Nous étions 19 personnes à assister à la naissance de la Communauté de Mentors, du 9 au 11 décembre au château de Saint Albain.

On pourrait penser que sa gestation date des Assises du Réseau FEF de janvier 2013, mais, en fait, le mentorat existe depuis bien plus longtemps. Nous connaissons tous les récits bibliques qui nous racontent de quelle manière Josué a accompagné Moïse, et qui a été ainsi formé pour lui succéder. On pense peut-être à la transmission du ministère prophétique d’Élie à Élisée (et le temps que ce dernier a accompagné et servi Élie, avant de lui succéder). Il y a, bien sûr, Jésus et les disciples, Barnabas et Paul, Paul et Timothée. La liste est bien incomplète, mais cela suffit pour souligner que le mentorat n’est ni une invention américaine, ni quelque chose de récent ! Ce n’est pas un «nouveau truc», ni une nouvelle organisation para-ecclésiale. Que le Seigneur nous en préserve !

Pourquoi donc créer une Communauté de Mentors ?

Une réflexion sur l’histoire – biblique et du christianisme – nous révèle qu’en fait, il y a beaucoup plus de leaders qui «finissent mal» que ceux qui «terminent la course en remportant la couronne» ! J. Robert Clinton et Richard W. Clinton ont conduit une réflexion approfondie, une étude comparative des leaders chrétiens, pour essayer de répondre «pourquoi» tant de responsables finissent mal. Et un des éléments qui en est ressorti, c’est qu’une majorité (sinon la totalité) de ceux qui ont «bien fini» a été «accompagné» par d’autres personnes ; certains tout au long de leur vie, d’autres, à des moments opportuns. La plupart des études de la vie de ces personnes ont manifesté qu’elles avaient entre 3 et 10 personnes significatives qui ont fortement influencé leur vie.1 C’est pour répondre à ce besoin que la communauté des mentors s’est créée un cadre qui nous permette d’être redevables les uns aux autres, de manière «sécurisée». Nous espérons créer une sainte émulation, une dynamique d’encouragement mutuel. Notre objectif est d’être un encouragement, un exemple, une influence positive qui permettra non seulement des transformations de vies et une capacitation (voir définition du terme dans le paragraphe : Qu’est ce qu’un mentor ? NDLR), mais appuiera la reproduction des responsables et aidera à la transmission de la foi aux responsables des générations futures.

En ce qui concerne le fonctionnement de la Communauté des Mentors, nous voulons rester «minimalistes» et simple. Puisque le mentorat est surtout question de relations de confiance, nous voulons rester dans le relationnel : entre les membres «signataires» de cette communauté d’abord, puis avec les personnes que le Seigneur nous met à cœur, ou qui cherchent à se joindre à la Communauté.

La Communauté des Mentors ne devrait jamais chercher à se substituer ni au fonctionnement de l’Église locale, ni à l’autorité des responsables des Églises ou des Unions. Le cadre principal du «mentorat» devrait être l’Église locale ou, à défaut, les liens forts entre Églises d’une même Union. Mais nous reconnaissons qu’il est aussi possible que certaines personnes manifestent une influence positive plus ponctuelle, même si elles se trouvent plus éloignées. Comme dit plus haut, le mentorat est surtout une question de relations de confiance entre personnes, pour permettre une meilleure écoute du Seigneur et discerner la manière dont il agit dans nos vies. Cela peut donc aussi «dépasser» le fonctionnement et le relationnel d’une Église locale, par les personnes que le Seigneur met sur notre chemin.

Qu’est-ce qu’un mentor ?

Il existe beaucoup de définitions différentes du «mentor». Mais le mentorat est surtout un processus intentionnel. Tous ceux que nous respectons, auprès de qui nous cherchons conseil, peuvent, d’une certaine manière, être qualifiés de «mentors». Le mentorat, dit le plus simplement, est «une expérience relationnelle par laquelle une personne «rend capable» un autre par un transfert de ressources d’origine divine. Les ressources sont variées. Le mentorat est une dynamique qui permet aux gens de développer leur potentiel2». (Le mot anglais que j’ai traduit «rend capable», c’est l’empowerment, ce qui peut être traduit par le mot «capacitation»). C’est l’influence, l’échange, les expériences et l’évaluation qui permettent au «protégé» d’agir, et de «réussir» en agissant. Il est difficile de caser le mentor, car, idéalement, il serait un responsable, le pasteur de l’Église dont on est membre. Il peut aussi être un professeur, quelqu’un d’autre avec des compétences précises qui nous permettent d’avancer. Mais il (ou elle, bien évidemment) peut être quelqu’un qui n’a rien à voir avec nos sphères d’activité et de ministère habituelles. Le mentorat (du moins, en ce qui concerne les chrétiens) est surtout cette relation entre deux personnes, où l’un marche à côté de l’autre, et où les deux «ouvrent leur vie», recherchent non seulement la volonté du Seigneur, mais comment stimuler l’autre à mieux entendre l’Esprit, progresser dans sa foi, afin de mieux glorifier et servir le Seigneur.

Paul Stanley, des Navigateurs, a beaucoup travaillé ce domaine, et il a réduit ce principe à une déclaration sommaire très claire :

Un ouvrier chrétien a besoin d’un réseau relationnel qui inclut des mentors, des collègues et des futurs responsables, en vue de garantir une perspective saine et équilibrée sur la vie et sur son ministère.3

Il y a deux acteurs dans le mentorat : la personne qui «rend capable», (le mentor), et la personne qui «devient capable», (le protégé), qui participe activement à ces transformations dans sa vie. Le mentor aide à réfléchir, conseille, pose des questions «difficiles», sans nécessairement être directement impliqué dans la formation pratique de son protégé. La plupart du temps, il y a un mélange de rôles entre ces deux personnes – discipulat, coach, professeur et mentor.

Pourquoi le mentorat ?

Nous connaissons tous des leaders qui ont chuté, certains responsables chrétiens dont l’échec était même retentissant, publique. «Une grande partie de ces échecs aurait pu être évitée s’il y avait eu un accompagnement. Ce que nous visons dans le mentorat peut aider à éviter de tels échecs des responsables, car il fournit un contexte où nous sommes redevables envers quelqu’un»4. Si nous voulons bien finir, nous devons développer cette redevabilité dans nos vies.

Historiquement, avant le 19ème siècle, c’est le modèle informel, avec ses apprentis et stagiaires, qui était le modèle principal. Mais, avec la révolution industrielle, il a fallu une éducation plus centralisée pour répondre aux besoins et aux exigences, de manière formelle, du temps pour la réflexion, l’apprentissage par l’expérience, avec un retour régulier de quelqu’un d’expérimenté. Sans remettre en question tout ce que nous apportent les facultés et instituts, l’instruction formelle ne fournit pas tout ce dont nous avons besoin pour «réussir» notre ministère : au-delà de la formation «formelle», il existe des modèles non-formels et informels. Le mentorat appartient au modèle informel (mais tout à fait intentionnel !), prenant le concept du discipulat pour l’élargir à toute la gamme des besoins de formation des responsables. Le mentorat n’est pas «le» modèle pour faire cela, c’est un élément parmi beaucoup d’autres – je préfère le souligner tout de suite pour éviter tout malentendu.

Le mentorat (que ce soit entre le mentor et son «protégé», ou un mentorat plus horizontal entre égaux) fournit un contexte, favorable à la transmission de ressources. Il s’accompagne de redevabilité et permet la capacitation, que ce soit pour se former, ou, encore plus, lorsque nous sommes en train de servir le Seigneur.

«Et ce que tu as entendu de moi en présence de beaucoup de témoins, confie-le à des hommes fidèles, qui soient capables de l’enseigner aussi à d’autres» (2 Tim 2.2).

En dépit de nos habitudes, ce verset ne parle pas seulement du discipulat, mais de la formation des responsables. Timothée était appelé à reproduire ce qu’il avait appris de Paul, ce qu’il avait intégré dans sa propre vie, pour le transmettre à d’autres hommes fidèles, afin qu’eux aussi continuent à le transmettre ! Il ne s’agit pas uniquement d’un enseignement de doctrines ou de connaissances, mais d’une façon d’être, et des capacités pratiques pour le ministère ! Si nous réussissons plus ou moins bien à «faire des disciples» en transmettant ce que nous avons appris, combien d’entre nous avons régulièrement réussi à «faire des disciples qui font des disciples». De plus, en 2 Timothée 2.2., Paul ne parle pas du processus du discipulat, mais de la reproduction de leaders qui savent, eux aussi, transmettre à d’autres, non seulement ce qu’ils avaient appris, mais aussi comment continuer à le transmettre. L’Église d’aujourd’hui connaîtrait-elle la pénurie de serviteurs si nous avions réellement respecté une telle transmission ?

Lorsque nous dépassons le stade de «faire des disciples», nous établissons un rapport de guide spirituel, de mentor ou de coach avec une personne. Un tel rapport vise à développer sa «croissance intérieure» et à encourager sa capacité à «se reproduire» en d’autres.

Le ministère du mentorat n’est pas facultatif. Nous en avons tous besoin – les responsables autant que les autres chrétiens. En fait, le responsable a encore plus besoin de mentors que le «chrétien moyen», car sans ce rôle d’encouragement et de partage, il se met en danger, ou risque, au mieux, de voir son ministère stagner ou arriver à un plateau sans continuer de progresser.

Nous espérons, par la création de cette Communauté, pouvoir nous encourager mutuellement, apprendre les uns des autres, avancer ensemble, pour mieux servir et glorifier le Seigneur, en contribuant de cette manière à l’affermissement de son Église, en fortifiant nos liens entre responsables. Nous avons à cœur d’être au service de l’Église, et non pas de fonctionner «à côté» de l’Église du Seigneur, dans ses manifestations locales, dans nos différentes unions, au sein du Réseau FEF.

Voici, en résumé, les 8 valeurs de la Communauté de Mentors5 :

8 valeurs de la communauté de mentors

1. Le mentorat est christocentrique
• Christ est au centre de la relation entre le Mentor et le protégé.
• «Le but ultime de notre mentorat est qu’ensemble, nous devenions plus comme lui, transfigurés à son image».
• Christ est notre modèle, nous ne désirons pas nous reproduire en l’autre mais voir Christ grandir en lui.
• Conduire pour Jésus, à Jésus et comme Jésus.

2. Le mentorat est fondé sur l’écoute : de l’Esprit, de la Parole et de l’autre
• «Le mentorat n’est pas essentiellement un programme, une technique, ou un métier. C’est un art, l’art d’écouter d’autres, avec d’autres, dans la présence d’un autre».

3. Le mentorat concerne la vie dans son entièreté
• Le ministère ne peut être dissocié de l’être, de la piété, de la vie. Il découle de notre relation avec Christ.

4. Le mentorat pour accompagner des leaders à la recherche du Royaume
• Nous voulons que ceux que nous accompagnons ne fondent pas leur identité sur leur ministère mais dans leur identité en Christ.

5. Le mentorat encourage les leaders à servir Dieu dans le monde
• La Communauté de Mentors lancée pas L. Ford a comme confession de foi la Déclaration de Lausanne. L’Église toute entière, annonçant l’évangile tout entier au monde entier.

6. Une communauté : une unité de valeurs
• Évangélique :

– Centrée sur l’Évangile de Christ
– Ancrée dans la grâce rédemptrice,
– Guidée par La Parole de Dieu,
– Équipée par le Saint-Esprit.

• Contemplative :

– Prendre le temps d’écouter la Parole de Dieu
– Écouter ce que Dieu fait dans la vie des leaders.
– Ne pas être captifs de l’activisme frénétique

• Missionnel :

– Car Dieu est un Dieu missionnaire
– Et donc alors que nous demeurons en lui, nous sommes envoyés dans le monde de la même manière qu’il a été envoyé.

7. Une communauté : une diversité de styles
• Chacun son style
• Diversité du Réseau FEF
• Diversité d’âges etc.

8. Un lieu sécurisé pour des personnes en besoin de sécurité
• Cadre sécurisé où l’on peut partager nos fardeaux et s’épauler.
• Vivre une redevabilité dans la transparence.

Notre ligne de conduite

Nous sommes appelés à servir en tant que communauté d’amis en chemin : des disciples, compagnons et apprentis, en route ensemble sur les pas de Christ.

Nous sommes :
disciples de Christ, qui est notre leader, et qui est le chemin vers la maison du Père,
compagnons de ceux qui cherchent à conduire les autres à l’exemple de Christ, et à sa rencontre,
apprenants au service les uns des autres dans le but d’améliorer la qualité de notre mentorat spirituel.

Quelques valeurs et pratiques importantes de notre communauté :
• Devenir des transformateurs transformés, par le Seigneur et son Esprit,
• S’engager dans des relations à long terme,
• Saisir l’importance qu’apportent les petits gestes,
• Permettre que vivent des « cercles de confiance », des endroits sûrs, des espaces pour rencontrer Dieu,
• Pratiquer la discipline d’écoute sainte et attentive, dans le calme et le silence,
• Chercher à écouter et se conformer à la Parole de Dieu,
• Vivre la totalité de l’Évangile,
• Conduire comme Jésus, et vers Jésus,
• Être des bâtisseurs de royaume, et non d’empires,
• Offrir l’hospitalité de cœur, et l’ouverture de sa maison sans frais.

Henry Oppewall


NOTES

 

1 Je ne me considère nullement un «expert» sur le mentorat. Mais j’ai eu un nombre important de personnes qui ont eu une influence dans ma vie, qui ont largement contribué à ce que je suis devenu. Et j’ai une dette immense aux différents travaux des Clinton, ainsi qu’à ceux de Paul Stanley, où je ne sers, dans ce texte, qu’une «courroie de transmission».

2 Clinton, J. Robert et Richard W., The Mentor Handbook, © J. Robert Clinton, Richard W. Clinton, 1991, p.1-1. (Disponible, en anglais, par Barnabas Publishers, 2175 N. Holliston Ave. Altadena CA 91001 ; USA).

3 Paul Stanley, in The Mentor Handbook préface p.3.

4 Clinton, p.1-1.

5 Ce qui suit n’est qu’un résumé. Pour voir la totalité des éléments des 8 valeurs, vous pouvez le demander en contactant Éric Waechter, du Réseau FEF : e.waechter@reseafer.com