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Les méandres d’une production, sacrifices et frustrations des artistes chrétiens
Cet article a pour but de sensibiliser les chrétiens, qui souvent, par manque d’information, ont tendance à préjuger les artistes chrétiens, par exemple, sur le prix des productions chrétiennes qu’ils estiment excessif.
En effet, quand les artistes chrétiens présentent leurs cassettes à 450 FB (75 FF) et leurs CD à 750 FB (125 FF), on entend entre les dents encore trop souvent cette expression : « …et pourtant l’Evangile est gratuit ! »…
Le sujet tabou
Cependant, malgré ce vieil adage, les missionnaires, serviteurs de Dieu, oeuvres chrétiennes en tous genres, et en particulier les artistes chrétiens, sont toujours confrontés à des problèmes d’ordre financier.
Les questions d’argent, dans l’oeuvre de Dieu, sont encore trop souvent un sujet tabou. Je prends donc un risque en rédigeant cet article, risque de vous choquer… Mais là n’est pas du tout mon intention. Celle-ci est d’informer afin de sensibiliser.
Budget Concert
Les artistes chrétiens sont déjà confrontés à ce problème lors de leurs prestations. En effet, il y a souvent peu (ou pas) de budgets dans la plupart des campagnes d’évangélisation, conventions, réunions diverses où les chanteurs ou groupes chrétiens sont invités pour animer la journée ou la soirée (Ps 18:50).
Pourtant, ils viennent souvent avec leurs propres instruments (synthés, guitares, batterie, expendeurs, séquenceurs…), avec leur sono, comprenant table de mixage, multicable, amplis, baffles, retours, micro, pieds de micros, rack avec deck cassette, effets, processeurs, des dizaines de mètres de câbles, des raccords, des fiches, des prises, des rallonges, quelquefois des projecteurs, écrans et autres éclairages…, tout cela entassé dans une remorque ou une camionnette achetée à cet effet. Tout ce matériel correspond à des sommes de plusieurs milliers de francs, voire même à plus d’un million de francs belges.
« Faites tout pour la gloire de Dieu ! »
De plus, comme il a été précité, ils viennent aussi avec leurs cassettes et disques-compacts. Là encore, d’énormes sacrifices financiers ont été consentis par les artistes chrétiens afin d’effectuer un enregistrement de niveau professionnel (1 Cor. 10:31) et digne du Seigneur dont ils sont les ambassadeurs (2 Cor. 5:20).
Je suis bien placé pour informer le lecteur de cet article qui, d’une manière ou d’une autre, est concerné par la musique chrétienne, peut-être en tant qu’organisateur de réunions, de concerts, ou simplement en tant que « consommateur » non-averti (plus pour longtemps).
Enfonçons le clou !
En effet, je voudrais, à titre d’information, continuer à enfoncer le clou et donner un ordre d’idée de ce que peut coûter la production d’un CD avec une qualité professionnelle.
Nous ne nous attarderons pas ici sur les heures et les nuits passées à l’écoute de Dieu pour la composition des chants (Job 35:10, Ps 87:7), des arrangements musicaux (1 Chron 15:22), de la rédaction des textes (Ps 40:4), la répétition en groupes afin de préparer les concerts (2 Chron 5:13), les répétitions avec d’autres musiciens, professionnels ou non, en vue de préparer les séances d’enregistrements. Il est impossible d’en chiffrer le nombre d’heures.
Mais pour ce qui concerne la production d’un CD, voici dévoilé, peut-être pour la première fois, son coût approximatif.
Avant de parler chiffres, encore quelques mots d’explications.
Le Studio
Tout le monde s’imagine que, quand un groupe entre en studio, il installe son matériel et les musiciens jouent leur programme comme s’ils étaient sur scène après quoi l’enregistrement est terminé. Au revoir et merci ! Cela est faux ! Il faut savoir qu’en moyenne, en musique de variété, 1 heure de programme demande 100 heures de travail en studio. Cela peut même aller à plusieurs centaines d’heures, dans certains cas, selon le type de musique.
A quoi correspond ce temps ? Bien souvent, pour en augmenter la qualité certains instruments, les solistes, et les choeurs sont enregistrés séparément.
Par exemple:
– la section rythmique (batterie, basse, guitare électrique, synthés) sont enregistrés ensemble, cela prend en moyenne 3 jours,
– pour les instruments solistes tels que sax, trompette. percussions, il faut ajouter 1 journée,
– encore 1 jour pour l’enregistrement des choeurs,
– 1 à 2 jours pour le soliste (voix principale)
– et enfin 3 jours plus le mixage et le mastering.
Voilà une petite idée de comment se déroule un enregistrement en studio.
A cela s’ajoutent les frais de bandes, les repas, boissons et logement de tous ces musiciens. Les musiciens professionnels additionnels doivent être rémunérés. Certains viennent quelquefois de l’étranger, d’où frais de déplacement importants.
Le maillon méconnu
Puis, il y a un maillon primordial de la chaîne qui est généralement méconnu et qui pourtant représente la pierre angulaire du travail : l’arrangeur (1 Chron 15:16-22). C’est un musicien spécialisé qui va passer des dizaines d’heures à composer les partitions de chaque musicien, choriste, soliste, afin d’obtenir un produit final harmonieux et original. Le choix de l’arrangeur est déterminant dans la qualité artistique du CD.
Le Maquettiste
Tout ce qui concerne la musique étant passé rapidement en vue, viendra ce qu’il est convenu d’appeler le pré-press, c’est-à-dire le graphisme, la photocomposition de la jaquette de la cassette et du CD. Il est indispensable pour obtenir une bonne qualité des imprimés, de passer par un maquettiste professionnel. Il faut lui fournir des photos prises par un photographe, des dessins, ou tout autre graphisme, ainsi que tous les textes qui devront figurer sur la jaquette.
Duplication et Fabrication
Puis, viendra la duplication des cassettes et la fabrication des disques compacts : ne pas oublier de contacter un imprimeur pour les jaquettes, les étiquettes, les affiches…
Les Chiffres (en FB) Prix approximatif d’une production :
Total : 600 000 FB |
Ce montant (environ 100 000 FF est un prix moyen. Dans le monde séculier, les budgets sont de 2 à 3 millions de francs belges (300 000 à 500 000 FF). Aux Etats-Unis, le prix moyen pour une production chrétienne est de 50.000 $.
Vendre ou ne pas vendre, telle est la question !
Les artistes séculiers, pour la plupart, n’auront aucun mal à amortir de tels frais de production, grâce à tous les moyens de distribution et de promotion qui sont à leur disposition dans le monde du show-bizz.. Et même dans certains cas, après avoir vendu plusieurs milliers de CDs, voire des centaines de milliers comme cela est relativement courant, des fortunes colossales peuvent être générées par la vente des CDs et cassettes, et par la perception des droits d’auteur.
Mais nos artistes chrétiens, qui ont eu les mêmes frais de production, ont du mal à en vendre quelques centaines.
Quelle en est la cause ?
1) Le public limité: quand le message est trop clair, les non-chrétiens n’achètent pas (Jn 15:19).
2) Le manque d’intérêt des chrétiens qui, pourtant, depuis ces dernières années, ne peuvent plus invoquer ni la médiocrité, ni le manque de diversité des productions chrétiennes (même francophones).
Je ne parlerai pas non plus du piratage, bien souvent inconscient, mais bien réel, que l’on rencontre parmi les chrétiens qui, pour faire plaisir ou pour faire écouter « ce beau disque » font quelques copies pour les membres de l’église ou pour les amis.
Apprenons donc à apprécier le ministère des artistes chrétiens qui, ayant reçu des talents du Seigneur, désirent en retour utiliser au mieux leurs dons à Son service. (Mt 25:14-30 : Ex 35:30-35)
Que les artistes chrétiens, quant à eux, « … désirent intensément les applaudissements de Dieu » (R.D. Dinwiddie) et se mettent sous l’inspiration du Saint-Esprit afin qu’ll « transforme de simples notes et paroles en message de beauté et de bénédiction » (K. Osbeck).
Ruben Wautier