Plusieurs Églises constituées en associations cultuelles ignorent qu’elles peuvent être exonérées de certaines taxes. Pensant que cet argent peut être utilisé à des fins tout aussi utiles, nous vous proposons une information juridique sur la question. En fonction des services fiscaux départementaux, les interprétations peuvent varier. Mais des jurisprudences récentes clarifient certaines questions.

Nous vous proposons de faire le point sur les conditions d’exonération pour les Églises de la taxe foncière, la taxe d’enlèvement des ordures ménagères et la taxe d’habitation.

À la lumière d’une jurisprudence récente, à laquelle certaines Églises ont d’ailleurs participé, vous pourrez ainsi remplir vos déclarations fiscales. Vous pourrez constater que les critères d’exonération sont stricts et répondent à une exigence d’affectation exclusive à l’exercice du culte, laquelle n’est pas toujours facile à prouver en pratique. Cependant, il est souvent arrivé que les interprétations restrictives des services fiscaux départementaux soient révisées après explication par les responsables de l’Église sur l’utilisation des locaux.

1. Exonération de la taxe foncière

Article 1382-4 du Code Général des Impôts

«Sont exonérés de la taxe foncière sur les propriétés bâties :

– les édifices affectés à l’exercice du culte appartenant à l’État, aux départements ou aux communes, ou attribués, en vertu des dispositions de l’article 4 de la loi du 9 décembre 1905,

– les édifices affectés à l’exercice du culte appartenant aux associations ou unions prévues par le titre IV de la loi du 9 décembre 1905 ainsi que ceux attribués en vertu des dispositions de l’article 112 de la loi du 29 avril 1926 aux associations visées par cet article et ceux acquis ou édifiés par lesdites associations ou unions ;

– les édifices affectés à l’exercice du culte qui, dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, appartiennent à des associations ayant pour objet exclusif l’exercice d’un culte non reconnu. » (Article 37 de la loi de finances pour 1994, complétant l’article 1382-4 du CGI).

Tout propriétaire d’un immeuble est en principe redevable de la taxe foncière dans la commune où est situé son immeuble. Le propriétaire est tenu de déclarer à l’administration tout changement concernant son bien immobilier (changements d’affectation, travaux modifiant le volume et la superficie habitable).

Sous certaines conditions, les associations cultuelles peuvent bénéficier d’une exonération permanente de taxe foncière sur les propriétés bâties, au titre de l’article 1382-4 du Code Général des Impôts. Une exonération temporaire est également possible pour les constructions récentes.

1.1 Qui peut être exonéré? Les associations cultuelles et leurs unions

La qualification d’association cultuelle au sens fiscal du terme ne se satisfait pas uniquement par la simple déclaration en préfecture en tant qu’association cultuelle. Il faut que l’association remplisse les critères suivants (établis par une décision du Conseil d’État 24 octobre 1997) :

– avoir exclusivement pour objet l’exercice d’un culte, défini comme « la célébration de cérémonies organisées en vue de l’accomplissement par des personnes réunies par une même croyance religieuse de certains rites et pratiques ». Ainsi a-t-on refusé la demande de décharge de taxe foncière d’une association musulmane au motif que son objet comprenait, en plus de l’exercice du culte, la défense des intérêts des musulmans de la commune et la participation à l’essor social de la ville1 ;

– avoir un caractère exclusivement cultuel : cela doit ressortir non seulement des statuts de l’association mais aussi de l’activité réelle de l’association. Les associations cultuelles «ne peuvent mener que des activités en relation avec cet objet telles que l’acquisition, la location, la construction, l’aménagement et l’entretien des édifices servant au culte ainsi que l’entretien et la formation des ministres et autres personnes concourant à l’exercice du culte» ;

– ne pas porter atteinte à l’ordre public. Notons qu’un particulier ou une société dont la propriété est utilisée pour l’exercice du culte ne peut bénéficier de ce type d’exonération de taxe foncière puisqu’elle est réservée aux associations cultuelles et leurs unions.

1.2 Quels locaux sont concernés par l’exonération?

Les édifices affectés à l’exercice d’un culte… C’est-à-dire les salles de culte et de célébration mais aussi:

– les « salles d’accueil des enfants et d’organisation de cérémonies religieuses à leur intention» puisqu’elles sont considérées comme affectées à l’exercice du culte;

– « les dépendances immédiates et nécessaires » (tel que l’entrée du bâtiment, la cave, les sanitaires, et le local du transformateur électrique)2.

N’entrent pas dans le champ de l’exonération les locaux qui ont un usage autre que l’exercice du culte ou qui ne sont pas des dépendances immédiates et nécessaires de l’immeuble où est célébré le culte. Par exemple3 :

– les locaux administratifs (secrétariat, bibliothèque, salles de réunion, bureaux des pasteurs, accueil) ;

– les lieux «d’accueil, de surveillance et formation religieuse des enfants pendant les offices ».

On notera donc que la jurisprudence distingue entre les lieux affectés au culte des enfants et ceux utilisés pour la formation, que l’entrée du bâtiment est considérée comme d’utilisation cultuelle parce qu’elle est considérée comme une dépendance immédiate et nécessaire à la salle du culte (pour aller au culte, il faut bien passer par l’entrée…) alors que les lieux d’accueil (à comprendre comme les lieux où l’on reçoit des personnes individuellement) salles de jeux, de repas, utilisées à d’autres fins que la célébration religieuse ne le sont pas.

Dans la pratique, les interprétations des services fiscaux départementaux varient sur ces types de pièces : par exemple, plusieurs Églises ont fait valoir que le bureau du pasteur était d’utilisation cultuelle puisque la fonction de cette personne est fondamentalement liée à l’exercice du culte. Un conseil donc: veiller aux mentions que vous affectez à telle ou telle pièce de l’Église quand vous estimez que l’affectation en est essentiellement cultuelle. Évitez par exemple d’appeler «cuisine» la partie d’une pièce équipée d’un évier et d’une plaque chauffante. En l’appelant « tisanerie», ce qui correspond souvent davantage à sa vraie fonction, on peut expliquer une vocation cultuelle pour proposer des boissons après les célébrations.

Par contre, les locaux servant de logement aux ministres du culte, les séminaires, les facultés de théologie protestante, les biens autres que les édifices affectés à l’exercice du culte et qui sont la propriété des associations cultuelles et de leurs unions, sont imposables.

À noter : il est arrivé qu’une association 1901 hébergeant les activités d’une Eglise obtienne l’accord d’exonération. N’hésitez donc pas à prendre contact avec les services fiscaux de votre secteur.

1.3 Quid en Alsace-Moselle ?

Pour les cultes reconnus (Église catholique, Église Réformée d’Alsace et de Lorraine, Église de la confession d’Augsbourg d’Alsace et de Lorraine et le culte israélite), les dispositions du Code Local des Impôts Directs et Taxes assimilées prévoient une exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties au profit des édifices cultuels et de l’habitation officielle des ministres du culte.

Pour les cultes non reconnus (dont le culte évangélique fait partie), l’exonération de la taxe foncière est prévue à l’article 1382, 4e du CGI. Elle s’applique aux associations ayant pour objet exclusif l’exercice du culte et pour les édifices affectés à l’exercice du culte (dans les mêmes conditions que pour le régime général).

Constructions nouvelles

Il est également possible de bénéficier d’une exonération en application de l’article 1383 du CGI pour les constructions nouvelles, les reconstructions et additions de constructions, et ce, durant les deux années qui suivent l’achèvement des travaux.

2. Exonération de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères

Cette taxe peut être instituée par les communes ou les groupements de communes pour couvrir les frais de collectes de déchets ménagers. Elle porte alors notamment sur toutes les propriétés assujetties à la taxe foncière sur les propriétés bâties ou temporairement exemptées de la taxe foncière.

La taxe est établie d’après le revenu net servant de base à la taxe foncière. Elle est imposée au nom des propriétaires ou usufruitiers et exigible contre eux et leurs principaux locataires (Articles 1520 à 1526 du Code Général des Impôts).

Par conséquent, si votre association bénéficie de l’exonération permanente de taxe foncière, elle ne sera pas redevable de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères.

3. Exonération de la taxe d’habitation

Les associations sont redevables de la taxe d’habitation lorsqu’elles occupent, au 1er janvier de l’année de l’imposition, des locaux meublés non professionnel, et ce, que ce soit en tant que propriétaire, locataire ou à d’autre titre (occupation gratuite par exemple).

L’imposition s’applique sur les locaux affectés à l’habitation ou occupés à titre privatif. Échappent donc à l’imposition les locaux ouverts au public ou à usage collectif ou commun. La jurisprudence administrative est venue préciser ces notions.

1.1 Imposition des locaux «occupés à titre privatif »

Article 1407 du Code Général des Impôts

La taxe d’habitation est due:

1. Pour tous les locaux meublés affectés à l’habitation;

2. Pour les locaux meublés conformément à leur destination et occupés à titre privatif par les sociétés, associations et organismes privés et qui ne sont pas retenus pour l’établissement de la taxe professionnelle…

Sont assujettis à la taxe d’habitation les locaux meublés occupés à titre privatif comme :

– le siège social de l’association, les bureaux permanents, les locaux administratifs, les salles de réunions réservées aux membres de l’association;

– le logement du ministre du culte;

– des locaux qui ne sont pas réservés à l’exercice du culte et qui ne sont pas ouverts au public même s’ils peuvent accueillir occasionnellement des personnes non membres de l’association, tels que «des salles de réunion, une bibliothèque, une cuisine, un dépôt, des sanitaires, une chaufferie, un hall… utilisés pour des activités bibliques ou des cercles de prière en semaine, la formation religieuse des enfants et une garderie pour les bébés le dimanche et encore exceptionnellement pour des activités ludiques telles que la fête de Noël »4 ;

– des locaux dont l’accès au public est restreint, par exemple les locaux d’une association affectés à des activités culturelles ou philosophiques dés lors que le caractère payant des activités (cours, conférences…) implique que le public ne peut pas circuler librement5 . Par contre a été considérée comme ouverte au public la salle d’exposition d’une association ou d’un musée;

− des locaux servant au logement des membres d’une communauté religieuse6 .

2.2 Exonération des locaux ouverts au public : «Exercice public d’un culte» et «des locaux exclusivement affectés à cet exercice»

Deux arrêts du Conseil d’État du 13 janvier 1993 concernant les Témoins de Jéhovah sont venus préciser que, pour les associations cultuelles :

− «Ne peuvent être regardés comme occupés à titre privatif pour l’application de l’article 1407 du C.G.I. et ne sont donc pas soumis à la taxe d’habitation les locaux affectés exclusivement à l’exercice public d’un culte et gérés selon l’une des modalités prévues à l’article 25 de la loi du 9 décembre 1905 et à l’article 4 de la loi du 2 janvier 1907 ( qui exigent que les réunions pour la célébration du culte soient publiques). »

− si «des enseignements et des débats sur des thèmes bibliques ainsi que des cérémonies qui revêtent un caractère religieux» se déroulent dans les locaux dont dispose une association et que l’accès à ces locaux n’est pas réservé aux membres de celle-ci, ces activités sont constitutives de l’exercice public d’un culte et que par suite les locaux exclusivement affectés à cet exercice ne peuvent être regardés comme occupés à titre privatif au sens de l’article 1407 du C.G.I. »

Ainsi n’entre pas dans le champ d’application de la taxe d’habitation les locaux affectés exclusivement à l’exercice public du culte et ouvert au public.

Il peut s’agir des salles qui sont spécialement aménagées pour les activités cultuelles régulièrement organisées et ouvertes au public. Les locaux peuvent être fermés en dehors des heures de culte, certaines salles peuvent être réservées aux adultes ou aux enfants. L’aménagement des locaux et le cas échéant des dépendances immédiates, doit faire apparaître l’absence d’occupation privative7.

Le caractère public des réunions peut découler par exemple, de l’affichage des horaires des cultes et des réunions d’église et de leur publication dans le journal d’annonces municipales. Le Conseil d’État considère que les locaux exclusivement réservés au culte et qui le sont via des réunions publiques – c’est-à-dire non réservés aux membres – ne sont pas d’usage privatif. C’est pourquoi, pour bénéficier de l’exonération, les locaux doivent être utilisés exclusivement pour l’exercice public du culte. Des locaux qui cumuleraient une fonction cultuelle et un usage privatif, par exemple une salle mise à disposition par un particulier pour accueillir le culte mais servant de pièce d’habitation le reste du temps, ne peuvent être considérés comme affectés exclusivement à l’exercice du culte et sont donc imposables.

3.3 Quid en Alsace-Moselle ?

Le régime de droit commun s’applique.

Conclusion

Cette question des taxes remet en lumière l’éventuelle nécessité de définir dans la loi ce qu’est la célébration d’un culte, notion essentielle de la loi de 1905. En effet, le culte évangélique est très souvent vécu sous une forme beaucoup moins liturgique que les cultes historiques, avec un accent particulier sur les moments de communion entre les membres qui font partie intégrante pour nous de la vie de l’Église.

Nancy Lefèvre et Clément Diedrichs, pour la commission juridique FEF


NOTES

1 TA Limoges Février 2005 Associations des musul- mans de Brive.

2 Cour Administrative d’Appel de Lyon 12/06/2003 – Centre Évangélique.

3 Cour Administrative d’Appel Bordeaux 14/10/2004 Assemblée de Dieu de la Gironde.

4 Tribunal Administratif de Strasbourg 7/12/2006 – Église Évangélique Baptiste La Bonne Nouvelle.

5 Tribunal Administratif de Dijon 13/02/1996.

6 Tribunal Administratif Caen 2/05/07, Communauté des religieuses carmélites.

7 Cour Administrative d’Appel de Nancy 27/11/1990 Assemblée évangélique Pierre Vivante.