Dans son article premier – Le vrai Dieu – la confession de foi du Réseau FEF affirme, entre autres, que Dieu est juste et amour. La justice et l’amour font partie des attributs moraux de Dieu. Nous faisons également l’expérience de l’amour et de la justice au plan humain : nous avons tous un certain sens de la justice, ainsi que la capacité d’aimer. Est-il toujours possible de maintenir ensemble justice et amour ?

LA JUSTICE DE DIEU

L’amour et la justice ne sont pas des éléments qui existent de façon indépendante ou autonome. Ce sont des attributs d’un Dieu personnel. Nous nous intéresserons plus particulièrement à la justice de Dieu et aux questions que cela pose en lien avec son amour.

L’Écriture affirme que Dieu est juste (Ps. 119 : 137, Jér. 12 : 1, Jean 17 : 25). Il est le Dieu « juste et droit » (Deut. 32 : 4). Cela implique plusieurs choses. D’abord qu’il légifère, qu’il est la source du droit. Dieu dit solennellement de lui-même : « Moi, l’Éternel, je dis ce qui est juste, Je proclame ce qui est droit. » (Ésaïe 45 : 19). Non seulement il dit le droit, mais encore il est affirmé que « tout ce qu’il fait est juste » (Deut. 32 : 4), que celui « qui juge la terre entière » agit « selon le droit » (Gen. 18 : 25).

À la négative, l’Écriture affirme que Dieu ne dit rien, ni ne fait rien d’injuste (Deut. 32 : 4). C’est ce qui lui donne la légitimité de juger. Il « siège sur son trône en juste Juge » (Ps. 9 : 4, 7.11, Jér. 11 : 20, 2 Tim 4 : 8). Il est le Dieu juge (Héb. 12 : 23). C’est quelque chose de réjouissant pour les humains qui louent Dieu à propos de sa justice (Ps. 7 : 17, etc.).

On peut remarquer la proximité de la notion de justice et de celle du droit, termes souvent associés. C’est Dieu qui est le garant ultime de ce que les droits de chacun soient respectés, même sur une terre pervertie par le péché. Parfois de façon providentielle comme le constatent les Proverbes (Prov. 11 : 31, 26.27), parfois par la justice humaine. Nous ne sommes pas les premiers à constater que sur cette terre la justice est partielle – et nous y reviendrons – mais elle existe.

L’exercice de la justice ne consiste pas seulement à réprimer le coupable, mais aussi à délivrer ceux qui sont injustement opprimés. Dans ce sens, Dieu est particulièrement attentif à son peuple. Il lui promet de le délivrer de ses oppresseurs et de lui rendre justice (Ésaïe 46 : 13, 2 Thés 1 : 5-10, Apoc. 15 : 3, 16.5). En fait, cet aspect de la justice est aussi une manifestation de son amour.

JUSTICE ET AMOUR ?

Dieu n’est pas une collection d’attributs ajoutés les uns aux autres, mais une unité1. Selon les circonstances, tel ou tel attribut s’exprime ou est affirmé, mais pas au détriment des autres. De même, on ne peut pas dire qu’un attribut l’emporte sur les autres, ou soit plus important que les autres. Ni qu’il y aurait un conflit intérieur à Dieu, entre une partie de lui qui serait justice et une autre qui serait amour. Les attributs de Dieu ne lui sont pas extérieurs. Dieu est entièrement juste, entièrement amour, etc. Chaque attribut exprime ce qu’il est. Non seulement cela. Chaque attribut de Dieu qualifie et détermine les autres : l’amour de Dieu est juste, sa justice est aimante.

Lorsque Dieu se révèle à Moïse, il se présente comme « L’Éternel, l’Éternel, Dieu compatissant et qui fait grâce, lent à la colère, riche en bienveillance et en fidélité, qui conserve sa bienveillance jusqu’à mille générations, qui pardonne la faute, le crime et le péché, mais qui ne tient pas (le coupable) pour innocent, et qui punit la faute des pères sur les fils et sur les petits-fils jusqu’à la troisième et à la quatrième génération ! » (Exode 34 : 6-7). Belle affirmation, conjointement, de la bonté et de la justice de Dieu. L’amour, tout autant que la justice, font partie de son être, de son « caractère ». Il en est la source et détermine leur nature2.

Justice et amour de Dieu ne s’opposent pas entre eux, ni en Dieu. Et cela pour une autre raison encore. Parce que Dieu s’aime lui-même, il doit s’opposer à ce qui est une offense à sa personne. C’est le cas du péché. Il est anomia, transgression de sa loi (1 Jean 3 : 4), c’est la non-conformité à sa volonté. Cela déshonore Dieu. Le rétablissement de la justice, la sanction du mal, l’honorent au contraire et doivent amener à le respecter. Dieu est « élevé par le jugement, sanctifié par la justice » (Ésaïe 5 : 16).

UN DIEU PARFOIS JUSTE, PARFOIS BON ?

Il n’est pas juste de penser que Dieu soit juste à certains moments, et qu’à d’autres il agisse selon son amour. Il n’agit jamais en lésant de quelque manière que ce soit l’un de ses attributs. Cela impliquerait un désaccord avec lui-même. Certains actes mettent en relief plutôt l’un que l’autre, mais ce que Dieu fait est toujours en accord avec ce qu’il est, avec chacun de ses attributs.

Dans l’Ancien et le Nouveau Testament ?

On pourrait être tenté de rapporter sa justice à son action dans l’Ancien Testament, et son amour à son action dans le Nouveau. Il est vrai que l’Ancien Testament nous rapporte nombre de jugements de Dieu sur des peuples, y compris le sien d’ailleurs. Cela se manifeste par des guerres, des maladies, des famines, ce qui peut heurter notre sensibilité. Le Nouveau Testament, par contre, nous parle de pardon, de grâce et même de tendre la joue à notre ennemi (Matt. 5 : 39) !

C’est vrai… mais réducteur ! Sa compassion et son amour sont déjà affirmés dans l’Ancien Testament. Rappelons-nous la déclaration du caractère de Dieu au Sinaï (Exode 34 : 6-7), un Dieu compatissant qui fait grâce, bienveillant et fidèle. Nous retrouvons ces affirmations tout au long de l’Ancien Testament (Nomb. 14 : 18, Deut. 7 : 9, Ruth 2 : 20, 2 Sam 7.15, 1 Ch. 17 : 13, Néh. 9 : 7, Ps. 18 : 50, 36.5 etc.). « Car il est bon, car sa bienveillance dure à toujours » est un répons liturgique bien connu (1 Chr. 16 : 41, 2 Ch. 5 : 13, 6.14, 7 : 3, 6, 20.21, Esd. 3 : 11). C’est un thème qui imprègne les Psaumes. Il est difficile d’en trouver un qui ne mentionne pas la bienveillance de Dieu. Parfois d’ailleurs, dans un même souffle avec sa justice (Ps. 33 : 5, 36.10, 40 : 10, 85.10, 103 : 17, 145.17) !

Les expressions traduites par « bienveillant » et « fidèle » ont leur équivalent dans le Nouveau Testament. Nous les retrouvons dans l’affirmation de Jean à propos de Jésus, la Parole, « pleine de grâce et de vérité » (Jean 1 : 14). Il s’agit bien du même Dieu !

Le Nouveau Testament n’est pas exempt de jugements, bien au contraire. Pensons aux discours de Jésus sur les temps de la fin (Matthieu 25 : 31s), rappelons-nous le châtiment radical et immédiat d’Ananias et Saphira (Actes 5 : 1-11), ou encore des avertissements de Paul (Romains 1 : 18, 2511, 2 Thess 1 : 5-10) ou de l’auteur aux Hébreux (Héb. 10 : 26-31). Ceci sans parler du jugement à venir, le jugement dernier (Apoc. 20 : 11-15).

Nous ferions bien de nous rappeler que, même s’il y a des jugements de Dieu dans l’Ancien Testament, cela reste « le temps de sa patience ». Dans le contexte de la justification par la foi, Paul affirme que : « C’est lui [Jésus] que Dieu a destiné comme moyen d’expiation pour ceux qui auraient la foi en son sang, afin de montrer sa justice. Parce qu’il avait laissé impunis les péchés commis auparavant au temps de sa patience, il a voulu montrer sa justice dans le temps présent, de manière à être juste, tout en justifiant celui qui a la foi en Jésus. » (Rom. 3 : 25-26). S’il y avait un « manque » de justice que Dieu a supporté, ce serait plutôt dans l’Ancien Testament que dans le Nouveau Testament !

Un Père qui juge, un Fils qui aime ?

Une variante de la thèse précédente est d’attribuer le jugement au Père, un Père sévère qui châtie, et l’amour au Fils qui pardonne. Mais il n’en est rien ! Il est vrai que Jésus est venu pour sauver (Jean 3 : 17, Luc 9 : 56), mais nous aurions tort d’imaginer un Jésus gentillet, tolérant, sans réaction devant le mal, style peace and love. Pensons au nombre de fois où il a réagi devant l’hypocrisie des pharisiens en fustigeant : « malheur à vous… ! » (Mt 23). Pensons à son enseignement sur le jugement à venir et l’enfer (Luc 9 : 25-27, 11.19, 2932, 47-52, 12 : 5, 8-10, 45-48, 5759). C’est bien lui qui avertit que, ne pas se repentir, c’est s’exposer à un châtiment terrible (Luc 3 : 1-9), de même que persister dans l’incrédulité c’est être déjà jugé (Jean 3 : 18-19). C’est encore lui qui parle de la « géhenne de feu » (Matt. 5 : 22) et de « fournaise de feu où il y aura des pleurs et de grincements de dents » (Matt. 13 : 42, 24.51, 25 : 30). Il en sera de même dans l’avenir, c’est bien lui qui juge : « Le Père a remis tout jugement au Fils » (Jean 5 : 22, 27, Actes 17 : 31). La colère dont il est question dans l’Apocalypse et aussi celle de l’Agneau (Apoc. 6 : 16-17, 14.10, 19 : 15) !

De la même manière, il est faux de nier l’amour du Père. Nombre de fois nous voyons Dieu déclarer son amour à son peuple (Deut. 7 : 8, 1 Rois 10 : 9, 2 Ch 2 : 11, 9.8, Osée 3 : 1, Mal. 2 : 11). Il veut le bénir, le combler de ses biens (Deut. 28 : 1-14). Et c’est bien le Père « qui a tant aimé le monde qu’il a envoyé son Fils… » (Jean 3 : 16) ! C’est encore lui qui nous donne l’amour (1 Jean 3 : 1), et c’est bien du Père que Jean parle lorsqu’il dit que « Dieu est amour » (1 Jean 4 : 7-10). En fait, dans le Nouveau Testament, l’amour du Père est mentionné bien plus souvent que celui des autres personnes de La Trinité.

AIMER LA JUSTICE ?

Nos sociétés modernes sont plus portées sur les valeurs « chaudes » comme l’amour que sur les valeurs « froides » telles que la justice. Pourtant, même dans notre vécu, les deux ne s’opposent pas. Ce n’est pas seulement ce qui est aimable, mais aussi ce qui est juste qui doit occuper nos pensées (Phil. 3 : 8). Dieu aime la justice (Ps. 11 : 7, 33.5, 37 : 28, Ésaïe 61 : 8). Comme le psalmiste, nous pouvons nous aussi aimer sa loi (Ps. 19 : 9, 119.97, 113, 163, Amos 5 : 15), tout comme cela était attendu du roi (Ps. 45 : 7, 99.4, Héb. 1 : 9). Jésus a démontré dans sa vie par son obéissance, par sa vie juste sans péché, combien il aime le Père. Il fait toujours ce qui lui est agréable (Jean 8 : 29). Il en est de même pour nous. Nous sommes ses amis, c’est vrai, mais la condition est de faire ce qu’il commande (Jean 15 : 14). « En effet, l’amour envers Dieu consiste à respecter ses commandements » (1 Jean 5 : 3). L’expression normale de notre amour pour Dieu est une vie juste à ses yeux.

SUR TERRE

S’il y a une justice sur terre, même imparfaite, c’est parce qu’il y a un Dieu juste au ciel. Nous avons déjà évoqué qu’il est la source du droit, le législateur (Ésaïe 33 : 22, Jacques 4 : 12). Ceci sans qu’aucune référence extérieure s’impose à lui.

C’est aussi en se référant à lui, juste juge, que la justice devait être rendue en Israël. « Vous ne craindrez aucun homme, car c’est à Dieu qu’appartient le jugement » est la recommandation adressée aux hommes sages qui doivent rendre la justice (Deut. 1 : 16-17).

La sentence des juges est prononcée « pour l’Éternel (qui sera) près de vous » (2 Chr. 19 : 6).

Le problème concret qui se pose à notre société sécularisée est celui du fondement du droit. Sur quels absolus le droit peut-il s’appuyer si l’on refuse la référence à Dieu ? Quelle est la norme, la référence ultime ? Ceci en admettant qu’on veuille bien accepter l’idée d’un absolu, ce qui est de moins en moins le cas dans l’évolution actuelle de la société.

Mais alors en vertu de quoi protéger les droits de ceux qui n’ont pas les moyens de se défendre ? De ceux qui ne sont pas encore nés ? De ceux qui sont en fin de vie ? Peut-être demain des enfants abusés victimes de pédophilie ? Aujourd’hui la loi les défend encore, heureusement. Mais demain, au nom de quoi les défendre si la société évolue dans le sens d’une liberté de jouir plus grande encore ?

Le droit naturel, le civisme, les valeurs républicaines, démocratiques sont utiles… mais bien insuffisantes. La question fondamentale est de savoir quel est le fondement de la justice en dehors de Dieu.

Ce refus d’absolu, de référence à Dieu n’est pas pour le bien des humains, particulièrement pour ceux qui sont en situation de faiblesse. Par les dispositions qu’il donne à Israël, on peut remarquer que Dieu est particulièrement sensible à la protection de ceux qui sont socialement les plus fragilisés, les pauvres, les veuves, les orphelins et les immigrés (Deut. 10 : 18). C’est une expression de son amour… qui risque de nous manquer, par défaut de justice !

COLÈRE ET AMOUR3

La réaction juste à un défaut de justice, c’est la colère. Dieu est en colère contre l’injustice (Deut. 4 : 25, Rom. 2 : 8), une juste et sainte colère. Même contre des personnes ?

On dit parfois que Dieu hait le péché mais aime le pécheur. Il y a une part de vrai en ce qu’effectivement Dieu nous a aimés alors que nous étions encore pécheurs (Rom. 5 : 7-8). Néanmoins, l’affirmation va trop loin et sort du cadre biblique. On ne peut pas simplement disjoindre l’acte, le péché, de la personne qui le porte, le pécheur. Le péché n’a aucune existence autonome. La colère de Dieu n’est pas seulement dirigée « contre l’impiété et l’injustice des hommes » (Rom. 1 : 18), elle l’est aussi contre les personnes « vouées à la colère » (Éph. 2 : 3). Et ce n’est pas une exception. Dieu « déteste tous les malfaisants ». Il « fait disparaître ceux qui profèrent le mensonge, le Seigneur a en abomination l’homme sanguinaire et trompeur » (Ps. 5 : 6-7).

Le prophète qui encourage la rébellion, ou ceux qui se rebellent contre Dieu, seront punis de mort pour le mal soit extirpé d’Israël (Deut. 13 : 5, 17.12). Dieu fait retomber le mal qu’ils ont commis sur « la tête » des personnes (Juges 9 : 56-57). Le Dieu qui nous demande d’avoir « le mal en horreur » (Rom. 12 : 9), a aussi institué des autorités pour « montrer sa vengeance et sa colère » aux personnes qui le commettent (Rom. 13 : 4). Le jugement de Dieu et sa réprobation, touchent bel et bien des personnes. Après le jugement dernier, ce n’est pas le péché qui sera dans l’étang de feu, mais des pécheurs impénitents, malheureusement. (Apoc. 20 : 11-15).

JUSTICE RÉTRIBUTIVE ET GRÂCE

Rétribution

« À moi la vengeance4 et la rétribution » dit Dieu (Deut. 32 : 35, Apoc. 22 : 12). À cause de sa justice, Dieu traite les gens selon ce qu’ils méritent. Ceux qui sont répréhensibles, pécheurs, sont punis ; ceux qui font la volonté de Dieu, sont récompensés (Ps. 62 : 13, Matt. 16 : 27, Rom. 2 : 5-6). Lorsque Dieu se prononce, c’est non seulement en conformité avec sa loi, mais également en conformité avec les faits. Il est d’ailleurs le seul à les connaître vraiment. De plus, devant lui, pas de considération de personnes (Rom. 2 : 11). Si Dieu ne punit pas le péché, il n’est pas juste (Rom. 3 : 25-26).

Le principe du châtiment juste est la correspondance et la proportionnalité avec le mal commis. C’est le principe de la loi du talion : « vie pour vie, œil pour œil, dent pour dent » (Deut. 19 : 21). Dieu lui-même applique ce principe aux nations qui se voient infliger le même traitement qu’elles ont infligé à d’autres (Joël 4 : 3-8).

Le fait que Dieu châtie le coupable établit un principe de responsabilité. Nous sommes responsables de nos actes, nous devons répondre d’eux, et réparer si nous avons mal fait. Cela fait partie de notre dignité humaine. Cette dignité que Dieu nous reconnaît en châtiant le coupable est une marque de son amour. D’ailleurs, dans son amour paternel, « le Seigneur corrige celui qu’il aime » (Prov. 3 : 1112, Héb. 12 : 6) ! Ne pas être puni, revient à être un enfant illégitime !

Grâce

Pouvons-nous vraiment réparer les torts que nous avons commis ? Lorsque nous considérons la prière de Salomon lors de l’inauguration du temple (2 Chr. 6), nous voyons non seulement l’affirmation du juste jugement de Dieu (v. 23), mais aussi la demande de pardon et de restauration, suite à la repentance (v. 24-39). La reconnaissance de la faute est nécessaire à la manifestation de la justice (1 Jean 1 : 9).

Suffit-elle pour autant ? Le temple vers lequel on se tourne pour le pardon est d’abord le lieu du sacrifice. Le péché doit être expié. Quelqu’un doit payer pour couvrir la faute et ôter la culpabilité. Dans le contexte de l’Ancien Testament, c’est sur un animal qu’on transfère symboliquement la culpabilité (Lévitique 16 : 21). Et c’est son sang versé qui représente la vie donnée pour le prix du péché (Lévitique 17 : 11). Dans la nouvelle alliance, c’est le sacrifice de Christ qui accomplit ce qui est représenté dans l’ancienne alliance. Ainsi Dieu est juste en justifiant (Rom. 3 : 25-26). Il ne triche pas avec sa propre justice, il en respecte les données, mais paye lui-même le prix du sacrifice en la personne de son Fils. C’est l’énorme différence avec la grâce présidentielle qui efface la faute de certains contrevenants à la loi, mais sans que personne paye ! On renonce simplement à satisfaire la justice.

Pourquoi Dieu fait-il cela ? Par amour pour ses créatures. Dans ce sens, son amour va au-delà de la simple justice ! Rien n’obligeait Dieu à sauver des humains récalcitrants, en révolte contre lui.

Notons que Dieu ne châtie pas seulement le coupable, il récompense ceux qui se conforment à sa volonté (Héb. 11 : 65). Mais on ne peut pas dire pour autant que la bénédiction soit méritée. Faire ce que Dieu veut est la normalité pour l’être humain (Luc 17 : 9). Aucun mérite particulier ne s’attache à notre obéissance à Dieu. Si Dieu bénit l’obéissance, c’est parce qu’il le veut bien, par amour.

DIEU TOUJOURS JUSTE ET AIMANT ?

Dans bien des situations où nous constatons le mal subi par des humains – catastrophes naturelles et autres – nous nous posons la question de la justice et de l’amour de Dieu. La même question se pose d’ailleurs pour le mal commis par les humains, en situation de guerre par exemple, ou en cas de crime. Comment le Dieu juste et aimant peut-il permettre cela ? Ou alors, la puissance de Dieu serait-elle limitée, Dieu serait-il dépassé par le déferlement du mal sur cette pauvre terre ? Il n’est pas possible de répondre exhaustivement à ces questions dans le cadre de cet article. Nous nous contenterons de quelques remarques en lien avec notre sujet.

Job

Ces questions ne sont pas nouvelles. Job ignore tout des événements relatés dans le prologue du livre. Frappé de malheurs, il « intente un procès au Tout-Puissant » (Job 40 : 2). Dieu l’interroge, « Veux-tu réellement annuler mon jugement ? Me condamneras-tu pour te justifier ? » (Job 40 : 8), mais il ne lui donne pas d’explications. Il attire plutôt son attention sur sa puissance et sa majesté manifestées dans ses œuvres. Dieu donne en exemple deux créatures extraordinaires (chapitres 40 et 41). Job réalise la grandeur de Dieu et « met sa main sur sa bouche ». Dieu est suffisamment puissant pour garder le contrôle, y compris sur ce qui nous paraît injuste. Vraiment, « toutes ses voies sont équitables » (Deut. 32 : 4). Si Dieu n’était pas tout-puissant, le risque serait que sa justice ne s’applique pas. Pas par défaut de vouloir, mais de pouvoir. Sa toute-puissance peut nous rassurer.

Asaph

Le même type de question se pose à Asaph, mais dans un sens différent. Non pas pourquoi Dieu permet-il le mal qui nous atteint, mais pourquoi les méchants prospèrent-ils, et pourquoi « ne sont-ils pas frappés comme le reste des hommes » (Ps. 73 : 5). D’où leur orgueil et leur vantardise. Dieu serait-il aveugle ? Sa justice ferait-elle défaut ? Non, mais il faut patienter en attendant le « sort final des méchants » (Ps. 73 : 17). La justice de Dieu va bien les atteindre un jour… En attendant, il fait preuve de bonté pour permettre à chacun de se repentir (Rom. 2 : 4). La justice de Dieu ne s’applique pas aux humains de façon mécanique et automatique… mais elle s’appliquera au dernier jour, dans toute sa sainteté. En attendant, il nous faut faire preuve de foi et de confiance en ce Dieu juste.

Habaquq

C’est aussi l’expérience du prophète Habaquq. Il demande à Dieu pourquoi il regarde sans réagir les injustices commises au sein de son peuple, un peuple chez qui « la loi est sans vie, le droit sans force » (Hab. 1 : 2-46). Dieu lui répond que Juda va être châtié par les Babyloniens, peuple impitoyable et orgueilleux (Hab. 1 : 5-11). Voilà qui est scandaleux pour Habaquq ! Comment Dieu peut-il utiliser un tel instrument pour « exercer ses jugements » ? Les Babyloniens sont encore pires que les Judéens ! (Hab. 1 : 12-17) ! Habaquq guette la réponse de Dieu… « le juste vivra par la foi » (Hab. 2 : 4). Là encore il faut faire confiance à Dieu : ce qui peut paraître injuste dans sa manière d’agir ne l’est pas.

Les Cananéens

Repensons au massacre des Cananéens ordonné par Dieu (Deut. 9 : 4-6) lorsque leur méchanceté était à son comble (Gen. 15 : 16). Cela pose toutes sortes de questions à propos de la patience de Dieu, des avertissements suffisamment clairs ou non, de l’inclusion des enfants dans le châtiment, etc. Remarquons que Dieu châtie aussi son propre peuple : il est impartial ! Quoi qu’il en soit, on peut considérer que cet événement unique est une anticipation de ce qui attend les pécheurs impénitents lors du jugement dernier (voir par exemple Apoc 14). Cela peut heurter notre sensibilité… mais reste une tragique réalité.

Nous nous étonnons du jugement de Dieu. Nous devrions plutôt nous étonner de sa patience à supporter le mal et ceux qui le font (Jér. 12 : 1). Ce n’est pas pour rien que les opprimés en appellent à Dieu : « jusque à quand ? » (Ps. 13 : 3, 62.3, 74 : 10, 82.2, 90 : 13, 94.3). Dans son amour Dieu suspend son jugement laissant le temps de la repentance, de la grâce (Rom. 2 : 4, 2 Pi 3 : 15).

En tant que créature, il ne nous appartient pas de nous prononcer sur la question de savoir si Dieu est juste ou non. Serions-nous ses juges ? Serions-nous qualifiés pour mettre Dieu au banc des accusés ? Aurions-nous fait la démonstration de nos qualités de justice ? Qui sommes-nous pour « entrer en contestation avec Dieu » (Rom. 9 : 20) ?

Jacob

La question de la justice de Dieu se pose aussi en rapport avec l’aspect électif son amour. C’est la question de savoir sur qui Dieu choisit de faire ou non porter son amour. Déjà Israël n’a pas été aimé pour ses nobles qualités, mais aimé parce que Dieu l’avait choisi (Deut. 7 : 7-10). On peut dire que Dieu aime Israël… parce qu’il a décidé de l’aimer !

Lorsque Paul7 aborde la question de l’élection de Jacob, de l’amour de Dieu pour Jacob plutôt qu’Esaü, il interpelle « Que dirons-nous donc ? Dieu serait-il injuste ? » (Rom. 9 : 14) Non, Dieu n’est pas injuste quand il choisit d’aimer qui il veut. Aucune créature ne mérite son amour plus qu’une autre, toutes sont des « vases de colère tout prêts pour la perdition » qu’il supporte avec une grande patience (Rom. 9 : 22). Tout dépend « de Dieu qui fait grâce », et il « fait grâce à qui il veut » (Rom. 9 : 16, 18). On ne peut soumettre Dieu à aucune règle qui lui imposerait d’aimer un tel plutôt qu’un autre. L’amour électif n’est pas injuste, il est pure grâce. Il trouve sa source en lui-même, pas en ce qui paraît digne d’être aimé.

La croix

Dans l’histoire de la rédemption, nous ne passons pas d’un Dieu de justice, en colère, vers un Dieu d’amour et de grâce. Au contraire, au fur et à mesure de la révélation de Dieu, chacun de ses attributs se révèle de plus en plus nettement, avec plus de force, autant son amour que sa justice. Les deux culminent dans la venue de Jésus et l’accomplissement de son œuvre. La croix est la manifestation par excellence de la gravité du péché, de son châtiment, dans la personne innocente de son Fils. C’est aussi la manifestation par excellence de l’amour de Dieu pour les humains. La justice de Dieu est satisfaite. La sanction du péché, la mort, a été exécutée. Le Fils est mort à notre place, manifestant son amour pour le Père en faisant sa volonté (Jean 6 : 3740), ainsi que l’amour du Père pour le monde (Jean 3 : 16). Ce que le sang des sacrifices ne pouvait pas accomplir (Héb. 10 : 4), il l’a fait en sa personne, en son corps (Héb. 10 : 10).

Et cela inaugure son royaume, un royaume d’amour et de justice (Ésaïe 11 : 1-5, 42 : 1-4, 1 Pi. 3 : 13). Nous pouvons en avoir un avant-goût aujourd’hui par l’action de son Esprit en nous, mais nous en attendons la pleine réalisation lors de la révélation en gloire de Jésus-Christ. Viens, Seigneur Jésus8 ! 

ROLAND FRAULI, MISSIONNAIRE AVEC FRANCE POUR CHRIST ET PRÉSIDENT D’ITÉA


NOTES

1 On parle parfois de la « simplicité » de Dieu, pas dans le sens de la facilité à comprendre, mais dans le sens où Dieu n’est pas un « composé » de plusieurs parties.

2 Il est remarquable que l’apôtre Jean, très sensible à l’amour dans sa première épître, affirme tout autant que Dieu est juste et qu’il attend de nous un comportement juste (1 Jean 2 : 29, 3.7).

3 La colère est parfois considérée comme un attribut de Dieu, mais c’est contestable. Ce n’est pas un état permanent, mais des dispositions que Dieu adopte en réponse aux actions humaines.

4 Il ne faut pas imaginer que la vengeance de Dieu l’entraînerait aux débordements et aux excès dont font souvent preuve les humains. Elle est l’équivalent d’une juste rétribution… ce que la vengeance humaine est rarement !

5 Déjà le principe de la loi de l’Ancien Testament (Lévitique 26, Deutéronome 18).

6 Paul reprendra ce principe en Romains 1 : 17 et Galates 3 : 11 dans le contexte du salut. Voir aussi Hébreux 10 : 38.

7 Paul avait lui-même conscience d’avoir été « mis à part dès le sein maternel » parce que cela avait « plu à Dieu » (Galates 1 : 15-16).

8 Cet article est redevable aux articles de D.A. Carson, « Amour » et S. Romerowski, « Justice » dans le Dictionnaire de Théologie Biblique (Charols, Excelsis, 2006) ainsi qu’à W. Grudem, Théologie Systématique (Charols, Excelsis, 2010).