J’ai visité un CFRi, un Centre de Formation Régional pour implanteurs d’Églises à Loches dans la Touraine (37), à 30 Km au sud de Tours.
De quoi parle-t-on au juste ?
Viser une Église pour 10 000 habitants dans notre pays implique non seulement la multiplication du nombre d’implantations de nouvelles Églises locales (cela va de soit ! ), mais aussi la multiplication du nombre d’implanteurs, c’est à dire l’augmentation du nombre d’hommes et de femmes formés et doués au ministère particulier de l’implantation d’Église. À l’heure actuelle, seulement cinq étudiants par an (peut-être que le nombre est exagéré) quittent les instituts bibliques de langue française de Suisse, de Belgique et de France pour se consacrer à l’implantation d’Églises.
C’est pour répondre à ce besoin spécifique qu’est né le concept de CFRi, élaboré à partir d’un modèle allemand qui est en train de faire ses preuves.
Comment cela fonctionne-t-il ?
Commençons par la présentation de l’équipe. A la tête du CFRi, il y a un directeur qui s’entoure d’une équipe de 2 ou 3 personnes avec lesquelles il va implanter une Église dans la ville ou la région où se situera géographiquement le CFRi. Ce directeur possède 2 qualités : il a l’expérience de l’implantation d’Églises et la capacité de former de nouveaux ouvriers. À cette équipe vient s’ajouter les «apprenants», c’est-à-dire les personnes qui, pendant 2 ans, vont s’installer sur le site du CFRi, le temps de leur formation. Les apprenants ont 2 profils. Le premier profil est celui de l’implanteur ; il va se consacrer à sa formation et à l’implantation d’une nouvelle Église, sans pour autant exclure la possibilité d’un travail séculier à temps (très) partiel.
Le second profil est celui de l’équipier : une personne qui tout en ayant une activité professionnelle à plein temps ou à temps partiel, souhaite s’impliquer dans un projet d’implantation d’Église aux côtés d’un implanteur. Voilà pour les présentations.
Nous pouvons déjà esquisser l’originalité du modèle : chaque apprenant va dès la fin de la première année de sa formation travailler à son propre projet d’implantation d’Église. Cette nouvelle implantation devra se situer à 1 heure de route du CFRi de telle manière à pouvoir bénéficier de l’accompagnement des formateurs lorsque le nouveau projet prendra corps. C’est une des particularités des CFRi à laquelle s’ajoutent deux autres singularités. Premièrement, le pôle de formation devient une tête de pont pour de nouvelles implantions (cette nouvelle implantation peut, par la suite, devenir à elle toute seule un nouveau CFRi qui sera à nouveau une tête de pont pour atteindre de nouvelles zones géographiques, etc.). Deuxièmement, la distance géographique entre le CFRi et le nouveau lieu d’implantation permet de travailler en réseau et évite l’isolement de la nouvelle équipe.
On estime que suivant le lieu où le CFRi est installé, il est possible de travailler simultanément au démarrage de 1 à 4 implantions d’Églises, soit l’équivalent de 2 à 20 personnes en formation. Le concept CFRi induit également la durée déterminée de son existence : le CFRi va s’auto dissoudre lorsque le nombre de nouvelles implantations possibles dans un rayon d’une heure de route sera atteint (la durée moyenne de vie du CFRi est estimée de 4 à 7 ans, soit la formation de 5 promotions).
Voilà pour le principe de fonctionnement.
Venons-en plus particulièrement à la formation de l’implanteur, formation qui conjugue acquisition théorique et pratique1. La partie théorique recouvre deux disciplines principales. La première concerne l’implantation d’Église, spécialité du cursus. Cette partie est accessible aussi bien aux futurs implanteurs qu’aux équipiers. Elle est dispensée dans les locaux du CFRi soit par l’équipe de formateurs présentée plus haut, soit par des intervenants extérieurs reconnus comme experts dans leur discipline. Quatre modules de cours sont enseignés pendant deux ans à hauteur de 15 heures par semaine.
La seconde discipline recouvre les connaissances bibliques. Cette partie de l’enseignement est taillée sur mesure en fonction du parcours de l’apprenant : si l’apprenant a déjà été formé dans une institution d’enseignement théologique, il pourra poursuivre son parcours vers un grade d’étude supérieur ou choisir une matière dans laquelle il souhaite approfondir ses connaissances. Dans le cas contraire, ce cours sera donné sous forme d’elearning, de cours par correspondance ou autres, dispensés par des organes de formation accrédités par le CFRi. Ce second volet de formation est encadré par l’union d’Églises qui envoie son futur implanteur en formation. Le coût de la formation en CFRi est de 4 000 €/an par apprenant implanteur, 2 000 €/an par équipier.
Encore un mot d’explication sur la souplesse de mise en place d’un CFRi. Chaque union d’Églises peut mettre en place un CFRi, en choisissant son directeur, son équipe de formateurs, ses étudiants pour autant qu’elle respecte le «cahier des charges CFRi» formalisé par la commission d’implantation de nouvelles Églises du CNEF. Cette dernière se porte garant de la qualité de la formation en vérifiant le bon fonctionnement du CFRi par le moyen d’un audit annuel. De plus, rien n’empêche de faire du CFRi un projet inter-Églises dans une agglomération, un département ou même un projet inter unions d’Églises. Cette souplesse devrait stimuler le développement de cet outil au service de la vision d’une Église pour dix mille habitants. Aux moins cinq unions d’Églises ont déjà manifesté leur intérêt pour la mise en place d’un CFRi au sein de leur famille.
Arrivé à Loches avec beaucoup de questions, j’ai quitté la ville impressionné par la qualité du programme, la pertinence du concept dans notre contexte évangélique français et son adaptabilité aux différentes sensibilités évangéliques sans pour autant émousser les points forts du programme.
A l’heure actuelle, seul manque le recul pour apprécier dans la réalité ce qui sur le papier et dans le premier essai pilote de Loches, semble être prometteur. Mais le seul moyen d’avoir du recul, c’est de l’expérimenter, donc de le multiplier afin de l’affiner aux fils des expériences.
ÉRIC WAECHTER
NOTES
1 Pour la formation pratique, les responsables actuels parlent volontiers «d’éduc-situation» qui désigne l’apprentissage en situation réelle d’exercice du futur ministère.