Elle s’appelait Henriette Chevaux. Elle fut immobilisée
pendant presque cinquante-cinq ans sur un lit de maladie.
En 1933, âgée de 32 ans, Henriette se mit au lit pour ne plus se
relever. Une vésicule biliaire, pleine de calculs, aurait dû lui
être enlevée. C’était trop tard. Le poison était déjà dans son
corps. Elle mourut le 27 mars 1989, à l’âge de 88 ans.

« En pénétrant dans la chambre de cette infirme, on avait
l’impression d’entrer dans la salle d’audience du Roi des rois.
Ce qui frappait surtout, c’était son rayonnement,
la joie et la vie qui jaillissaient d’un pauvre corps mutilé,
sa capacité de s’oublier pour se consacrer entièrement
à la personne qui s’approchait d’elle… »

Voici une déclaration de la malade elle-même
« Tandis que je priais pour ma guérison, j’ai entendu une
voix aussi claire et aussi nette que la vôtre maintenant
– « Je ne te guérirai pas, MAIS JE TE BÉNIRAI. »
« Depuis ce jour-là, j’ai su qu’il n’y aurait pour moi
qu’une seule délivrance la mort. »

Vivant son immobilité permanente dans la communion
avec Dieu, Henriette n’était pas coupée du monde. Elle était
mentalement active, s’intéressant à tous, demandant des
nouvelles de chacun et participant intensément à tout ce qui se
passait. A une servante de Dieu, qui lui annonçait une réunion
dans laquelle elle devait prendre la parole, elle assurait
– « Ah ! Alors, moi j’y serai ! » 1

Quel préambule encourageant, lorsque l’on veut essayer
de tirer quelques réflexions, du problème de la souffrance !


D’OU VIENT LA MALADIE?

     Elle n’existait pas en Eden. Elle n’était pas prévue dans la pensée du Dieu d’amour à l’égard de sa créature, même si, dans sa prescience, Dieu savait tout.

     Elle a suivi la chute. L’enfantement dans la douleur et le travail pénible à la sueur de notre front, générateur de maux multiples, n’existaient pas dans le Paradis de Dieu. Pensons au travail à la chaîne, et à celui des enfants…

     Elle est souvent le résultat d’une désobéissance dans une vie. Evoquons le délirium tremens, le cancer du fumeur, les troubles nerveux ou mentaux, liés à de vieilles culpabilités ou à l’orgueil de la vie. Celui qui veut posséder toujours plus, soumet souvent son corps à des horaires impitoyables qui le détruisent. N’oublions pas le sida : s’attaquer scientifiquement aux conséquences de cette terrible maladie représente une oeuvre louable, mais qui vient à la croix de Golgotha pour en soigner la cause ? « Car le sang de Jésus Christ nous purifie de TOUT péché » Imaginons ceci : si, depuis la création du monde, chaque mari avait été fidèle à sa femme et chaque femme à son mari, si la chasteté avant le mariage et la fidélité après avaient régné, le sida n’aurait jamais fait son apparition. Le Dieu d’amour, souvent mis au banc des accusés, n’est pas responsable de ce fléau.

     La maladie peut être une attaque de Satan, mais tolérée par Dieu. Job nous fournit l’exemple frappant d’une telle situation « L’Eternel dit à Satan : voici, je te le livre, seulement épargne sa vie. Et Satan se retira de devant la face de l’Eternel »(Job 2:6-7).

     La maladie peut être une épreuve permise par notre Père céleste pour que nous ne restions pas des bébés spirituels, mais que nous grandissions en Lui. Dans la fièvre des activités, saurions-nous nous arrêter ? Il arrive que notre Seigneur nous empoigne et nous mette à l’écart, afin que nous trouvions refuge dans sa Parole et dans la prière, que nous goûtions l’allégresse d’une relation renouvelée avec Lui. Si nous ne sommes pas continuellement subjugués par Celui qui intercède auprès de son Père en notre faveur, c’est que notre amour pour Christ s’est refroidi. Et cela, dans sa tendresse, le Seigneur ne le permet pas. Alors, il nous met à l’écart, pour un peu de temps…

     Dieu guérit, mais pas toujours. Dans le Livre des Actes, au chapitre 19, versets 11 et 12, nous lisons : « Dieu faisait des miracles extraordinaires par les mains de l’apôtre Paul, au point qu’on appliquait sur les malades des linges ou des mouchoirs qui avaient touché son corps et les maladies les quittaient, et les esprits malins sortaient ». Cependant, en une autre occasion, Paul dit lui-même « J’ai laissé Trophime malade, à Milet. » (2 Tim. 4:20)

CE QUE LA MALADIE N’EST PAS !

     Elle n’est jamais l’unique moyen de notre salut, « car c’est par la grâce que nous sommes sauvés, par le moyen de la foi. » (Ephés. 2:8)

     Elle n’est pas envoyée uniquement comme punition, ou comme la conséquence logique d’un mauvais penchant. La plupart du temps, elle représente l’un des aspects de notre formation, quant à la patience. Lorsque nous demandons au Seigneur : « Rends-moi patient ! », c’est comme si nous formulions une prière quasi-dangereuse, et lui demandions : « Seigneur, éprouve-moi ! J’ai le coeur si dur, je suis si lent à saisir la volonté, que sans une bonne dose de difficultés, je ne comprendrai pas. » Cependant, osons quand même demander la patience.

     Elle n’est jamais au-delà de nos forces (1 Cor. 10:13)

     Revenons à Henriette Chevaux et laissons-la s’exprimer :
– « Si je n’avais pas le Seigneur, je ne ferais que pleurer. Je suis pleine de bosses. Je cherche partout dans mon lit une position meilleure. C’est une crucifixion au ralenti… Il faut parfois serrer une rose avec force pour qu’elle donne tout son parfum. On doit souvent appeler très fort : Jésus ! Jésus ! »

     Cependant, concernant cette même Henriette, il est dit dans sa biographie
« Henriette priait pour des centaines de personnes… Dieu faisait défiler ces noms devant les yeux de son coeur, connaissant son incapacité de tenir une liste dans la main. Souvent, elle accueillait une visite en disant : J’étais justement en train de prier pour vous. »

PEUT-ON ETRE SAUVÉ QUAND LA SOUFFRANCE PHYSIQUE PARAIT INSUPPORTABLE ?

     Il nous a été souvent démontré que la mort par crucifixion comptait parmi l’un des pires supplices que l’homme ait inventés. Deux condamnés étaient crucifiés en même temps que Jésus. L’un des deux, à cette heure où son corps ne pouvait échapper aux tourments d’une torture sans merci, prononça ces mots : « Pour nous, c’est régulier : nous payons pour ce que nous avons fait, mais celui-là (Jésus) n’a rien fait d’irrégulier » Puis, se tournant vers Jésus, il ajouta: « Jésus, souviens-toi de moi quand tu reviendras pour régner ». Et Jésus lui répondit : « Vraiment, je te l’assure. aujourd’hui même, tu seras avec moi dans le paradis » (Luc 23:40-43 – Parole Vivante)

     Le lépreux guéri par le Maitre, revint sur ses pas, pour le louer de son pardon et le glorifier à haute voix (Luc 17:15-16).

     Joni Eareckson, une jeune fille heureuse, en pleine santé, fut victime à dix-sept ans d’un accident de plongée, qui la laissa tétraplégique. Dans son autobiographie, elle décrivit ses poignants combats, envisageant même le suicide, jusqu’au moment où elle accepta son handicap. Voici ce qu’elle dit :
 « Avant mon accident, je n’avais aucun besoin de Christ. Et voilà que désormais, il m’était désespérément nécessaire… Maintenant que ma vie était réduite aux routines de base, il en faisait partie, parce qu’il prenait soin de moi. Il était la seule réalité dont je pouvais dépendre… La douleur des quelques années écoulées avait contribué à ma maturité psychique, mentale et spirituelle. Je me sentais pleine d’assurance, indépendante, er m’en remettais entièrement au Seigneur pour tous mes besoins. »2

     Après maintes interventions chirurgicales et plusieurs années d’immobilité, ces paroles de Joni révélaient une pleine soumission à Dieu. Cette jeune fille avait pris le parti de se tourner vers les autres et d’exercer une activité glorifiant le Seigneur. Ces personnes ont dit « Oui » au Sauveur de leur âme, en pleine souffrance physique.

PEUT-ON TÉMOIGNER DE CHRIST ET LE LOUER DANS LA SOUFFRANCE ?

     Le brigand sur la Croix, celui que nous aurons la joie de rencontrer dans le Paradis de Dieu, a juste eu le temps de témoigner devant l’autre supplicié.

     Job, dont nous connaissons par les Ecritures la longue épreuve d’un corps rongé par une éruption cutanée redoutable, pouvait prononcer ces paroles d’espérance :
« Mais je sais que mon Rédempteur est vivant, et qu’ll se lèvera le dernier sur la terre. Quand ma peau sera détruite, il se lèvera: quand je n’aurai plus de chair: je verrai Dieu. Je Le verrai, er Il me sera favorable. Mes yeux Le verront, et non ceux d’un autre. Mon âme languit d’attente au-dedans de moi. » (Job 19:25-27)

     Reprenons le témoignage de Joni. Devenue artiste peintre, elle peignait avec sa bouche, quelqu’un lui demanda pourquoi elle signait ses dessins « Joni P.T.L. » (Praise The Lord, ce qui signifie Loué soit le Seigneur !). Elle répondit « Dieu nous aime, Il s’occupe de nous ! Pour ceux qui aiment Dieu, tout, même ce qui m’est arrivé à 17 ans, contribue à leur bien. Dieu a été bon pour moi. Il a imprimé l’image de Christ dans mon caractère… Mon oeuvre artistique reflète le pouvoir que Dieu donne à quelqu’un comme moi, de s’élever au-dessus des circonstances ».

     Devenue également écrivain et oratrice, elle a annoncé l’Evangile de la Vie à des milliers de gens, aussi bien à la télévision que dans d’immenses salles publiques. S’adressant à un auditoire de mille six cents jeunes, elle dit : « Mon accident n’était pas un châtiment pour mes fautes, que je l’eusse mérité ou non. Seul, Dieu sait pourquoi je suis paralysée. Peut-être pour que je sois finalement plus heureuse à son service ». Et elle conclut ainsi « …je commençai à considérer mon fauteuil roulant comme un outil permettant de toucher les élèves dans les classes. De nombreux jeunes se donnèrent à Christ, après m’avoir entendue. Cela aussi était quelque chose de meilleur (Phil. 1:23)« 

     Ma propre mère fut hospitalisée à maintes reprises, ses compagnes de chambre et le personnel médical se sont souvent retrouvés avec une Bible dans les mains. Parfois, nous avions l’impression qu’elle n’avait séjourné à l’hôpital que pour cela.

     Il existe des malades jamais alités, qui vont et viennent, leur vie durant, affligés d’un corps sans résistance. Pour certains, une faible constitution les a gardes patients et compréhensifs. Avec une forte vitalité et un corps plein d’énergie, qui sait combien de paroles dures ils auraient proférées ? Pour ma part, j’ai connu des périodes de faiblesse physique. Si le Seigneur n’avait jamais permis cela, peut-être m’aurait-il été difficile de comprendre les personnes « perpétuellement fatiguées » ou déprimées.

     Après cinquante-cinq années de souffrances, la demande instante d’Henriette Chevaux était : « Que je puisse prier jusqu’au bout, si c’est possible » Celle-ci connut un plein exaucement, car elle put prier jusqu’au matin du Grand Départ. Une amie, émue de sa si longue souffrance, lui confia en toute sincérité, qu’elle priait pour que le Seigneur la reprenne. Henriette lui répondit avec véhémence: « Non, c’est le Seigneur qui décide ! »

RESULTAT D’UNE SOUFFRANCE ACCEPTÉE

     L’esprit de soumission – non de résignation – et l’esprit de sacrifice se trouvent développés en ceux qui acceptent de souffrir sous le regard du Seigneur Jésus (Rom. 12:1). L’acceptation entière et complète de nos infirmités est la meilleure arme contre le découragement, de plus, elle nous rend utiles. Joni et Henriette ont été les instruments de nombreuses conversions.

     Notre vie peut devenir infiniment joyeuse. Paul et Silas, pour avoir annoncé l’Evangile, furent violemment battus, jetés en prison, les ceps aux pieds et le dos ensanglanté. Les cachots des prisons romaines, il y a deux mille ans, n’avaient rien d’un nid douillet. Or, il est écrit : « Vers le milieu de la nuit, Paul et Silas priaient et chantaient les louanges de Dieu, et les prisonniers les entendaient » (Actes 16:25).

     Henriette Chevaux disait un jour à un petit garçon : « Tu sais je me réjouis tellement d’aller au ciel, parce que là-haut, je pourrai sauter comme un cabri ». Mais, il corrigea: « Non, Madame Chevaux, comme un poulain ! »

     Notons que la révolte contre Dieu, dans la maladie, est souvent plus destructrice que la maladie elle-même. Combien de dépressions ont pour point de départ un pardon non accordé, une rancune longuement cultivée, et amplifiée par une imagination négative !

     Christ ne nous laisse jamais seuls. La Bible contient des centaines de promesses et d’encouragements, rédigés par le Saint Esprit, exclusivement pour notre paix et notre bien-être spirituel. De plus, il nous comprend. Selon Esaïe 53:4, ce sont nos souffrances qu’il a portées, c’est de nos douleurs qu’il s’est chargé.

     Chaque étape de nos vies, y compris le temps de la maladie, a une signification pour l’éternité. Si nous ne comprenons rien à ce qui nous arrive, si nous pleurons, si le mal nous étreint avec force, dans le ciel de Dieu, là où le Seigneur nous a préparé une place, tout sera clair.

CONCLUSION

     Je n’ai pas voulu faire l’éloge de la maladie. Il y a cependant une conclusion d’allégresse à apporter à de tels propos.

     Dans l’épître aux Philippiens, nous lisons cette incomparable certitude « Mais, pour nous, notre patrie est dans les mondes célestes : nous sommes citoyens des cieux. De là viendra, comme Sauveur, le Seigneur Jésus-Christ, nous l’attendons de toutes les fibres de notre être. A son retour, il transfigurera le corps misérable que nous possédons actuellement dans notre humble condition, pour le conformer à son corps resplendissant de gloire. Il en a le pouvoir, car il a la puissance de s’assujettir l’univers entier. » (Phil. 4:20-22 – Parole Vivante)

     En considérant la place qui nous est réservée dans les cieux, j’aimerais citer les paroles d’un auteur scandinave : « Dieu fera toutes choses nouvelles. Le chef d’oeuvre sera alors achevé. Le Maitre ordonnera que l’on fasse tomber le voile. Remplis d’étonnement, les anges du ciel admireront le résultat final de la rédemption accomplie par Jésus-Christ, en faveur d’une humanité déchue et pécheresse. Dans les chants de louange qui montent vers son trône, il n’y aura pas une seule fausse note. »3

     A cause de nos regards dirigés vers la Croix, puisque c’est à Golgotha que notre vie de résurrection a commencé, nos pensées sont plus souvent tournées vers le Christ souffrant que vers le Christ glorieux. Selon 1 Jean 3:2, nous serons semblables à lui, parce que nous le verrons tel qu’il est. Pour le voir tel qu’il est, un changement est indispensable. Notre corps n’a pas encore été glorifié, à cause du péché. Il contient donc toujours une semence de mort. Dieu nous a promis un corps nouveau. Le salut complet va jusqu’au salut de notre corps.

     Nous n’aurons pas peur de côtoyer la Perfection, puisque nous aurons été rendus parfaits pour le jour de Jésus-Christ (Phil. 1:6). Il nous faudra un corps capable de soutenir l’environnement du ciel, l’infinie majesté du Père et l’éblouissante beauté de son Fils bien-aimé, sinon l’intensité de sa gloire, de son amour, de sa sainteté nous écraserait. Puisque nous serons semblables au Christ, notre nouveau corps évoluera heureux, libre, débarrassé à jamais de toute crainte, dans l’environnement du Ressuscité.

     Selon Jean 17. Jésus veut que nous partagions sa gloire. Il le veut pour nous. Quel avenir ! Le Seigneur sera ce jour-là pleinement « glorifié dans ses saints et admiré dans tous ceux qui auront cru » (2 Thes. 1:10).

Andrée DUFOUR


NOTES

1 Extraits du livre « Mais je te benirai », de Claire-Lise de Benoit.

2 Extraits du livre « Joni », de Joni Eareckson.

3 Extraits du livre « Ne perdez pas courage » de Frank Mangs – Les Carnets de Croire et Servir.