Les Assises du Réseau FEF, les 24 et 25 janvier 2013 traiteront de la question de la multiplication des leaders, à l’heure où une nouvelle génération se lève pour servir le Seigneur. Raphaël Anzenberger et Alain Stamp interviendront lors de ces Assises. Nous leur avons posé quelques questions pour introduire le sujet.
Questions posées à Raphaël Anzenberger 
Une nouvelle génération se lève. Tu la côtoies régulièrement. Peux-tu nous décrire ce qui la caractérise ?
Je dirai trois choses : tribale, musicale et expérimentale. Tribale parce qu’elle ne conçoit pas de vivre l’aventure seule. Le groupe tend à primer sur la personne. Dis-moi quelle est ta tribu, je te dirai qui tu es. Musicale parce qu’au-delà des mots, elle recherche le rythme, le «vibe» qui lui permet de transcender la réalité d’un monde terne. Le jeune perçoit la vie à travers son oreillette. Dis-moi quelle musique tu écoutes, je te dirai comment tu comprends le monde. Expérimentale parce que la vérité se vit dans l’immédiat, et que le pragmatisme supplante la théorie. L’apprentissage privilégie l’éduc-action et l’éduc-situation. Dis-moi quelle expérience tu vis, je te dirai quel avenir tu envisages. Pour entrer en communication avec cette génération, il suffit de saisir leur oreillette et s’inviter dans leur tribu. C’est là le début de l’expérience !
Est-il juste de dire que le potentiel de nouveau leader est plus important dans cette génération qui se lève qu’à d’autres époques ?
Oui et non. D’un côté, nous voyons l’émergence de leaders qui par effet de groupe sont prêts à soulever des montagnes par la foi. L’image du pionnier des années 50 cède le pas à une tribu en marche. Internet permet de relayer le message et de mobiliser d’autres leaders émergents. Le potentiel semble donc sans limite. Mais d’un autre côté, nous constatons que ces mêmes leaders peinent à se projeter au-delà de l’expérience immédiate et rechignent à s’engager à plus long terme. Du coup, le potentiel émergent ne se concrétise pas forcément dans la durée. C’est à ce niveau-là qu’une relation mentorale permet de lever l’obstacle en accompagnant le leader au-delà de son propre horizon. L’expérience du protégé alliée à la sagesse du mentor traduit ce potentiel en réalité.
Ton ministère te donne souvent l’occasion d’être en contact avec les Évangéliques en dehors de l’hexagone. Ce phénomène existe-t-il aussi ailleurs ? Quels sont les points communs avec ce que nous observons en France ? Et en quoi est-il différent ?
Sans aucun doute, ce phénomène est mondial. y compris dans les pays émergents. On retrouve à l’échelle planétaire l’aspect tribal, musical et expérimental de cette nouvelle génération, y compris dans les Églises évangéliques. Signe des temps : la plateforme Facebook (FB) où ces trois éléments sont omni présents. Je reviens de l’AG de l’Alliance Évangélique Européenne à Barcelone où j’ai rencontré un jeune évangéliste Brésilien missionnaire à Grenade et formé théologiquement à Londres. Cinq minutes après notre premier entretien, il était déjà mon ami sur FB et voulais rencontrer des jeunes de notre tribu R2E. CQFD ! Au-delà d’un outil de communication, internet devient le langage commun de cette jeunesse évangélique mondiale.
Là où les Évangéliques français se distinguent à mon sens, c’est dans leur capacité à systématiser des approches expérimentales riche de sens, afin de les reproduire ailleurs. C’est l’héritage de Descartes et Rousseau ! Ainsi nous connaissons le goût des Français pour le piratage. Le «copyright» n’existe pas dans un monde où tout s’échange disent-ils ! Ainsi je retrouve régulièrement des traces de mes formations à l’évangélisation retraduite dans des contextes différents. Alors je souris, et je me dis : «vive le piratage pour le Seigneur !». C’est ma contribution à l’émergence de cette nouvelle génération.
Questions posées à Alain Stamp 
Ton dernier ouvrage traite de la multiplication des leaders par le mentorat. C’est quoi un Leader ?
Ce mot, emprunté au vocabulaire séculier peut être source de confusion. D’origine anglaise, il désigne celui qui, à l’intérieur d’un groupe, a la capacité de prendre des initiatives, d’avoir de l’influence sur les autres et manifeste des aptitudes à la direction. Paul énumère dans Éphésiens les dons donnés aux uns et aux autres pour le bien et l’utilité commune et l’édification de l’Église. Les leaders sont ceux qui, équipés des dons du Saint-Esprit, assumeront les responsabilités dans l’Église de demain. Question : pour l’exercice de ces responsabilités, les dons seuls sont-ils suffisants ? Ces futurs responsables – leaders – ont-ils besoin d’être accompagnés et préparés, formés, pour la tâche qui sera la leur ?
Cette formation consiste-t-elle uniquement dans l’acquisition de connaissances ? Quid du caractère de la piété des compétences ? D’ailleurs ceux qui exercent aujourd’hui des responsabilités dans l’Église n’auraient-ils pas quelqu’un à qui ils donnent le droit de regard sur la partie de leur vie que personne ne voit ? Ne sont-ils pas en danger, s’ils se sentent seuls, quand personne ne les écoute, ne les aide à progresser ? «Le caractère, c’est ce que vous êtes lorsque personne ne vous regarde». Le mentorat n’est pas exclusivement l’accompagnement d’une nouvelle génération. C’est aussi le moyen d’aider et d’accompagner, à l’exemple de Paul et Timothée, tous ceux qui désirent servir Dieu.
La multiplication par le mentorat… Pourquoi le mentorat ?
Nous visons et prions pour «une Église pour 10 000 habitants». Ce qui revient à implanter 4 000 Églises nouvelles en France. Combien de serviteurs de Dieu, anciens, pasteurs, docteurs, évangélistes proclamateurs, implanteurs, apologètes… pour cela ? Il est numériquement, et financièrement, impossible qu’ils soient tous issus des seules filières traditionnelles de formation. Si le Seigneur nous demande de prier le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers, notre responsabilité n’est-elle pas de nous investir pour leur multiplication ? Clairement, le Réseau des évangélistes émergents (R2E) que le mentorat favorise, accélère et encourage l’entrée dans le ministère d’évangélistes à plein temps ou non. Reste que le mentorat, qui se concentre
sur la piété, le caractère, la vocation du futur responsable, doit être dans plusieurs situations complété par un tutorat académique afin que le futur serviteur de Dieu soit sérieusement équipé : caractère, compétences, connaissances. Ce processus est envisageable pour d’autres ministères, en complément des formations traditionnelles.
Fais-tu une différence entre la formation de disciples et le mentorat ou est-ce une simple question de vocabulaire ?
Clarifions la formation de disciples : elle est un processus par lequel un chrétien lui même disciple de Christ, s’engage à accompagner le temps nécessaire une ou plusieurs personnes gagnées à Christ, dans le but de les aider et de les guider vers la croissance et la maturité afin de les équiper à se reproduire dans une 3° génération spirituelle. Tous les chrétiens sont appelés à être des disciples capables de former d’autres disciples. Cependant tous les disciples ne sont pas appelés à exercer un ministère, a assumer des responsabilités dans l’Église. Le mentorat est un processus intentionnel qui permet d’équiper des disciples pour l’exercice de leur ministère, pour lequel ils ont reçu un don. Dans le but de les accompagner à long terme pour qu’ils continuent à exceller dans leur leadership. La formation de disciples a pour finalité la reproduction de disciples. Le mentorat a pour but, lui, la multiplication ET l’accompagnement de leaders (responsables) émergents ou confirmés dans la durée.
ÉRIC WAECHTER