Communiquer l’Évangile dans notre société dite « post-moderne » est un défi permanent. Les changements intervenus ces dernières années mettent le Christianisme en décalage avec la pensée dominante. Le chrétien ne peut éviter l’effort de comprendre le monde dans lequel il vit, ni de trouver, dans la parole de Dieu, les points de contact avec la culture ambiante, pour partager l’Evangile.

Extrait du livre « COMMUNIQUER L’EVANGILE AUJOURD’HUI » (le modèle incontournable de la Bible pour tout chrétien),
Marc Van de Wouwer,
BLF éditions, 2020

CHAPITRE QUATRE : JE PROCLAME L’EVANGILE

 

L’EXEMPLE DE PAUL ET DES AUTRES

La proclamation représente l’explication « publique » de l’Évangile.

Les principes que nous partageons ici sont valables pour toute prise de parole dans l’Église ou ailleurs, quel que soit le public lorsqu’on veut partager la Bonne Nouvelle de Jésus.

Le texte de référence qui nous servira de point de départ (Actes 17 : 15-34) met en scène l’apôtre Paul. Il s’agit de la proclamation qu’il a apportée dans un des lieux publics les plus renommés de l’Antiquité : l’Aréopage d’Athènes. Difficile de rêver d’un cadre plus prestigieux ! La proclamation de Paul est remarquablement adaptée à la postmodernité que nous vivons.

LE CHOIX DE DIEU OU LE NÔTRE ?

Paul se posait en fervent partisan de la proclamation. Quoi d’étonnant puisque cette méthode générique est en vigueur déjà avant Jésus-Christ à travers Jean-Baptiste, avec Jésus et après lui à travers les apôtres et les diacres. Ce qui démontre son caractère intemporel. Paul l’utilise aussi bien dans les synagogues qu’ailleurs, ce qui prouve son caractère universel. Paul s’adresse aussi bien à des Juifs pieux qu’à des Grecs philosophes ou adorateurs de divinités païennes, ce qui démontre son caractère interculturel. Alors pourquoi la proclamation de l’Évangile a-t-elle tendance à disparaître ou à diminuer aujourd’hui ?

Mon expérience de trente-deux ans comme proclamateur itinérant dans plusieurs pays de plusieurs continents est très convaincante : ça fonctionne ! Dieu sauve encore les croyants par la folie de la prédication de la croix, comme nous l’avons énoncé. La proclamation de « Christ crucifié » (1 Corinthiens 1 : 23) touche les gens au cœur et permet au Saint-Esprit de susciter foi en Dieu et changement de vie. En tant que spectateur de l’œuvre de Dieu, je reste émerveillé : il est fréquent que dans une assistance de moins de cent personnes, une dizaine réponde positivement à un appel clair à la conversion à Jésus-Christ. En 2017, à Nancy, lors d’une réunion rassemblant une quarantaine de jeunes, plus de vingt d’entre eux ont entrepris cette démarche.

D’où vient alors cette lente érosion de la proclamation que l’on constate depuis quelques décennies ? Pour deux raisons : un manque d’information ou un manque de confiance dans le modèle biblique.

L’erreur commise dans le passé fut de miser tout sur la proclamation. L’erreur commise aujourd’hui est de miser sur tout sauf sur la proclamation. Dans les deux cas, la communication de la Bonne Nouvelle subit un déséquilibre tragique. Ce n’est pas la proclamation qui doit être remise en cause mais son langage, sa forme, son opportunité en temps, lieu, heure et public, ainsi que sa complémentarité avec les autres éléments du modèle.

On a vite fait de passer à la proclamation de Paul à l’Aréopage en oubliant que l’apôtre y combine deux autres méthodes : d’une part, la discussion dans la synagogue ou sur la place publique et d’autre part, la proclamation dans ces mêmes endroits quand l’occasion lui est donnée. Il confronte d’abord l’Évangile avec des auditeurs avertis de la loi de Dieu puis avec des philosophes grecs incroyants retranchés derrière des systèmes de pensée cohérents et éprouvés.

Rappelons-nous que conversation et proclamation sont le choix de Dieu pour expliquer l’Évangile. Nous affaiblissons la communication quand nous déséquilibrons le modèle.

UNE APPROCHE AUDACIEUSE

Paul passe de méthode en méthode et de lieu en lieu, avec discernement mais toujours avec audace. Il sait qu’aucun lieu ni aucune personne n’est inaccessible à l’Évangile. Le courage de Paul s’appuie sur sa confiance dans l’Évangile, « puissance de Dieu pour le salut de quiconque croit, du Juif premièrement, puis du Grec » (Romains 1 : 16). Paul en fait la démonstration en suivant cette logique divine.

Nous avons la prétention de dire que la parole de Dieu est la réponse à toutes les questions existentielles et à tous les besoins humains. La postmodernité n’accepte plus cette affirmation. Avant de construire une passerelle (ce qui est son but), l’apôtre fait une découverte importante que nous devrions faire aussi : les gens ne comprenaient rien à ce qu’il disait. « Quelques philosophes épicuriens et stoïciens […] disaient : Que veut dire ce discoureur ? ». Ils l’entendaient pourtant parler « de Jésus et de la résurrection », mais ils ne comprenaient pas, assimilant cela à une présentation de « divinités étrangères » (Actes 17 : 18). Comme nous, Paul est confronté à la barrière de l’ignorance.

Franchir la barrière de l’ignorance

Malgré nos efforts, les incroyants peinent à comprendre le B.A.-BA de l’Évangile. Il faut donc aider l’auditeur à franchir la barrière de l’ignorance avant de construire une passerelle. Nous devons d’abord envoyer des messages d’une rive à l’autre. C’est comme si la présentation de l’Évangile ressemblait à un message envoyé par sémaphore, par temps de brouillard. On n’en saisit que des bribes, mais c’est suffisant.

Pour l’apôtre Paul, ce qu’il a transmis dans ses conversations était suffisant pour une première approche. Il n’a pas encore commencé à construire la passerelle, mais il a obtenu le permis de construire. Il a gagné le droit d’en dire davantage puisque les philosophes proposent eux-mêmes de l’emmener sur l’Aréopage, dans un espace plus vaste, avec un public plus important, en lui accordant plus de temps de parole (Actes 17 : 20). Paul a franchi la barrière de l’ignorance grâce à la curiosité des gens. Comme Jésus l’a fait avec Nicodème et avec la Samaritaine.

Comment Paul a-t-il gagné le droit de construire sa passerelle ? En avançant de façon progressive et en distillant des éléments de l’Évangile qui suscitent l’intérêt. C’est une question essentielle à se poser : quels sont les éléments de l’Évangile adaptés à notre public qui stimuleront sa curiosité et qui nous permettront de gagner le droit d’aller plus loin ? Comment être intéressant, comment apporter une bonne nouvelle qui soit réellement nouvelle pour eux ?

Nos contemporains partagent avec les Athéniens la passion de l’information (v. 21). L’atout principal de l’information, c’est sa nouveauté. Nous avons une nouvelle extraordinaire à partager, la Bonne Nouvelle. Les gens ont une mentalité de concierge. Ils sont curieux. Ils raffolent des secrets. Ils sont passionnés d’ésotérisme. Stimulons cette curiosité par une communication empreinte de mystère. L’apôtre Paul utilise dix-sept fois le mot « mystère » à propos de l’Évangile.

Notre tâche est de dévoiler l’Évangile, tout en lui gardant une part de mystère qui stimule l’intérêt. Il faut effeuiller l’Évangile progressive- ment, comme on épluche un oignon, en espérant ne pas faire pleurer l’auditoire !

Dans ses contacts préliminaires, Paul choisit de parler de Jésus (il reste christocentrique, c’est une évidence !) mais dans sa proclamation, il choisit le thème de la résurrection. Pourquoi ? Pas seulement parce que c’est un thème fondamental. C’est surtout un sujet propre à stimuler l’attention par son originalité et son étrangeté.

Cela fait, il peut construire une passerelle.

Construire une passerelle

Comme le rappelle Kenneth Boa, « il est plus facile de construire des murs que des ponts » (Façonnés à son image, p. 388). Il faut apprendre comment et où construire la passerelle. Les ponts se construisent généralement à l’endroit où les rives sont les plus rapprochées. Dans la postmodernité, ces bords rapprochés sont différents. La rive d’où part la construction a également changé.

Pour répondre à la question « où construire ? », il suffit d’ouvrir nos yeux et nos cœurs. Rappelons-nous l’importance d’écouter le monde. Je me suis baladé longtemps avec un carnet de notes dans la poche pour y inscrire une idée ou une image saisies au vol. Maintenant, c’est dans mon smartphone que je les consigne.

L’apôtre Paul a prospecté les rives et il choisit les points d’ancrage avec soin. Il a examiné la rive de la religion et tous les sites de dévotion des Athéniens avant de découvrir le point le plus rapproché de l’Évangile : « un autel avec cette inscription : À un dieu inconnu ! » (v. 23). C’est là qu’il décide de construire sa passerelle.

Mais il ne le fait pas en partant de l’Évangile. Il le fait en partant de ses auditeurs. Avant, on apportait l’Évangile aux non-chrétiens. Désormais, il faut rapprocher les non-croyants de l’Évangile. Il faut construire sur leur rive, en partant de leurs centres d’intérêt recoupant l’Évangile, comme l’a fait l’apôtre Paul.

Paul trace clairement les contours de sa relation avec les non-chrétiens : il s’adapte aux personnes sans adopter leurs principes. Il est « comme » eux sans être eux. Il ne partage pas leur point de vue, mais il peut le prendre comme point de départ pour cheminer vers l’Évangile.

Notre tâche est de relier les gens à l’Évangile. Nous n’avons pas le pouvoir de les relier à Dieu. Seul Jésus-Christ détient ce pouvoir par son Esprit : « C’est Dieu qui fait croître. Nous ne pouvons pas davantage amener une personne à la conviction spirituelle de son péché et à la nouvelle naissance que nous ne pouvons faire pousser une plante en tirant sur sa tige ! » (Kenneth Boa, Façonnés à son image, p. 377). Mais nous devons trouver les endroits où les rives sont rapprochées et construire en partant de leur côté.

Quelles sont les berges de la génération postmoderne ? J’hésite à m’engager dans ce domaine parce que ce serait la démonstration inverse de ce que nous apprend Paul : que chaque situation et chaque groupe d’auditeurs est différent. Je ne souhaite pas m’avancer plus loin que le cadre proposé par le modèle biblique. En donnant des exemples, même à titre de principes, je cours le risque qu’ils soient assimilés à des méthodes à reproduire telles quelles, sans discerne- ment ou adaptation. Pour faciliter la compréhension, voici néanmoins quelques pistes.

LE CHOIX DES THÈMES

Il y a vingt ou trente ans, on choisissait des thèmes très « bibliques » avec leur langage spécifique comme « La Bible, votre Boussole », « Dieu n’est pas loin », « Un seul chemin », etc. Nous construisions en partant de l’Évangile, avec un certain succès. Il faut aujourd’hui changer de rive et choisir des thèmes qui intéressent les gens tout en rendant l’Évangile significatif. Nous les trouvons dans l’actualité et dans les grandes préoccupations contemporaines.

Voici quelques exemples que j’ai utilisés :

  • Les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis ont offert un parallèle saisissant avec Luc 13 et l’effondrement de la tour de Siloé. 
  • Les attentats récents, les guerres, les catastrophes naturelles fournissent comme thème l’une des phrases reprises le plus souvent par Jésus : « N’ayez pas peur ! »
  • La sortie de films, comme Titanic, a permis de parler de l’orgueil de l’homme, de son insouciance, du risque permanent de mourir, du péché qui brise et pénètre notre vie, nous fait couler, du froid qui nous engourdit, etc. 
  • Les commémorations :
    1. – Le cinquantième anniversaire de la mort de Martin Luther King a procuré le thème « Le rêve de Martin Luther King ». 
    2. – Le centenaire de la Première Guerre mondiale a permis d’aborder le thème de la guerre et de la paix.
    3. – Le 500e anniversaire de la Réforme a donné le thème « Luther et la grâce », etc. 
  • La chanson populaire nous offre des tas de sujets de réflexion par les titres et paroles de chansons qui véhiculent les idées et réflexions de notre temps. 
  • Certaines comparaisons entre Jésus-Christ et des personnages contemporains offrent des occasions. Vous serez surpris d’apprendre que plusieurs personnes sont venues à Christ au travers du thème « Michael Jackson ou Jésus ? » développé suite au décès du chanteur. La postmodernité offre d’autres passerelles : • Le refus de la mort et le désir de vivre éternellement. • La primauté des affects, des émotions, du plaisir.• La difficulté de construire des relations et la solitude. 
  • L’aspiration au beau, à l’esthétisme, le « jeunisme ». 
  • La réaction contre l’injustice, s’exprimant dans des ouvrages médiatisés. La sortie du livre Indignez-vous ! (Stéphane Hessel, Montpellier : Indigène, 2011) a inspiré le thème « Jésus, l’Indigné ». 
  • La déshumanisation et la pression dans le monde du travail. 
  • L’amour, la sexualité, l’argent, le bonheur, etc., sont des thèmes profondément bibliques qui restent des préoccupations partagées. 
  • Les crises économiques qui se succèdent sont autant de sup- ports où poser le tablier de notre pont. Il existe bien d’autres thèmes pour évoquer les « dieux inconnus » que nous devons établir comme fondation de notre passerelle. Comme l’apôtre Paul, sachons saisir les préoccupations de nos contemporains.

LA FORMULATION DES THÈMES 

Une des façons de construire à partir des gens est la formulation de nos sujets de proclamation. Paul est extrêmement respectueux des convictions religieuses des Athéniens. Il ne les partage pas mais il ne les heurte pas de front. Au contraire, il s’en sert comme point de départ. Pour être écouté, évitons d’emblée des affirmations comme « Jésus-Christ, seule vérité pour le monde », ou « seul espoir ». Pourquoi ne pas formuler les thèmes d’évangélisation sous forme de questions ? Des questions que les gens se posent dans leur quotidien ou par rapport à la foi ou au christianisme : dans quel camp est Dieu ? Où est Dieu ? Quel Dieu pour le troisième millénaire ? Dieu… pourquoi je souffre ? La crise est-elle économique ou spirituelle ? Peut-on croire à la résurrection du Christ ? Dieu s’intéresse-t-il à moi ? Plus jamais seul ? Quel espoir pour… ? Etc. Nous devons porter l’Évangile sur le terrain de leurs interrogations. 

LE CONTENU DU MESSAGE

Une fois ses interlocuteurs accrochés par le mystère, l’apôtre Paul va rendre l’Évangile significatif. Alister Mac Grath écrit de Jésus ce qu’on pourrait dire de Paul : « Jésus leur expliquait des idées nouvelles d’une manière qui minimisait leur étrangeté » (Jeter des ponts, Québec : La Clairière, p. 42).

Notre travail consiste à supprimer les barrières de l’ignorance intellectuelle, culturelle, spirituelle pour amener les gens face aux implications de l’Évangile. Avec l’aide du Saint-Esprit, nous devons les conduire jusqu’au point où, en pleine connaissance de cause, ils pourront décider d’accepter ou de refuser Jésus-Christ en ayant bien compris les implications de leur choix. Nous devons les mener devant la dernière barrière, la barrière de la décision, où le choix d’accepter ou de refuser Jésus-Christ se pose après avoir qu’ils aient renversé toutes les autres. Pour cela, nous devons être le plus clairs possible et maintenir l’attention le plus longtemps possible.

Paul va coopérer admirablement avec le Saint-Esprit dans son exposé. Il utilise la connaissance élémentaire de Dieu présente dans toutes les religions. Il ne parle pas tout de suite du Dieu Sauveur, mais plutôt du Dieu créateur et tout-puissant (v. 24-26). Il poursuit par le questionnement fondamental de tous les humains qui cherchent Dieu (v. 27). Il insiste sur la proximité de Dieu. Il illustre son propos par une référence culturelle connue de son public (v. 28) en citant un poète. C’est bien après qu’il renverse la vapeur (v. 29) et prend les raisonnements courants à contre-pied en exposant l’Évangile. Avec douceur et respect.

S’adapter à la culture, ce n’est pas tout le problème. Pour certains chrétiens et proclamateurs, il faut se désadapter, se désimprégner, se désintoxiquer de la culture ambiante, pour communiquer quelque chose de réellement différent. L’Évangile n’est pas de l’humanisme évangélique ! Nous devons être intransigeants sur les doctrines bibliques fondamentales : la création, la chute, le péché, le jugement, le salut, l’Incarnation, la divinité de Jésus, la croix, la résurrection, etc. Sinon, l’Évangile perd de sa force… et notre communication aussi. Nous ne cherchons pas à modifier l’opinion des gens au sujet de l’Évangile. Nous cherchons à les convaincre, comme l’apôtre Paul (2 Corinthiens 5 : 11).

LE RÔLE DES ÉMOTIONS

Quel est le rôle des émotions ? L’apôtre Paul fait passer beaucoup d’émotions dans sa proclamation. C’est aussi le cas pour Pierre, qui interpelle émotionnellement ses auditeurs sur leur responsabilité dans la mort de Jésus-Christ (Actes 2 : 23 ; 3 : 15 ; 4 : 10). Il ne les accuse pas : il énonce un fait.

Une partie de l’Église des émotions. Dans l’univers glacé de la Modernité, elles n’ont pas leur place. Nous nous méfions de leur superficialité. Elles nous font peur par les débordements constatés chez certains prédicateurs. Pourtant, elles ont leur importance. À la fois dans l’Évangile et la postmodernité où elles font un retour en force.

Cessons de nous méfier des émotions, car le message de l’Évangile nous élève à un degré émotionnel sans équivalent. Il m’arrive encore de pleurer quand je prépare un message et prends de nouveau conscience de l’amour et des souffrances du Christ pour moi, pour nous. Et quand je proclame, si je ne suis pas saisi par l’intensité de la croix de Jésus-Christ, il vaut mieux que je reste à la maison.

L’ALTERNATIVE

Paul va saisir ses auditeurs au cœur. Sans artifice de langage, sans prendre de gants, dans un langage direct et décapant. En véritable évangéliste, Paul met ses auditeurs face au véritable enjeu de l’Évangile : la vie ou la mort !

C’est une constante du Nouveau Testament et de la proclamation évangélique : les deux options laissés à l’homme : la vie ou la mort, le chemin large ou le chemin étroit, la vie selon la chair ou selon l’Esprit, le péché ou la grâce, servir un seul ou deux maîtres, etc. Le postmodernisme offre une multitude de chemins possibles, menant tous au même endroit, mais l’Évangile pointe vers Jésus le seul chemin qui conduit à Dieu (Jean 14 : 6).

TOUT L’ÉVANGILE

Pour rester fidèle aux principes d’intégralité et de complémentarité, la proclamation doit comprendre tout l’Évangile. L’apôtre Paul n’a rien caché (Actes 20 : 20, 27). Il a annoncé « tout ce qui vous était utile » (Actes 20 : 20), « tout le dessein de Dieu » (Actes 20 : 27). L’Évangile est la Bonne Nouvelle parce qu’il y en a une mauvaise ! Les deux aspects doivent être présents dans notre explication (proclamation ou conversation) de l’Évangile. Les gens ne peuvent pas saisir en quoi l’Évangile est la Bonne Nouvelle si nous ne parlons pas du péché et du jugement de Dieu qui attend le pécheur qui refuse son pardon et sa grâce. Si Jésus-Christ nous a sauvés, il faut savoir de quoi !

Ces éléments de langage figuraient systématiquement dans les proclamations de Jean-Baptiste, de Jésus, de Pierre et de Paul. Jean- Baptiste et Jésus ont commencé à proclamer exactement le même message (Matthieu 3 : 2 et 4 : 17) : « Repentez-vous, car le royaume des cieux est proche ! ». Les apôtres Pierre (Actes 2 : 38) et Paul (Actes 13 : 38-40) ont repris le même thème. À Athènes, Paul a appelé « les Juifs et les non-Juifs à changer d’attitude en se tournant vers Dieu et à croire en notre Seigneur Jésus-Christ » (Actes 20 : 21, S21).

L’intégralité, l’équilibre et la complémentarité se retrouvent aussi dans le contenu de l’appel qui clôt le message : un appel à la foi et à la repentance.

Si nous insistons uniquement sur la foi et négligeons la nécessité de changer radicalement, nous induisons l’idée que l’Évangile est une forme de pensée alternative, sans influence sur la vie réelle : je suis chrétien comme je suis philatéliste ou membre d’une association ou d’un club de foot. Si nous insistons sur la repentance, au détriment de la foi, nous proclamons le salut par les œuvres et nous en retirons le mérite au Seigneur pour l’attribuer à l’être humain. Le proclamateur doit présenter les deux aspects indispensables à toute conversion authentique à Jésus-Christ.

CHOISIR LES MOTS POUR LE DIRE

Nous ne devons rien changer à l’Évangile. Comme l’écrit l’apôtre Paul, « nous n’altérons pas la parole de Dieu » (2 Corinthiens 4 : 2). Quelqu’un a dit : « l’Évangile n’est ni une discussion ni un débat, c’est une annonce! » (cité par Warren Wiersbe, Soyez appliqués, Marpent : BLF, 2011). L’évangéliste n’est pas un conciliateur, mais un communicateur. Il ne cherche pas à être accepté, mais compris. Il doit employer un langage adapté, un vocabulaire compréhensible, mais sans édulcorer son discours dans le but d’être populaire.

Nous déconseillons de modifier certains mots bibliques, car ils n’ont pas de synonymes de même force. C’est le cas du mot « péché ». Remplacer le mot « péché » par « mal », ne rend pas convenablement la signification du péché. Aujourd’hui, les gens ont une notion personnelle du mal. Or, le péché est « la désobéissance à la loi de Dieu » (1 Jean 3 : 4). Les commandements de Dieu étant bien définis, cette désobéissance reste objective et mesurable. S’il fallait remplacer le mot « péché », il faudrait retirer un mot qui apparaît 416 fois dans la Bible (en français, dans la traduction dite « à la Colombe »).

Le travail le plus important de l’évangéliste est de favoriser l’explication de la conviction de péché par le Saint-Esprit. Si nous voulons convaincre que Jésus-Christ est la solution, il faut convaincre que l’homme a un problème. Si nous atténuons le mot « péché », nous atténuerons l’impact de la conviction de péché. Ce que nous devons faire, c’est expliquer le péché. Il est fondamental de comprendre pour- quoi, sur le plan moral, social, éthique et spirituel, nous échouons et nous sommes perdus.

L’apôtre Paul aborde ensuite les thèmes essentiels de la repentance, du jugement juste de tout homme par Jésus-Christ et de la résurrection. S’il parle de la résurrection, nous pouvons supposer qu’il a présenté la croix avant. La croix doit rester au centre de notre explication de l’Évangile, parce que c’est elle qui marque la séparation. Elle impose la rupture entre ceux qui sont sauvés et ceux qui sont perdus. Elle marque un avant et un après dans notre vie.

Si nous voulons rester populaires (la tentation est tellement grande aujourd’hui), il est facile de sélectionner les mots et les sujets. Avez- vous remarqué que les gens ont demandé à Paul de continuer à parler quand ils ne le comprenaient pas ? Mais une fois qu’ils l’ont compris, ils lui ont demandé de se taire.

SOUFFRIR POUR L’ÉVANGILE

Nous n’éviterons pas de souffrir pour l’Évangile. En 2019, un chrétien sur neuf était fortement persécuté dans le monde (Portes Ouvertes, Index mondial de persécution des chrétiens 2019, janvier 2019). C’est un élément commun à toutes les époques : on ne peut pas vivre et communiquer l’Évangile sans souffrir pour l’Évangile (2 Timothée 3 : 12). Nous sommes la lumière du monde et comme Jésus l’explique, les gens n’acceptent pas la lumière que nous projetons sur leur vie (Jean 3 : 19).

Mais il faut distinguer deux types de souffrances :

1. La souffrance de vivre et communiquer l’Évangile.

2. La souffrance de vivre l’Évangile, mais de mal le communiquer.

Le rejet de la prédication de Paul par la plupart des Athéniens est dû à l’intégrité du proclamateur et de son message. À d’autres moments et endroits, Paul a souffert davantage encore mais il était prêt à aller jusqu’à la mort « ne faisant aucun cas de sa vie, comme si elle lui était précieuse, pourvu qu’il accomplisse sa course avec joie et le ministère reçu du Seigneur Jésus, d’annoncer la bonne nouvelle de la grâce de Dieu » (voir Actes 20 : 24). Cette souffrance-là, on ne peut y échapper qu’en cessant de proclamer l’Évangile, et encore.

L’Évangile est toujours radical. Il s’oppose à l’homme pécheur et rebelle. Il s’oppose indirectement aussi au pouvoir politique (Jean 18 : 33 à 19 : 16), au pouvoir économique (Marc 5 : 1-17 ; Actes 19 : 23-27) ou au pouvoir religieux (pharisiens et sadducéens contre Jésus). Néanmoins, Paul est prêt à tout faire « à cause de l’Évangile » (1 Corinthiens 9 : 23). Il encourage Timothée, comme nous-mêmes, à « souffrir avec lui pour l’Évangile » (voir 2 Timothée 1 : 8).

La souffrance est liée à l’Évangile. Pour que cette Bonne Nouvelle arrive jusqu’à nous, Jésus-Christ a payé le prix le plus élevé. Et pour offrir l’Évangile, l’apôtre Paul acceptait d’en payer le prix. L’Évangile est gratuit, mais uniquement pour celui qui le reçoit. Il n’existe pas de « grâce à bon marché » indique Dietrich Bonhoeffer : « La grâce coûte cher, d’abord parce qu’elle a coûté cher à Dieu, parce qu’elle a coûté à Dieu la vie de son Fils » (Le Prix de la Grâce, Neuchâtel : Delachaux et Niestlé, 1971, p. 21). Bonhoeffer a, lui aussi, payé le prix d’une vie engagée pour l’Évangile. Il a été pendu par les nazis le 9 avril 1945, sur ordre spécial de Hitler.

Nous n’éviterons pas de souffrir, afin que l’Évangile soit gratuit, accessible et compréhensible.

L’apôtre Paul souffrait « tout, afin de ne pas créer d’obstacle à l’Évangile de Christ » (1 Corinthiens 9 : 12). Pour communiquer l’Évangile, il faut parfois renoncer au confort, au prestige, à faire carrière. Il faut supporter les critiques. Il faut sacrifier toutes sortes de choses à cette tâche qui requiert le meilleur de nous-mêmes. Il faut mettre notre vie en conformité avec notre message, ce qui implique un grand décrassage intérieur. Il faut servir l’Évangile et non se servir de l’Évangile. Tout cela a un prix, tout cela cause de la souffrance. L’homme de la postmodernité n’est plus prêt à sacrifier son confort ou son intérêt. Il attend de voir si les chrétiens sont vraiment différents.

Les obstacles que nous créons à l’Évangile de Christ peuvent aussi causer une souffrance, mais il ne s’agit pas de la même souffrance. Paul rappelle que les obstacles viennent d’abord de nous-mêmes. Dans ces obstacles, il faut inclure notre communication inadaptée qui peut faire dresser les gens contre nous plutôt que contre l’Évangile : « Il ne faut pas confondre ceux qui s’opposent à notre façon de présenter l’Évangile avec ceux qui s’opposent à l’Évangile lui-même » (Oswald Chambers, Le Sermon sur la montagne, Valence : LLB, 1999, p. 103).

L’ÉVANGILE FAIT DU BIEN AUX CHRÉTIENS

La proclamation de l’Évangile ne touche pas seulement les non-chrétiens. Elle remue aussi les chrétiens. Ils y puisent des encouragements de vie et des éléments pour leur propre communication de l’Évangile. Ils me le disent tout le temps.

Augustin a écrit : « Les premières prédications évangéliques ont bien eu pour cause l’infidélité des hommes mais les fidèles aussi y trouvent chaque jour de nombreuses exhortations et bénédictions » (Confessions, Paris : Garnier, 1964, p. 333). L’Évangile doit aussi être proclamé aux chrétiens pour pallier l’appauvrissement des connaissances élémentaires de l’Évangile qui amène un appauvrissement de l’engagement.

POUR QUEL RÉSULTAT ?

Mieux communiquer l’Évangile ne garantit pas le succès mais cela éliminera les facteurs de rejet liés à une caricature de l’Évangile. Finalement, l’apôtre Paul n’a pas eu le résultat escompté sur l’Aréopage : seuls quelques-uns crurent (v. 34). Notez que pour ces quelques- uns, ce fut une différence fondamentale. C’est ce qui nous paie de tous les efforts et qui nous cause la plus grande joie : « en sauver de toute manière quelques-uns » (1 Corinthiens 9 : 22).

Dieu n’exige pas de nous le succès. Si nous quantifions les succès remportés par Jésus-Christ, selon les critères de performance actuels, sa vie fut un échec cinglant. Mais en réalité, quelle réussite !

L’apôtre Paul nous encourage à être regardés, dans l’Église et dans le monde, « comme des serviteurs de Christ, et des administrateurs des mystères de Dieu » (1 Corinthiens 4 : 1-2). C’est-à-dire des gens qui rendent plus clair le mystère de l’Évangile. Ce qu’on demande des communicateurs de l’Évangile, « c’est que chacun soit trouvé fidèle ».

Marc Van Den Wower