Aujourd’hui on parle facilement d’unité : unité de valeur, unité monétaire, unité européenne, etc.
Dans la littérature classique, il est question des trois unités : unité d’action, de lieu et de temps.
Ce sont des « règles dramatiques d’après lesquelles la pièce entière doit se développer : 1° en une seule action principale, 2° dans un lieu unique, 3° dans l’espace d’une journée. » (Petit Larousse).
Le Nouveau Testament évoque également trois unités. Concernant le peuple de Dieu.
a) D’abord, l’unité créée par le baptême du Saint-Esprit, les chrétiens ne formant qu’un seul corps ».(1 Corinthiens 12:13: Éphésiens 4:4).
b) Ensuite, l’unité expérimentale de l’Esprit, que les enfants de Dieu doivent s’efforcer de conserver (Éphésiens 4:3).
c) Enfin, l’unité de la foi, à laquelle nous ne sommes pas encore parvenus (Éphésiens 4:13).
« Afin qu’ils soient un »
Notre Seigneur a répété à cinq reprises dans sa prière « sacerdotale » (Jean 17), les paroles : « afin qu’ils soient un ». Cette expression, si souvent citée aujourd’hui n’est presque jamais analysée. Peu de gens parmi ceux qui en parlent posent la question: « Pour qui exactement priait le Seigneur ? »
C’est ainsi que la chrétienté – d’après nos lectures « ocuméniques » – s’estime responsable, et même capable, d’exaucer elle-même cette prière. Elle semble aussi dire que ce droit lui revient1.
Cette attitude entretient le mouvement oecuménique depuis une cinquantaine d’années. Depuis peu, Jean-Paul II s’est aussi mis de la partie2.
En se référant à l’Écriture cependant, nous croyons en toute simplicité que depuis le moment où Jésus a fait sa requête, il a été maintes fois exaucé. Ceci, parce que le Seigneur Jésus remercie son Père de toujours l’exaucer (Jn 11:41,42).
Il nous faut donc essayer de comprendre comment le Père a répondu à la demande de son Fils…
Pour qui exactement priait notre Seigneur ?
Les trois unités dans le Nouveau Testament – citées ci-dessus – sont réservées uniquement aux disciples de Jésus-Christ, ceux pour qui il est effectivement mort sur la croix.
Nous le constatons d’après le contexte dans lequel il est question de ces unités.
Le terme « disciple » dans les évangiles et les Actes des Apôtres désigne celui ou celle qui a accepté Jésus de Nazareth comme son Maître personnel et qui reconnaît en lui le Messie, le Christ, envoyé dans le monde pour accorder le don de la vie éternelle à tous ceux qui croient en Lui.
Ceux-là ont reçu le pardon de leurs fautes, sont « nés de Dieu », et sont passés des ténèbres à la lumière, de la mort spirituelle à la vie éternelle.
De plus, le disciple suit son Maître jour après jour.
Jésus n’a point prié pour l’unité de ceux qui se disent disciples et qui ne croient pas en Jésus par la parole des apôtres (voir Jean 17:20). Ni pour ceux qui s’affublent de pratiques chrétiennes.
Tous ceux qui depuis 19483 s’efforcent de créer l’unité visible de la chrétienté, ne travaillent donc pas nécessairement pour l’unité des disciples du Seigneur Jésus, telle que le Seigneur lui-même l’a souhaitée et envisagée.
Regardons de plus près les trois unités dont parle le Nouveau Testament.
1. Première unité : par le baptême du Saint-Esprit |
Premier exaucement
La première étape de l’exaucement de la prière de Jésus fut le baptême dans le Saint-Esprit (Actes chapitre 2).
Effectivement, dès le commencement du ministère d’intercession du Seigneur Jésus auprès du Père, après son Ascension, notre Avocat a demandé au Père d’envoyer le Saint-Esprit aux apôtres (Jean 14:16:15:26). Grâce à sa venue, les 120 disciples dans la chambre haute ont été baptisés dans l’Esprit.
Le même jour, par la prédication de Pierre, 3 000 juifs de nationalités différentes se sont repentis et se sont convertis à Jésus-Christ. La promesse du Saint-Esprit était aussi pour ceux-là. Eux donc également ont été baptisés dans le Saint-Esprit (et dans l’eau). Tous ces disciples ne formaient qu’un seul peuple, qu’un seul corps.
L’exaucement se prolonge
Ensuite, tout au long du livre des Actes des Apôtres, nous voyons comment le Seigneur a fait grandir ce corps spirituel. Il y ajoute d’autres groupes ou ethnies qui avaient reçu Jésus comme Messie. D’abord, ce furent des Samaritains (Actes 8), puis, des Romains (Actes 10).
Ensuite à Éphèse, des disciples de Jean-Baptiste ont été baptisés dans l’Esprit (Actes 19).
Nous voyons également des individus d’origines diverses amenés à la foi et ajoutés à ce corps : Barnabas, le Lévite de Chypre, l’eunuque d’Éthiopie, Saul le rabbin, Timothée, d’une mère juive et d’un père grec, Luc, le Grec, Lydie, marchande de pourpre de Thyatire, craignant-Dieu, la jeune fille esclave et possédée d’un esprit de Python, ainsi que bien d’autres.
Combien nous admirons l’oeuvre du Seigneur en créant, de tous ces peuples et de toutes ces nationalités si différentes, une seule Église, grâce au baptême dans le Saint-Esprit.
Grandeur de cette unité
Dans sa lettre aux Éphésiens, Paul évoque la grandeur de cette unité entre Juifs et non-Juifs. Il précise qu’elle est aussi dûe à l’oeuvre de Christ sur la croix. L’expression forte de Paul, « détruisant le mur de séparation »5, évoque clairement l’inimitié qui existait dans le coeur du peuple élu vis-à-vis de tous les autres peuples. Et inversement, celle qui se trouvait chez les non-Juifs envers les Juifs. Cette inimitié disparaît « en Christ ».
La doctrine du baptême du Saint-Esprit est clairement enseignée dans la première épître de Corinthiens (12:13). Paul annonce que les enfants de Dieu ont tous été « baptisés dans un seul Esprit, pour être un seul corps, soit Juifs, soit Grecs, soit esclaves, soit libres ». À partir de ce verset, nous comprenons que le baptême du Saint-Esprit a lieu « automatiquement » au moment de la conversion à Dieu.
Dans la pratique ?
L’unité par le baptême dans le Saint-Esprit est l’unité de base. Tout au long d’une vie chrétienne on constate sa très réelle existence. Rencontrant un autre chrétien, par exemple, dans le métro – il lit peut-être sa Bible, ou porte un badge « Jésus t’aime » – le chrétien se rend compte en le saluant qu’il s’agit d’un frère en Jésus-Christ ». Un « icthus » (poisson) collé sur une voiture a souvent donné la même joie. Que de fois ce genre d’heureuse expérience nous est arrivé…. grâce au baptême du Saint-Esprit.
2. Deuxième unité : l’unité de l’Esprit |
Unité à rechercher
L’unité de l’Esprit est une extension de l’unité créée par le baptême dans le Saint-Esprit. Cependant, si l’unité par le baptême dans l’Esprit est en quelque sorte « imposée » à l’enfant de Dieu – elle vient d’en-haut, les chrétiens doivent s’efforcer de conserver l’unité de l’Esprit.
En effet, cette unité spirituelle peut facilement s’envoler loin d’un groupe de chrétiens ou d’une église locale. Aussi le Saint-Esprit, par la plume de Paul, dans la lettre aux Éphésiens, nous donne-t-il « la marche à suivre » afin de vivre cette unité dans le quotidien.
La Parole de Dieu est claire. Nous devons nous efforcer de la conserver. Sans elle, le monde risquerait d’être scandalisé. Mais pour sa réalisation, il nous faudra aussi « le lien de la paix », de l’amour, de la douceur, de la patience.
Plus que tout autre chose, nous devons « nous supporter les uns les autres » (voir la liste dans Ephésiens 4:2,3).
Elle n’est pas automatique !
Vivre continuellement dans l’unité de l’Esprit avec d’autres enfants de Dieu constitue donc une tâche « pas trop facile » C’est pourquoi Paul en a énuméré les « ingrédients » ! La réaliser est donc possible, grâce à la première unité « de base », celle créée par le baptême dans l’Esprit.
Parlons donc toujours avec affection des autres membres de notre église. Si parfois ils sont effectivement blâmables, essayons aussi de comprendre ce qui les a fait trébucher. On les excusera alors plus facilement. Même dans un cas d’exclusion – car il faut parfois exercer la discipline au sein de l’église – appliquons-la avec affection et souffrons avec la personne exclue, pensant aussi à notre propre faiblesse.
Comment faire dans la pratique ?
Au cours de notre ministère, nous avons été bien des fois interrogés par les gens du monde concernant d’autres églises évangéliques dans la ville où nous avons travaillé. Mais l’existence d’autres lieux de culte n’a pas empêché quelqu’un de continuer à avancer vers le Seigneur, pourvu qu’on de médise pas des autres églises !
Parfois, il faut expliquer brièvement pourquoi nous ne nous trouvons pas ensemble dans le même local lors de nos rencontres dominicales. On fait référence peut-être à une doctrine ou à une pratique qui ne se trouve pas dans la Bible, ou que la Bible n’ordonne pas. Mais c’est lorsque nous parlons mal d’une autre église évangélique, ou de nos frères et soeurs, que nous commettons une erreur grave. C’est alors que nos propos deviennent une pierre d’achoppement pour les gens du monde non convertis à Dieu. Les différences sont à expliquer – grosso modo, s’entend – mais toujours avec tact, sagesse et affection fraternelle.
3. Troisième unité : l’unité de la foi |
L’unité future
La troisième unité dans le Nouveau Testament, est celle de la foi (Éphésiens 4:13). Nous entendons par là, l’unité dans la compréhension et la pratique de la « saine doctrine » entre ceux qui ont cru et placé leur foi en Jésus-Christ comme Sauveur et Seigneur.
Paul précise en Éphésiens 4:5 qu’il existe « un seul Seigneur, une seule foi ». La responsabilité d’une église locale est de la comprendre et de la mettre en pratique.
Nous attirons l’attention du lecteur sur la manière dont Paul parle de cette « seule foi ». Dans le verset 5 (cité ci-dessus) une seule foi la doctrine chrétienne, existe. Puis, au verset 13 nous lisons: « …jusqu’à ce que nous soyons tous parvenus à l’unité de la Foi et de la connaissance du Fils de Dieu… »
Ces deux versets signifient donc que la pleine unité de la foi est encore à venir, comme pour la pleine connaissance du Fils de Dieu. Il existera toujours certains points de la doctrine du Nouveau Testament que nous ne comprendrons que plus tard. Actuellement, pour citer encore Paul « nous connaissons en partie ». Plus tard, nous connaîtrons « face à face » (1 Corinthiens 13:9-12). Nous saisirons alors toutes les nuances de la foi « qui a été livrée aux saints une fois pour toutes » (Jude 3).
Cette unité est aussi actuelle
Ceci dit et humblement reconnu, nous constatons que déjà une très grande unité de foi se manifeste chez ceux qui ont cru en Jésus-Christ, qui ont été régénérés par l’Esprit de Dieu et qui ont reçu l’onction dont parle l’apôtre Jean (voir 1 Jean 2:20, 27). Cette unité de la foi se manifeste surtout chez ceux qui restent attachés à la Parole de Dieu.
Sans difficulté, les chrétiens comprennent combien une connaissance précise de la doctrine leur permet de jouir d’une bonne communion avec d’autres enfants de Dieu.
Si, par exemple, tel chrétien ne comprend pas que notre Dieu est à la fois Un et Trois, ou que Jésus, monté au ciel, va revenir, ou que la justification est par la foi seule, ou encore que Jésus habite aujourd’hui les chrétiens nés de nouveau par le Saint-Esprit, l’unité de la foi sera à peine réalisable.
Et comment les chrétiens qui se lancent dans une évangélisation peuvent-ils travailler avec des personnes qui ne croient pas que Jésus-Christ est le seul chemin pour venir au Père ? Une vraie collaboration est-elle possible ?
Unité par nos Confessions de Foi
Nos Confessions de Foi sont très utiles pour toute collaboration entre églises. Hélas, nombre de chrétiens hésitent à en parler de peur de ne plus s’entendre ! La doctrine divise, l’action unit, disent les hommes fréquemment. La Parole de Dieu nous montre le rôle de la doctrine. Justement, c’est elle qui unit. Et l’action qui en est engendrée unit également.
Craignant d’être taxés de sectaires et d’étroits, certains n’osent plus préciser quelle est leur doctrine ou théologie. Questionner les autres concernant la leur est regardé comme tabou. Combien c’est dommage ! Toutefois, un examen mutuel des Confessions de Foi amène à faire la distinction entre ce qui est doctrine essentielle et ce qui est secondaire. Mais nos Confessions de Foi n’insistent généralement que sur les éléments de base de la foi chrétienne.
Le sel de la doctrine ne doit jamais perdre son goût biblique, sinon notre unité de la foi serait « sans saveur ».
Les doctrines secondaires ?
Pour ce qui concerne les éléments secondaires, nous devons nous rappeler que « si sur quelque point un frère a une pensée différente, Dieu peut lui révéler aussi ce qu’il en est ». Nous aussi nous pouvons avoir besoin de la révélation de Dieu ! Ainsi « au point où nous sommes parvenus, avançons ensemble » (voir Philippiens 3:15, 16). Une attitude humble pendant une discussion doctrinale permettra toujours des moments de bonne communion fraternelle : oui, même si nous n’arrivons pas à un consensus d’interprétation !
CONCLUSION |
Nous insistons sur deux éléments :
– Primo :
Quand notre Maître pria pour que ses disciples soient un, sa prière – qui a été exaucée comprenait les trois unités :
1) l’unité de base, par le baptême du Saint-Esprit, détruisant les murs de séparation, (Jean 17:21 : pour « qu’eux aussi soient un en nous« – Fils et Père).
2) l’unité de l’Esprit que nous devons nous efforcer de conserver, (Jean 17:23 : « afin qu’ils soient parfaitement un »).
3) l’unité de la foi, c’est-à-dire, qu’ils gardent la Parole qui leur a été donnée, (Jean 14:14 : « Je leur ai donné ta Parole…, ta Parole est la vérité »).
– Secundo :
D’une part, notre Seigneur a été exaucé, depuis le moment de sa prière jusqu’à aujourd’hui.
D’autre part, le fait d’avoir prié pour que cette (triple) unité existe et demeure entre les siens, nous montre bien que l’unité entre les disciples du Christ reste toujours une « fleur fragile » Elle aura besoin d’être continuellement entretenue et arrosée. Implorer le secours du divin Jardinier, notre Père céleste, qui nous a plantés tous (voir Matthieu 15:13), dans la « bonne terre » est donc nécessaire.
Le paradoxe présenté par ces deux axes ne révèle pas une opposition, mais une complémentarité.
Enfin, nous réaliserons ces différents aspects de l’unité « par l’Esprit qui travaille en nous ». Les organismes, les fédérations, les alliances peuvent jouer un certain rôle. Ce n’est pas pour autant que les trois unités se manifesteront ipso facto. Dieu peut se servir de certains organismes mais c’est l’amour, fruit de l’Esprit, qui est le lien de la perfection (Colossiens 3:14). C’est en nous aimant les uns les autres, que nous accomplirons la loi de Christ.
« Que la paix de Christ, à laquelle vous avez été appelés pour former un seul corps7, règne dans vos coeurs » (Colossiens 3:15).
Pierre Wheeler
NOTES
1. On pourrait contester le contenu de ce paragraphe en rappelant les paroles de l’Abbé Couturier : « L’Unité que le Christ veut par les moyens qu’il voudra ». Pour nous, nous nous interrogeons sur la nature de l’unité que Jésus a voulue. Nous ne pouvons croire que notre Seigneur a prié pour l’unité oecuménique, telle qu’elle se présente aujourd’hui.
Paul Couturier a introduit la Semaine de prière pour l’Unité (3 semaine de janvier) en 1939. pour les catholiques et les protestants qui voulaient prier ensemble. Il a aussi créé le « Groupe des Dombes », une rencontre de prêtres et de pasteurs.
2. Voir l’encyclique de Jean-Paul II : Qu’ils soient un. 1995. Bayard Editions / Centurion.
3. En 1948, se constituait à Amsterdam le Conseil Oecuménique des Eglises. Le mouvement oecuménique a pris son essor à partir de cette rencontre ou 148 églises protestantes différentes se sont donné comme objectif l’unité visible. L’Eglise catholique n’est pas (encore ?) devenue membre.
4. L’expérience que nos frères pentecôtistes et charismatiques appellent « baptême du Saint-Esprit » est tout au plus un moment où l’enfant de Dieu est rempli du Saint-Esprit. Pour les catholiques charismatiques, cette expérience correspond probablement à leur conversion à Dieu.
5. L’inscription en grec, trouvée à Jérusalem en 1871, par l’archéologue français Clermont-Ganneau, nous rappelle combien la séparation des Juifs d’avec les non-Juifs était fondamentale dans leur conception des choses. En effet, cette « pancarte » en pierre menace de mort le non-Juif qui franchirait le mur de séparation du Temple érigé entre le parvis des Gentils et le temple lui-même. Celui-ci était réservé uniquement au peuple juil. Celui qui franchirait l’enceinte, serait seul responsable de sa mort (sic).
6. Certains commentateurs de ce verset expliquent le terme « foi » comme la foi et confiance qui sauvent, et non pas comme l’ensemble de la doctrine chrétienne. Dans ses lettres, Paul se sert du terme « foi » dans les deux sens. Comparez, par exemple, Romains 3:25 et Galates 1:23. Peut-être donc Paul se servait-il du terme « foi » dans Ephésiens 4:5 pour parler à la fois de la confiance et de l’ensemble de la doctrine biblique ?
7. La traduction littérale du grec est : « en un seul corps » La pensée semble être que, puisque nous avons été appelés à être un seul corps, la paix de Christ doit régner sur les membres pour que nous le soyons véritablement et toujours davantage (voir les autres versets de ce texte).