L’un des aspects de cette oeuvre a trait à la sanctification, qui désigne le processus par lequel nous nous comportons de moins en moins selon notre ancienne manière de vivre et de plus en plus à la ressemblance morale de Christ. Nous aborderons plus loin la question de notre nécessaire participation à notre sanctification. Mais il existe aussi une sanctification initiale qui permet de tels progrès : nous sommes déjà sanctifiés, c’est-à-dire déclarés saints, grâce au Christ, notre substitut, qui « a été fait pour nous […] sanctification » (cf. 1 Co 1.30). C’est le Saint-Esprit qui réalise cette sanctification initiale (cf. 2 Th 2.13 ; 1 Co 6.9-13).

Il est important de noter que cette sanctification initiale est instantanée, à l’instar de la justification, et elle transforme notre être intérieur. Ce sont deux aspects d’un même événement : la justification déclare juste le pécheur, et la sanctification initiale évoque la purification qui nous lance dans une nouvelle manière de vivre.

La sanctification progressive qui en résulte est accompagnée de l’intercession du Saint-Esprit : Il prie pour nous, comme à notre insu (cf. Rm 8.26–27).
Au terme de ce chemin, à la résurrection, le Saint-Esprit nous conduira à la glorification ultime où nous serons pleinement et pour toujours à la ressemblance morale de Jésus-Christ (cf. Rm 8.30), bénéficiant d’une plénitude de l’Esprit que nous n’aurons encore jamais connue (cf. Jn 14.16).

Ce que l’Esprit réalise avec nous

L’illumination

Nous sommes naturellement peu conscients des réalités spirituelles. Nous désespérons vite de notre salut au moindre faux pas ; nous doutons devant l’épreuve ou la persécution ; nous avons du mal à saisir l’immense espérance qui est la nôtre en Christ. L’un des rôles de l’Esprit est de nous révéler « ce que Dieu nous a donné par grâce » (1 Co 2.12), c’est-à-dire tous les trésors associés à la rédemption de Christ.
Lorsque Paul prie pour l’Église d’Éphèse, il demande à Dieu que les croyants reçoivent « par son Esprit, sagesse et révélation, pour que vous le connaissiez ; qu’il illumine ainsi votre intelligence afin que vous compreniez en quoi consiste l’espérance à laquelle vous avez été appelés, quelle est la glorieuse richesse de l’héritage que Dieu vous fait partager avec les membres du peuple saint, et quelle est l’extraordinaire grandeur de la puissance qu’il met en oeuvre en notre faveur, à nous qui plaçons notre confiance en lui » (1.17-18, Semeur). Plus loin, il prie encore que les croyants soient « capables de comprendre avec tous les saints quelle est la largeur, la longueur, la profondeur et la hauteur, et de connaître l’amour du Christ qui surpasse (toute) connaissance, en sorte que vous soyez remplis jusqu’à toute la plénitude de Dieu » (Ép 3.18-19).

Le rôle de l’Esprit consiste donc à faire puissamment écho à la Parole de Dieu qu’il a lui-même inspirée (cf. 2 Tm 3.16-17 et 2 P 1.20s) pour que nous nous approprions pleinement tous les aspects de la rédemption. Entre autres, l’Esprit nous rappelle que nous avons été adoptés, que nous sommes les enfants de Dieu, et il crie dans notre coeur « Abba ! Père ! » (Ga 4.6, cf. Rm 8.15-16).

Cette assurance est spirituelle et mystérieuse (un témoignage intérieur, subjectif) mais elle n’est possible que par son origine cognitive et objective : elle s’appuie sur des vérités scripturaires. Cela ressort en particulier de ce que Jésus a dit aux apôtres au sujet de l’oeuvre de l’Esprit : l’Esprit devait leur rappeler les paroles de Christ (une promesse qui garantit l’inspiration de ce qu’ils écriront, Jn 14.26 ; 16.12-15) ; et ce même Esprit confirme leurs paroles dans notre coeur alors que nous méditons l’Écriture (cf. 1 Jn 2.27). L’Esprit nous conduit dans la vérité enseignée par les apôtres et les prophètes, la parole entendue « dès le commencement » (cf. 2.24).

Si l’Esprit fait écho à la Parole, il est impératif que le disciple médite cette Parole, s’attèle à l’étudier, la mémoriser, la méditer et la comprendre. Maximiser l’impact de l’Esprit dans notre vie, c’est déjà investir nos pensées dans l’Écriture. L’Esprit saura nous rendre attentif à tel verset qui répond à telle aspiration ou tel besoin de notre coeur. Lire la Bible, réfléchir au sens de chacune de ses pages, s’en inspirer pour la prière et la louange, permettent à l’Esprit de nous éclairer davantage sur la grandeur du Christ et de son salut.

La sanctification

La sanctification progressive fera l’objet d’un article ultérieur. Notons ici que nous sommes invités à faire mourir « par l’Esprit » les actions du corps qui sont contraires à la sainteté de Dieu (Rm 8.13). Un processus qui implique le renouvellement de nos pensées (c’est-à-dire la compréhension de la pensée de Dieu sur notre comportement et sur les ressources qui nous sont accessibles en Christ) et la pratique du remplacement d’habitudes mauvaises par des bonnes (cf. Ép 4.20-24). L’Esprit renouvelle notre intelligence sur la base de la vérité (4.23-24), ce qui est ici crucial pour tout changement durable. Nous devons dès lors prier « par l’Esprit » (Ép 6.18), c’est-à-dire fonder notre intercession sur la foi qui nous édifie, pour reprendre les termes de Jude 20. En notant les promesses et l’expression de la volonté de Dieu dans la Bible, nous pouvons prier avec assurance, car « Voici l’assurance que nous avons auprès de lui : si nous demandons quelque chose selon sa volonté, il nous écoute » (1 Jn 5.14).

Le témoignage

Jésus annonce que l’Esprit saint donnera à ses apôtres la puissance de témoigner de lui et de l’Évangile (cf. Ac 1.8). D’ailleurs, les auditeurs des premiers témoignages ont reconnu l’autorité surnaturelle de leurs propos (cf. Ac 4.13, et 4.31). Cette dimension du témoignage demeure centrale au rôle de l’Esprit qui qualifie l’Église à proclamer Christ jusqu’aux extrémités de la terre et jusqu’à la fin de l’histoire. Il plaît à Dieu de sauver par la folie de la prédication (cf. Rm 10.14 ; 1 Co 1.21), et cette activité s’accompagne de la conviction que le Saint-Esprit veut conférer (1 Co 14.24 ; cf. Jn 16.5-11).

Nous pouvons oser parler de Jésus, lire et expliquer les passages de la Bible qui parlent du salut – le Saint-Esprit conduira notre témoignage pour attester dans le coeur de certains l’authenticité et la validité du message de l’Évangile.

Le service

Déjà dans l’Ancien Testament, le Saint-Esprit a donné à Betsaléel le privilège et la capacité de fabriquer les objets nécessaires au culte israélite (Ex 31.1-11). Nous retrouvons une idée similaire dans le contexte de la nouvelle alliance : Dieu associe au salut qu’il accorde de nombreuses opportunités de services. Quatre épîtres du Nouveau Testament recensent ces manifestations de la grâce (Rm 12.3-8 ; 1 Co 12-14 ; Ép 4.7-11 ; 1 P 4.10-11).

C’est l’Esprit qui distribue « à chacun en particulier comme il veut » (1 Co 12.11, cf. 1 P 4.10), conduisant chacun à viser l’édification de l’Église (cf. 1 Co12.7).

J’aime la simplicité du texte de 1 Pierre, qui réduit les « dons de la grâce » à deux activités : celui qui parle doit parler selon la Bible, et celui qui sert doit le faire avec la force de Dieu (1 Pi 4.11). On ne doit pas tant se préoccuper de chercher à comprendre si l’on a tel don, que plutôt chercher à servir selon les besoins, et surtout, selon ce que la Bible en dit.

L’amour

Le Saint-Esprit développe l’unité spirituelle entre les chrétiens. L’apôtre Paul exhorte à vivre dans l’unité, en se fondant sur la « communion de l’Esprit (Ph 2.1- 2), dont il fait un sujet de prière pour les chrétiens de Corinthe (2 Co 13.13).

Ces relations aimantes ne sont pas naturelles, et Paul nous demande de nous efforcer « de conserver l’unité de l’Esprit par le lien de la paix » (Ép 4.3). Les attitudes que l’Esprit voudrait faire naître chez les chrétiens sont développées en Galates 5.22 : « Mais le fruit de l’Esprit est : amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, fidélité, douceur, maîtrise de soi ». Le singulier peut centrer l’attention sur l’amour, qui se déclinerait dans les attitudes relationnelles décrites après, ou dénoter une attitude globale, unifiée, en contraste avec l’éparpillement des oeuvres de la chair décrites à partir du verset 19.

Il arrive trop souvent que les chrétiens évaluent la spiritualité d’après les « dons spirituels » (que l’on peut apprendre de manière humaine ou charnelle). La dimension relationnelle, autrement plus difficile à cultiver, reflète bien davantage l’influence de l’Esprit.

Ce que l’Esprit attend de nous

On ne rencontre que quatre impératifs dans les épîtres concernant spécifiquement notre rapport au Saint-Esprit5 et qui engagent notre participation attentive.

N’éteignez pas l’Esprit (1 Th 5.19)

C’est au milieu d’une série d’exhortations que ce commandement semble tomber « comme un cheveu sur la soupe » ! Les commentaires sont hésitants. Certaines explications sont trop larges6.

Il faut surtout lier ce verset au suivant : « Ne méprisez pas les prophéties, mais examinez toutes choses ». Le commandement de ne pas éteindre l’Esprit doit se comprendre en rapport avec l’activité prophétique exercée au sein de l’Église et qui dévoile les coeurs et conduit à un engagement envers Christ (1 Co 14.25-26). C’est ainsi que nous éteignons l’Esprit lorsque nous nous détachons de l’influence que Dieu veut avoir en nous par l’enseignement et les prises de paroles lors des rassemblements chrétiens. J’apprécie ici la perspective de Cole :

En tant que croyants en Christ, nous devons être ouverts à l’Esprit. Christ ne nous a pas abandonnés. Nous vivons du côté réalisé de la Pentecôte. L’Esprit est vraiment venu. Nous ne devons pas éteindre l’Esprit aujourd’hui dans la vie de l’assemblée. Nous devrions être ouverts à ce que Dieu utilise un orateur chrétien pour dévoiler notre coeur. Éteindre l’Esprit aujourd’hui, c’est ignorer la Parole de Dieu prêchée ou lue qui devrait vivifier notre conscience, ou nous opposer à des ministères qui révèlent nos dérapages moraux à la lumière de la volonté révélée de Dieu7.

Marchez par l’Esprit (Ga 5.16)

« Je dis donc : Marchez par l’Esprit, et vous n’accomplirez pas les désirs de la chair. » Ce commandement est accompagné d’une belle promesse. Le « donc » nous renvoie à ce qui précède : une longue série d’impératifs qui centrent l’éthique chrétienne sur l’amour du prochain. Le verbe « marchez » a une connotation très vétérotestamentaire (cf. Ps 1.1), voire rabbinique (cf. la halakhah, terme qui dérive du verbe hébreu signifiant « marcher », et qui indique « la voie que doit suivre le peuple juif »8). Gordon Fee nous livre une excellente interprétation de ce verset :

Comme il a été noté en 3.3, vivre « selon la chair » c’est vivre en gardant les valeurs et les désirs de la vie du présent âge qui est pourtant en pleine opposition à Dieu et à ses voies. Ainsi, les contrastes ultimes chez Paul sont eschatologiques : la vie « selon la chair », vécue selon le siècle présent qui a été condamné par la croix et qui ne demeurera pas, ou la vie « selon l’Esprit », vécue en gardant les valeurs et les normes de l’âge à venir, âge inauguré par Christ, par sa mort et sa résurrection, et rendue puissante par l’Esprit eschatologique. […] Et cela se présente sous forme d’un impératif, non comme un indicatif passif. La vie par l’Esprit n’est pas une soumission passive à l’Esprit pour qu’il fasse une oeuvre surnaturelle dans la vie de quelqu’un. Elle requiert plutôt un effort conscient, afin que l’Esprit accomplisse son oeuvre en cette personne. […] Les gens de l’Esprit marchent selon un rythme différent, et l’Esprit les rend capables de vivre d’une telle manière que leur vie démontre ce fait : leur comportement est d’un ordre moral manifestement différent de leur ancienne manière de vivre9.

N’attristez pas l’Esprit (Ép 4.30)

Cet impératif conclut toute une série d’exhortations qui débutent avec le verset 25. Les raisons de cet impératif se trouvent dans les versets précédents. Nous devons changer notre manière de vivre (4.17-24), remplacer le mensonge par la vérité (4.25), la colère doit vite s’apaiser (4.26) pour ne pas donner accès au diable (4.27), et le vol céder la place à la générosité (4.28). Et enfin : « Qu’il ne sorte de votre bouche aucune parole malsaine, mais, s’il y a lieu, quelque bonne parole qui serve à l’édification nécessaire et communique une grâce à ceux qui l’entendent » (4.29).

Ainsi, les péchés des chrétiens, et notamment les paroles dures, malsaines, blessantes – alors que nos paroles devraient plutôt encourager et édifier – attristent l’Esprit, cet Esprit par lequel nous avons été scellés pour le jour de la rédemption ! Notre comportement moral, les propos tenus comptent pour Celui qui a fait de nous son temple.

Soyez remplis de l’Esprit (Ép 5.18)

C’est le plus connu des commandements concernant notre rapport au Saint-Esprit. « Ne vous enivrez pas de vin : c’est de la débauche. Mais soyez remplis de l’Esprit. » Le contraste révèle qu’il ne s’agit pas de ‘remplissage’ mais de contrôle. L’homme ivre ne sait plus ce qu’il fait. Or, rien ne doit faire perdre la maîtrise de soi à un disciple – seul l’Esprit doit le diriger, par la maîtrise de soi qu’il produit en lui.

Rechercher le contrôle de l’Esprit, c’est s’efforcer de marcher avec sagesse en veillant sur sa conduite (5.15), de vivre devant le regard Dieu pour lui plaire (5.10), de saisir les opportunités de service (5.16), de s’imprégner de la volonté de Dieu telle qu’elle est énoncée dans les Écritures (5.17). Cette plénitude de l’Esprit est enrichie ou s’entretient par l’aspect cultuel communautaire : « Entretenez-vous par des psaumes, des hymnes et des cantiques spirituels ; chantez et célébrez le Seigneur de tout votre coeur ; rendez toujours grâces pour tout à Dieu le Père, au nom de notre Seigneur Jésus-Christ » (Ép 5.19-20). Notre pleine participation aux cultes de l’assemblée, de coeur et d’esprit, le développement d’une attitude reconnaissante et joyeuse, sont à la fois l’expression et l’entretien du contrôle que l’Esprit souhaite exercer sur notre vie.

D’une certaine manière, ces commandements se rejoignent et visent à nous faire vivre toujours plus dans la lumière en portant les fruits dignes de la rédemption que Christ nous a obtenue.

Conclusion

L’oeuvre de l’Esprit comporte de multiples éléments qui auraient pu être développés davantage. W. Grudem observe à juste titre :

Il est surprenant de constater le nombre d’activités particulières qui peuvent être accomplies « dans » le Saint-Esprit, selon le Nouveau Testament : il est possible d’être transporté de joie dans le Saint-Esprit (Lc 10.21), de former un projet ou de prendre une décision dans le Saint-Esprit (Ép 2.18), de prier dans le Saint- Esprit (Ép 6.18 ; Jd 20) et d’aimer dans le Saint-Esprit (Col 1.8). À la lumière de ces textes, nous pourrions nous demander, quand nous exerçons ces activités, si nous sommes conscients de la présence et de la bénédiction du Saint-Esprit10.

C’est toute la vie chrétienne qui doit être conduite par l’Esprit ! Puissions nous être conscients de sa présence, et de son intention alors qu’il accomplit en nous la rédemption que Christ nous a acquise à la croix. 

FLORENT VARAK


NOTES

1 « Le baptême dans l’Esprit », Réseau FEF Infos, n° 144, 2015/4, p. 15.

2 Les publications pentecôtistes récentes montrent qu’on est revenu à ce consensus. Voir par exemple Satyavrata, Ivan, Le Saint Esprit, Farel, 2009, p. 133-141, ou Gordon D. Fee, God’s Empowering Presence, Hendriksen, 1994 (réédité en 2009 chez Baker), p. 181. Voir également Sylvain Romerowski, article cité, p. 14, 15.

3 Grudem, Wayne, Théologie Systématique, Excelsis, 2012, p. 845-846.

4 Ferguson, Sinclair, L’Esprit saint, Excelsis, 1996, p. 107.

5 Il n’en existe qu’un seul autre dans le Nouveau Testament, en Jean 20.22. Par un souffle symbolique précédé de l’impératif « recevez l’Esprit », Jésus mandate les apôtres à le représenter dorénavant, notamment dans la proclamation du pardon des péchés. Comme le souligne S. Ferguson : « à l’intérieur du cadre johannique, la venue de l’Esprit dépend de l’ascension du Christ et de son exaltation (Jn 14.16-17 ; 16.7). Un peu plus tôt, ce même jour de la résurrection, Jésus avait indiqué à Marie que l’ascension n’avait pas encore eu lieu (Jn 20.17). Ce serait une incohérence étonnante de la pensée de Jean si, dans le même chapitre, il décrivait, au travers des événements de la soirée, l’envoi de l’Esprit promis ». (S. Ferguson, L’Esprit saint, p. 70.)

6 Calvin comprend par exemple que c’est lorsque « nous anéantissons sa grâce » (cf. son commentaire sur 1 Thessaloniciens, p. 51.). D’autres considèrent qu’il s’agit du refus d’utiliser les dons spirituels que Dieu donne à l’Église (R. L .Thomas, « 1 Thessalonians », Expositor’s Bible Commentary, Vol 11, Grand Rapids, Zondervan, 1974, p. 292). Également F. Bassin, Les épîtres de Paul aux Thessaloniciens, Edifac, Vaux-sur-Seine, p. 172).

7 G. A. Cole, Engaging with the Holy Spirit, IVP, 2007, p. 107.

8 Dictionnaire Encyclopédique du Judaïsme, CERF / Robert Laffont, p. 412.

9 Gordon D. Fee, God’s Empowering Presence, Hendrickson, 1994, p. 431, 433, 434.

10 W. Grudem, Théologie Systématique, Excelsis, p. 715-716.