A l’occasion du 200ème anniversaire de la naissance de Félix Neff (le 8 octobre 1797), Info-Fef propose un article de réflexion sur une figure assez illustre du protestantisme francophone.
Reynald Kozycki a eu l’occasion de réfléchir sur la vie et l’enseignement de Neff pour un mémoire de maîtrise en sciences religieuses à la faculté de théologie réformée d’Aix-en-Provence.
Cet article est une adaptation de l’un de ses chapitres.
Le Temple de Dormillouse (Hautes-Alpes) ou Félix Nefl a été le plus présent. Le lieu d’accueil (à droite), surtout réservé aux randonneurs, est appelé « Bar Félix Neff ».
Félix Neff est, dans ce domaine, « un enfant du Réveil »1 Les renouveaux spirituels du XVIIIe siècle en Allemagne avec les moraves et en Angleterre avec le méthodisme furent incontestablement des retours à l’autorité de la Bible. Le Réveil du début XIXe ne le fut pas moins. Ce fut aussi l’un des points forts de Luther et Calvin. En effet, le protestantisme est un recentrage de la question d’autorité ; Jean-Pierre Willaime, décrivant quelques apports de la Réforme, situe bien la question :
L’autorité n’est plus dans l’Eglise visible (institution humaine, perfectible et donc réformable). La fonction ecclésiastique y est également désacralisée de même que le culte et l’Eucharistie […] Si le lieu de la vérité religieuse est, pour le protestantisme, la Bible, c’est autour de celle-ci que le débat va se nouer […] La question de la vérité religieuse dans le protestantisme devient un débat herméneutique […]2
Dans les pages suivantes, nous commenterons la découverte que Félix Neff fit de l’autorité scripturaire, ensuite nous décrirons certaines nuances dans son herméneutique pour conclure sur l’urgence de la mise en pratique de la Bible.
I. LA DECOUVERTE ET L’AFFERMISSEMENT DANS CETTE AUTORITE.
Il est impossible de parcourir ne serait-ce que quelques-unes de ses lettres sans voir la place fondamentale des Ecritures dans la vie de Félix Neff. Dès sa conversion, il s’attache à ce qu’il considère la seule source d’autorité. Rappelons-en quelques aspects.
Après avoir connu « d’absurdité » des propositions et idéologies humaines, il désespéra aussi de lui-même et vint à invoquer ce Dieu alors inconnu : « Oh mon Dieu quel que tu sois, fais-moi connaitre la vérité, daigne te manifester à mon coeur »3. Ensuite, il lut plus sérieusement la Bible, quelques temps après, le petit opuscule « Le Miel du Rocher » l’aida à comprendre plusieurs points fondamentaux de l’Ecriture4. C’est probablement à cette époque qu’il confiait dans une lettre adressée à son cousin « J’estime mieux une ligne de la Parole vivante du Dieu de vérité que tous les ouvrages des hommes faits ou à faire »5 Plus tard, son attachement à l’Ecriture sainte ne fit que s’enraciner « Je n’ai qu’un maitre qui est Christ, et je compte pour rien les paroles des hommes qui ne parlent pas l’Evangile à la main » 6.
Le témoignage des personnes qui l’ont vu et entendu est aussi significatif. Ainsi, lorsque Antoine Blanc mentionne sa rencontre avec lui, il ne peut oublier comment l’apôtre des Hautes-Alpes répond aux arguments d’un pasteur vaudois libéral. Il avoua :
Je reconnus que M.M…, pasteur, que j’avais toujours tenu pour l’un des plus savants, ne répondait pas par la Bible à la multitude de passages de la Parole de Dieu que lui citait M. Neff, et je me sentais entraîné, sans doute par une force divine, à pencher du côté de M. Neff, ne pouvant pas ne pas accepter la Parole de Dieu que je croyais véritable. J’étais intérieurement dépité contre M.M…, non seulement de ce qu’il ne se défendait pas par d’autres passages, mais surtout de ce qu’il sortait de la douceur en se défendant par des raisons qui ne se trouvaient pas dans la Bible. 7
Ferdinand Martin-Dupont rapportait :
En dehors de l’Ecriture, il n’y avait à ses yeux qu’incertitude. Il [Félix Neff) se courbait sur le livre, mettait tous ses soins à se laisser enseigner par lui, il lui soumettait son intelligence, il prêtait l’oreille à son langage comme à celui d’un ami, d’un maître donnant des leçons.8
Par cette attitude, il suit le courant « orthodoxe » du protestantisme, comme il l’exprima clairement lors de sa consécration :
Je me conforme, tant pour les articles de foi que pour la morale évangélique, aux confessions de foi des Eglises réformées de la France et de la Suisse, dans lesquelles je suis né, et auxquelles je désire consacrer mon ministère.9
Le Siècle des Lumières a incontestablement réduit l’autorité de la Bible, Neff – comme les autres « ambassadeurs du Réveil » – retourne au « Sola Scripfura » des Réformateurs. Calvin, par exemple n’envisageait pas de connaissance sur Dieu hors de l’Ecriture et par la sagesse humaine « Ce que nous connaissons à Son sujet par nous-mêmes n’est que folie » 10
II. L’EQUILIBRE DE SON HERMENEUTIQUE
Son attachement sans réserve à l’autorité biblique ne l’empêche pas de nuancer ses affirmations, particulièrement pour les questions difficiles. Neff est méfiant de certaines vues trop étroites :
Redoutant les extrêmes, je me vois souvent forcé de prendre l’opposé de ceux qui outrent (sic) dans un sens quelconque : et je suis arminien parce que la plupart d’entre vous sont trop calvinistes. Je serais calviniste, au contraire, si vous étiez arminiens […] Tout ce que je puis vous dire, c’est qu’il me semble impossible d’encadrer et de systématiser les doctrines évangéliques dont il s’agit, sans s’exposer à mutiler et à tordre les Ecritures. 11
Nous pouvons interpréter de deux manières cette prudence, soit en soulignant une modération et une sagesse qui veulent prévenir l’évangéliste des « discussions folles et inutiles », soit en relevant son incompétence théologique. Les deux approches sont probablement correctes.
Il n’est pas un « spécialiste » des débats religieux, néanmoins il connaît les fondements de sa foi, et il s’est forgé une « herméneutique ». Arrêtons-nous d’abord sur les principes d’interprétation nocifs que Neff décèle dans une part non négligeable de la « chrétienté érudite » de son époque. L’extrait suivant, particulièrement instructif, est une lettre destinée à Ferdinand Martin-Dupont au moment où, faisant ses études à la Faculté de Montpellier, il semblait légèrement ébranlé par les débats universitaires sur la question de l’herméneutique 12. Avec une logique presque implacable, il pose plusieurs questions pertinentes et souligne deux types opposés d’approche biblique :
Pour toute âme sérieuse et qui cherche la vérité, la première question à résoudre est sans doute celle-ci : Dieu a-t-il parlé ? Ou en d’autres termes, la Bible est-elle bien la parole de Dieu ? Ici chacun peut, ou plutôt chacun doit user avec la plus grande indépendance du droit d’examen, et ne se donner aucun repos qu’il n’ait trouvé la solution de cette question importante. Une fois cette vérité établie : Dieu a parlé, la seule question qui reste est : Qu’a-t-il dit ? Ici encore chacun doit, avec la plus grande liberté, examiner lui-même ce que Dieu a dit, c’est-à-dire étudier dans un esprit de foi, de soumission, et de confiance, la parole de Dieu. Mais si, entre ces deux questions, on se pose une troisième, et qu’on demande à la raison humaine : qu’est-ce que Dieu doit avoir dit ? Si on permet de choisir, d’admettre, de rejeter, d’interpréter, de tordre les déclarations les plus claires de la Sainte Ecriture pour la mettre en harmonie avec ce qu’on appelle les lumières de la raison, c’est là un abus criant du droit d’examen. C’est pourtant ce que font bon nombre de docteurs de notre siècle 13. qui font même consister en cela les prétendus progrès de la théologie. 14
Cette citation fait ressortir, en premier lieu, la certitude qui habite l’évangéliste concernant la Révélation biblique. Nous discernons, d’autre part, quelques éléments de son herméneutique : « Examiner ce que Dieu a dit, c’est-d-dire étudier dans un esprit de foi, de soumission, et de confiance ». Par ces mots, il résume l’attitude qui fait tragiquement défaut dans toute approche « malsaine » des Ecritures. La « troisième question : qu’est-ce que Dieu doit avoir dit ? », souligne cette disposition douteuse, où « la raison » devient source d’autorité pour l’interprète. Il dévoile ainsi sa méfiance de « ce bon nombre de docteurs de notre siècle » – ayant probablement en vue ce que certains historiens ont appelé plus tard le courant pré libéral 15. Dans cette même lettre adressée à Ferdinand Martin-Dupont, il relève quelques causes conduisant une partie de la chrétienté à refuser la pleine autorité à la Bible :
Privés de la lumière de l’Esprit de Dieu, ne pouvant ni comprendre les vérités sublimes de l’Evangile, ni en sentir la puissance efficace; regardant comme impraticables les renoncements et les devoirs qu’il nous impose, ne pouvant surtout se résoudre à charger cette croix de Christ qui est folie et scandale au monde, et n’osant cependant attaquer en face l’Evangile dont ils se disent les ministres, ils minent sourdement sa base, ils en évident tout l’intérieur, conservant seulement le comble et la façade, comme un abri, ou plutôt comme un masque qui leur est nécessaire. 16
Avec notre vocabulaire, nous dirions qu’il se permet une approche d’ordre « psycho-spirituel ». Il explique les causes d’erreurs d’interprétation de certains docteurs à savoir, cette peur profonde de « porter la croix de Christ » liée à l’aveuglement – lequel est dû à l’absence de l’action de l’Esprit. Les deux citations précédentes décrivent essentiellement une herméneutique nocive. Dans les alinéas suivants, nous commenterons quelques principes d’une saine interprétation biblique combinés à une « mise en pratique », mais d’abord, posons les limites proposées par l’évangéliste sur le « littéralisme ».
Félix Neff, à notre connaissance, ne prône pas une inspiration aussi « littérale », que celle soutenue en particulier par Louis Gaussen dans sa Théopneustie 17. Il se situe dans un courant légèrement plus souple, assez proche de Bost pour s’attacher davantage à l’esprit qu’à la lettre, tout en gardant l’Ecriture comme règle de foi absolue 18. L’apôtre des Hautes-Alpes combattit les vues figées, sectaires, dominatrices d’une certaine aile de la théologie du Réveil (en particulier les disciples de César Malan). Il mettait en garde certaines personnes :
Il existe un certain esprit qui s’attache à la lettre aux observations légales, et on appelle tout cela être fidèle et faire la volonté du Seigneur ! Moi j’appelle tout cela se mettre sous la loi et s’assujettir mal à propos pour donner du scandale aux Juifs, aux Grecs et à l’Eglise de Dieu ; c’est être enfant d’Agar el non de Sara. D’ailleurs, on finit par mettre plus d’importance à ces riens qu’à l’Evangile même, et au lieu de retirer quelques tisons du feu, on croit bien servir Dieu en troublant ceux qui lui appartiennent déjà. On coule le moucheron et on avale le chameau, on se glorifie de porter la croix de Christ et on ne porte que la sienne. 19
Ainsi, il a su exercer une certaine prudence pour ne pas tomber dans un système figé, dans un « intégrisme de la lettre » 20 Sa compréhension de « l’illumination » a probablement préservé l’évangéliste de ce danger. (Rien de nouveau dans cette découverte , si nous remontons uniquement à Calvin, cet aspect fut déjà amplement souligné 21). Ainsi, cette action de l’Esprit donne le moyen, par excellence, de comprendre le sens de l’Ecriture « Privés de la lumière de l’Esprit de Dieu, ne pouvant ni comprendre les vérités sublimes de l’Evangile, ni en sentir la puissance efficace » 22. Dans une lettre pénétrante adressée à des étudiants, il rappelle le texte de Paul : « L’homme naturel ne reçoit pas les choses de l’Esprit (1 Cor 2:14).» Qui veut saisir le sens ne doit pas se « placer en dehors de l’Evangile pour l’examiner » 23. Ce n’est qu’à « l’intérieur » — c’est-à-dire, dans une entière soumission à l’Ecriture -, illuminé par l’Esprit, que le chrétien, non seulement, comprend l’Ecriture, mais grandit dans la vraie piété.
III. LA MISE EN PRATIQUE
Pour l’apôtre des Hautes-Alpes, l’illumination est favorisée par une étude de l’Ecriture sainte « dans un esprit de foi, de soumission, et de confiance » 24. Une docilité à l’action de l’Esprit est indispensable pour recevoir l’enseignement de Dieu lui-même :
Et vous mes frères qui savez que cet Esprit habite en vous, soyez dociles à ses directions, et vous serez vraiment enseignés de Dieu. Mais ici encore, rappelez-vous que cet Esprit doit vous instruire de vos devoirs, aussi bien que des vérités de l’Evangile. 25
La connaissance biblique doit conduire, de manière concrète, à l’accomplissement de la volonté de Dieu. Cette insistance sur « l’obéissance de la foi est un refrain courant pour la théologie du Réveil (tout au moins chez ceux qui ne glissèrent pas dans l’antinomianisme 26), l’orthodoxie morte est utile à peu de choses. Au XVIIIe, des Spener, Zinzendorf, Wesley, Edwards… l’avaient déjà amplement souligné. L’apôtre des Hautes-Alpes stipule :
L’incrédulité ne consiste pas seulement à rejeter les dogmes de l’Evangile, il y en a tout autant à affaiblir ses préceptes moraux […] La vraie foi consiste à recevoir tout ce que l’Evangile enseigne, et non à s’attacher exclusivement à une vérité, ou à un certain nombre de vérités […) quand l’Eternel a parlé, ne cherchons point à nous séduire par de vains raisonnements, car Il n’a point parlé en vain. 27
Pour conclure ce chapitre affirmons que l’un des premiers piliers du revivalisme de Félix Neff a été son entière soumission à l’autorité de la Bible évitant, toutefois, l’enfermement dans le dogmatisme trop étroit d’une certaine orthodoxie.
NOTES
1 Toutes les études générales du Réveil du XIXe abordent d’une manière ou d’une autre la question herméneutique. Soulignons plus spécialement Léon MAURY, Le réveil religieux dans l’église réformée à Genève et en France (1810-1850), Fischbacher, Paris, 1892, voir chap. 2 tome 1, «L’inspiration et l’autorité des Ecritures), pp. 26-71. Nous avons néanmoins quelques légères réserves sur ce chapitre, en particulier, lorsque MAURY nous semble trop amplifier les vues différentes existant dans le courant même du Réveil. Son analyse nous semble discréditer le livre clé de L. GAUSSEN, Théopneustie…. et fait passer BOST et NEFF pour « très ouverts » et même légèrement « libéraux » sur cette question herméneutique. Il faudrait prendre le temps de lire en détail, par exemple, les écrits d’Ami BOST, Mémoires pouvant servir à l’histoire du Réveil religieux des églises protestantes de la Suisse er de la France et à l’intelligence des principales questions théologiques et ecclésiastiques du jour, Paris, Grassard et Cherbuliez, 1854-1855, 3 vol., afin de constater que l’unité de vue sur l’herméneutique est plus importante que ne le décrit MAURY, même si, comme nous le verrons dans la suite de ce chapitre, certaines petites divergences apparaissent. Voir aussi E. GUERS, Le premier Réveil et la première église indépendante, Genève, 1871, Paris, L.K. Delay, 1840 : DE GOLZ, Genève Religieuse…, E. RABAUD, Histoire de la doctrine de l’inspiration des Saintes Ecritures dans le pays de langue française de la Réforme à nos jours, Paris 1883.
2 J.P. WILLAIME, La Précarité Protestante, Labor et Fides, 1992.
3 Ami BOST, Lettres et Biographies de Félix NEFF, Genève 1841, t. I, p. 39. Nous noterons désormais les références à ce livre par Lettres.
4 Version originale : Thomas WILCOCK, A drop of honey out of the Rock : Christ, 1666
5 Lettre publiée par Léon MAURY dans Le Réveil Religieux, t. I. p. 370 : MAURY commente cette lettre : « la netteté du style et l’énergie de la pensée reproduisent déjà les traits essentiels du caractère de NEFF. »
6 LORTSCH Samuel, Lettres de direction spirituelle, Nouvelle société et édition de Toulouse, Dieulefit, 1934, pp. 98-99.
7 Lettres de direction spirituelle, p. 16.
8 Ferdinand MARTIN-DUPONT, Mes impressions, Paris, Fischbacher, 1878, p. 66. Rappelons que les fondements de la foi de MARTIN-DUPONT ont été donnés par NEFF.
9 Voir la confession de foi en Annexe 1 du mémoire de Reynald Kozycki, La théologie du Réveil chez Felix NEFF, Aix, 1996. Une étude des confessions de foi de la Réforme nous montrerait le rôle fondamental de la Bible à cette époque. Le Catéchisme de Genève explique : « Dieu nous a laissé sa sainte Parole: elle est notre guide spirituel, mieux encore, la porte qui nous donee accès au Royaume des Cieux […] Il faut nous laisser instruire par elle, lui soumettre notre intelligence et notre volonté, aimer vraiment cette parole de Dieu et la graver dans notre coeur », Catéchisme de Genève, paragraphes 297, 299, (première édition 1545), GKEF, 1991. pp. 115-118. La Confession de la Rochelle rappelle que « cette Parole est la règle de toute vérité et contient tout ce qui est nécessaire au service de Dieu et à notre salut […] Il en découle que ni l’ancienneté, ni les coutumes, ni le grand nombre, ni la sagesse humaine […] ni les miracles ne peuvent être opposés à cette Ecriture Sainte […] », Chapitre I Paragraphe 5. « L’autorité des Ecritures », voir Confession de la Rochelle, (première édition en 1571), Fondation d’Entraide Chrétienne Réformée. 1988, p. 21.
10 L’INSTITUTION CHRÉTIENNE, I, 13,3, EDITIONS KERYGMA ET FAREL, 1978. VOIR AUSSI L’ANALYSE DE FRANÇOIS WENDEL, CALVIN, SOURCES ET ÉVOLUTION DE SA PENSEE RELIGIEUSE, PUF, 1950, PP. 111-117.
11 Lettres, t. II, pp. 156-157, italique ne se trouvant pas dans le texte original. Dans cette lettre au pasteur TERISSE à Nyon du 10 janvier 1827, NEFF nuance ses opinions sur la prédestination. Rappelons que le débat était très virulent surtout en rapport avec César MALAN (ou ses disciples !) et ses positions parfois « ultra-calvinistes ».
12 NEFF semble avoir été affecté dans la dernière année de sa vie en constatant, par des personnes interposées, que Ferdinand M.D. prenait une mauvaise voie. A la lecture de l’autobiographie de MARTIN DUPONT nous pensons que les tracas de NEFF devaient être exagérés : « NEFF, sur des propose peu bienveillants, des rapports exagérés et inexacts, nous battait froid à CLAVEL, à BAUME et à moi. Dans le cours de nos études, nous avions éprouvé certains scrupules, certains doutes sur l’étendue des doctrines relatives au décret divin, à la prédestination. Certaines conversations et prédications que nous avions ouïes de la part d’un des pasteurs de Montauban avaient fait naitre ces hésitations. Nous étions plus rapprochés de NEFF là-dessus que de ce pasteur […] Nous nous en onvrîmes à un digne pasteur de Mens, qui certes nous aimait beaucoup, mais qui professait à ce qu’il en semble, un calvinisme un peu rigide. Il en prit de l’ombrage, nous répondit comme à des femmes gens qui prennent une fausse voie » MARTINDUPONT, Mes impressions, p. 128.
13 Italique ne se trouvant pas dans le texte original.
14 LORTSCH, Félix NEFF, pp. 279-280.
15 William EDGAR analyse les différents courants du protestantisme de cette première moitié du XIXe siècle. Il en perçoit quatre : 1) le Réveil orthodoxe, 2) les professeurs chrétiens, 3) les visionnaires pré libéraux et 4) les critiques de la vie sociale, W. EDGAR, Face à la modernité. La pensée apologétique protestante de langue française de 1875 à 1848. Thèse no 566. Genève, 1992, pp. 134-140. Nous renvoyons aussi aux études sur la théologie du Réveil en particulier Daniel ROBERT, Les Eglises réformées en France, 1800-1830, Paris, 1961; André ENCREVE. Protestants français au milieu du XIXe, Labor et Fides, 1986 surtout pp. 117-121; BOST, Mémoires pouvant servir à l’histoire du Réveil Religieux…, t. III, pp. 25-31.
16 LORTSCH, Félix NEFF, pp. 281-282.
17 L. GAUSSEN, Théopneustie ou pleine inspiration des Ecritures, Paris, L.R. Delay, 1840 (édité aussi à Genève chez Béroud et Guers, à Lausanne chez Ducloux et à Neufchatel chez Michaud). Même si l’ouvrage a été imprimé après les débats que nous mentionnons avec NEFF, les positions de GAUSSEN étaient déjà largement exprimées (en autres, par ses prédications). NEFF connaissait et estimait beaucoup L. GAUSSEN, qui fut rappelons-le, l’un des théologiens principaux de l’aile radicale du Réveil. Ses détracteurs lui reprochaient d’être trop proche du Formulaire du consentement qui avait été rédigé en 1655 par J.H. HEIDEGGER, formulaire qui s’était ridiculise par sa notion d’inspiration même des voyelles. GAUSSEN développera une théorie de la Bible « dictée » : « C’est ainsi que Dieu, qui voulait donner à connaitre à ses élus, dans un livre éternel, les principes spirituels de la philosophie divine, en a dicté les pages, durant seize cents années […] », GAUSSEN, Théopneustie. p. 11. NEFF, sans poser le problème de manière aussi technique que GAUSSEN, reste pourtant assez proche de lui. La démonstration qu’il tient à MARTIN-DUPONT s’inspire des démonstrations de GAUSSEN, voir LORTSCH, Félix NEFF, pp. 279-282. Voir aussi ASTIÉ, Les deux nouvelles théologies, pp. 10-15, notons que les remarques d’ASTIÉ doivent être nuancées lorsque l’on connait le penchant « néo-orthodoxe-avant-l’heures » de cet auteur. Voir aussi note 1 de ce chapitre.
18 Nous renvoyons à BOST. qui fut, rappelons-le, un de ses proches amis, voir Mémoires, t. II pp. 452457 : voir aussi l’analyse de Léon MAURY dans sa Théologie du Réveil, t.2, chapitre II. p 26-71.
19 Lettres de direction spirituelle, p. 109, cité par A. MARCHAND, Félix NEFF missionnaire et prédicateur, p. 52.
20 Selon l’expression d’Olivier Prunet, « Autorité de la Bible », Etudes Théologiques et Religieuses, 1976, n° 4, pp. 443-464. Cet article met bien en valeur les deux dangers qui guettent le christianisme : le libéralisme et l’intégrisme.
21 Voir par exemple : CALVIN, L’Institution Chrétienne, I. 7. 14, Editions Kerygma et Farel, 1978.
22 LORTSCH, Félix NEFF, p. 281.
23 Voir l’Annexe 5 du mémoire de R.K. On retrouve chez Nefr l’attitude de tous ceux qui se laisse juger par l’Ecriture, et non pas l’attitude de ceux qui jugent l’Ecriture : voir l’exemple contemporain de Jean Brun, historien de la philosophie, qui affirmait : « Il est impossible de parler du christianisme, car c’est lui qui nous parle […] Systématiser, conceptualiser, historiser […] dialectiser le Christianisme, revient à le changer d’abord en son contraire pour se demander ensuite ce qu’il est .»; Jean Brun, L’Europe Philosophe, 25 siècles de pensée occidentale, Stock, 1988, p 77.
24 LORTSCH, Félix NEFF, pp. 279-280.
26 C’est-à-dire une absence de loi. La théologie du Réveil met donc souvent en avant cette mise en pratique de la Parole de Dieu, Ami BOST résume bien dans la déclaration suivante, l’idée assez communément admise sur l’essence du Réveil : « Aimer Dieu et le servir, vivre en sa présence selon sa sainte parole, chercher avant tout le Royaume des cieux et sa justice, tel est le but et le caractère de tout réveil parce que c’est le but et le caractère du christianisme dans ce monde. ». Ami BOST. Mémoires pouvant servir à l’histoire du Réveil…, Paris, Grassard et Cherbuliez, 1854-1855, vol. I. p. 17