Lorsque la femme samaritaine a demandé à Jésus s’il fallait adorer Dieu sur le mont Garizim, comme le faisaient les Samaritains, ou au temple de Jérusalem comme les Juifs, Jésus lui a fait en réponse cette déclaration : «Dieu est esprit et il faut que ceux qui l’adorent l’adorent par l’Esprit et en vérité» (Jean 4 : 19-24). Lorsque j’interroge des chrétiens sur la signification de l’affirmation «Dieu est Esprit» (reprise dans l’article 1 de la confession de foi du Réseau FEF), mes interlocuteurs sont généralement hésitants et peinent à donner une réponse. Il paraît donc utile de consacrer ici un dossier à ce sujet.

Pour comprendre ce que signifie l’affirmation «Dieu est esprit», une voie d’approche consiste à considérer ce qu’est un esprit, ou ce que sont les divers esprits. L’Écriture nous encourage à aborder les choses de cette manière, car elle établit elle-même une analogie entre Dieu et d’autres esprits. Dieu est le père des esprits (Héb 12 : 9) : les esprits conçus par lui lui ressemblent, comme un fils ressemble à son père. En particulier, l’être humain est l’image de Dieu : c’est justement par son esprit que l’homme ressemble à Dieu. Paul utilise cette même analogie, en comparant l’esprit de l’homme en lui et l’Esprit de Dieu en Dieu : comme l’esprit humain connaît ce qui est en l’homme, l’Esprit divin connaît ce qui est en Dieu (1 Cor 2 :11).

Qu’est-ce qu’un esprit ?

Le premier esprit que l’on peut considérer est le Saint-Esprit. Le mot «esprit» sert à la fois à caractériser l’être de Dieu – il est esprit -, et à désigner l’une des trois personnes de la Trinité – le Saint-Esprit. Les deux usages ne doivent pas être confondus. En même temps, il y a un lien entre les deux : en l’Esprit saint est manifestée la spiritualité de Dieu, le fait que Dieu est esprit. Or qu’est le Saint-Esprit ? Notre confession de foi répond à cette question en affirmant que le Saint-Esprit est Dieu et qu’il est une personne. Ce dernier trait est abondamment attesté dans les Écritures par les facteurs suivants :

– le Saint-Esprit parle (Jean 14 : 16, Actes 1 : 16, 8 : 29, 13 : 2),

– et dit : «je» (Actes 13 : 2),

– il prie (Rom 8 : 26s),

– il instruit (Néh 9 : 20),

– il connaît (1 Cor 2 : 10),

– il a une volonté et un jugement, un pouvoir de choix et de décision (Actes 13 : 2 ; 15 : 28 ; 16 : 7; 1 Cor 12 : 11),

– il peut être attristé (És 63.10; Éph 4.30);

– on lui ment (Actes 5.3).

 

Le même trait saillant apparaît lorsqu’on considère ce que sont les autres esprits. Les anges sont appelés des esprits (Héb 1.13-14). Or ce sont des personnes : des êtres vivants, qui :

– peuvent louer Dieu (Ps 103 : 20, 148 : 2, Luc 2 : 13, Héb 1 : 6),

– s’intéressent à ce qui se passe dans le monde des hommes (Éph 3 : 10, 1 Tim 3 : 16, 5 : 21),

– peuvent entrer en relation avec les humains, leur parler (Matt 28 : 2-5, Luc 1 : 11-20, 26-38, 2 : 9-15, Actes 8 : 26),

– agir auprès d’eux (Ps 91 : 11, Matt 13 : 39, 41, 49, Matt 24 : 31, Luc 22 : 43, Actes 5 : 19, 12 : 7-11, 23, Héb 1 : 14),

– ont fait le choix de servir Dieu (Héb 1 : 14) ou de se rebeller contre lui (2 Pier 2 : 4; Jude 6)

– et seront jugés pour leurs actes (Matt 25 : 41; 1 Cor 6 : 3).

 

Enfin, notre esprit fait de nous des personnes. Il apparaît en effet comme :

– le centre de décision de l’être humain (Dt 2 : 30),

– le siège de ses dispositions intérieures (És 29 : 10, Ézéc 11 : 19, 18 : 31; Os 4 : 12; 5 : 4; Matt 26 : 41; Rom 1 : 4; 2 : 8; 11 : 8),

– celui des facultés mentales, l’intellect et l’imagination (Ézéc 13 : 3, Luc 24 : 45, Jean 10 : 24, Rom 8 : 16,14 : 5, 1 Cor 2 : 11),

– le siège des facultés qui gouvernent l’action, de la décision (Jos 2 : 11, 5 : 1, Ézéc 21 : 12, Luc 21 : 14),

– et des émotions (Jean 11 : 33, 13 : 21; Actes 17 : 16). Ainsi, dire de Dieu qu’il est esprit, c’est dire qu’il est une personne.

Dieu est une personne

C’est dire qu’il est un être vivant, conscient de lui-même, qui pense, possède connaissance, intelligence et sagesse, exerce une volonté, agit selon cette volonté, entre en relation et communique avec d’autres personnes, a une affectivité, aime, se met en colère… Il parle à ses créatures en disant «je» et nous pouvons nous adresser à lui en lui disant «tu».

Lorsqu’il affirme que Dieu est esprit (Jean 4 : 24), Jésus vise tout particulièrement le fait que Dieu est une personne. En effet, Jésus tire de cette affirmation une conséquence quant à la nature du culte qui sied à Dieu : un culte par l’Esprit et en vérité. Il se réfère ainsi à la relation personnelle établie entre Dieu et nous par son Esprit en nous 1. Cette relation est comparée ailleurs à la relation qu’entretient un enfant avec son père (Rom 8 : 14-16). Le culte véritable est dialogue avec Dieu.

La précision «en vérité» doit se comprendre par opposition aux objets matériels et aux rites de l’ancienne alliance qui n’étaient que des préfigurations des réalités apportées par la nouvelle alliance. Le culte «en vérité» s’oppose au culte rituel de l’ancienne alliance qui nécessitait un temple de pierre. Nous l’avons signalé, Jésus répond ici à la question de la femme samaritaine sur le sanctuaire approprié pour adorer Dieu, celui des Samaritains sur le mont Garizim, ou bien le temple de Jérusalem. Le temple matériel de Jérusalem appartient à l’ancienne alliance. Mais parce que Dieu est une personne, il n’a pas besoin d’un culte fait de gestes rituels opérant avec des objets matériels dans un temple matériel (cf. Héb 8 : 10), le culte qui lui sied véritablement est celui qui se vit comme une relation personnelle avec lui (nous l’écoutons et nous lui parlons). Il s’agira donc dorénavant de l’adorer par l’Esprit, en s’attachant, non plus au temple et à son rituel, mais aux réalités que ceux-ci préfiguraient et qui trouvent leur accomplissement en Christ.

Les esprits sont immatériels

Poursuivons avec l’analogie entre Dieu et les autres esprits. Jésus a déclaré qu’un esprit n’a ni chair ni os (Luc 24 : 37-39). Un esprit est immatériel. Cela est aussi vrai de l’esprit humain : l’esprit est en l’homme, dans son corps (1 Cor 2 : 11), mais il n’est pas son corps, il se distingue de son corps et peut même s’en séparer (Eccl 3 : 21, 12 : 7, Héb 12 : 23).

Il convient encore ici de noter que, dans le texte où Paul établit une analogie entre l’esprit humain et l’Esprit de Dieu, il marque en même temps une différence entre nous et Dieu. Il écrit en effet que notre esprit est «en nous», mais il ne dit pas que l’Esprit de Dieu est en Dieu (1 Cor 2 : 11). L’Esprit est Dieu et Dieu est esprit. Par contre, nous avons un esprit et nous avons un corps : nous ne sommes pas esprit comme Dieu. En disant que Dieu est esprit, on souligne que le caractère spirituel le caractérise tout entier. Pour ce qui nous concerne, notre esprit n’est qu’une partie de notre être, avec notre corps. Mais Dieu, lui, n’a pas de corps. Tout comme les anges d’ailleurs (Luc 24 : 39); c’est pourquoi il est dit d’eux que ce sont des esprits (Héb 1 : 14).

Ainsi, dire que Dieu est esprit signifie aussi que son être est immatériel : Dieu n’a pas de corps.

L’immatérialité de Dieu

Déjà Ésaïe avait souligné l’immatérialité de l’être de Dieu lorsqu’il écrivait : «L’Égyptien est homme et non dieu, ses chevaux sont chair [c’est-à-dire dotés d’un corps matériel] et non esprit [sous entendu comme Dieu, lui, est esprit]» (És 31 : 3).

Cet aspect là entre aussi dans l’argumentation de Jésus lorsqu’il affirme que Dieu est esprit. Puisque Dieu n’a pas de corps, il n’a pas besoin d’un temple matériel pour lui servir d’habitation. Le culte de la nouvelle alliance ne sera donc plus lié à un sanctuaire matériel, que ce soit celui de Jérusalem ou un autre.

L’argumentation de Jésus présuppose aussi un autre attribut divin : si Dieu n’est pas lié à un sanctuaire mais peut être adoré en tout lieu, c’est parce qu’il est omniprésent. Les autres esprits ne sont pas omniprésents. Les anges ne le sont pas. Notre esprit humain est localisé en notre corps. Même dans l’état intermédiaire entre la mort physique et la résurrection, alors que l’esprit humain se trouve désincarné, il demeure localisé en un lieu unique. Mais l’Esprit de Dieu est omniprésent (Ps 139 : 7). Et le Dieu trinitaire est omniprésent : il l’est précisément par son Esprit. En revanche, si l’être de Dieu était composé d’un corps, il serait localisé dans ce corps. L’omniprésence n’est possible pour l’être de Dieu que parce que Dieu est esprit. Et ainsi, Dieu n’est pas lié à un lieu de culte particulier.

Le langage anthropomorphique

Dieu n’a pas de corps et pourtant, dans sa manière de parler de Dieu, la Bible emploie des expressions comme «le bras de Dieu», «la main de Dieu», «son oreille», «ses yeux». Ce langage n’est donc pas à prendre littéralement. Certains pourtant s’y méprennent, comme par exemple les mormons qui affirment que Dieu le Père a, comme le Fils, «un corps tangible de chair et d’os»2. Avec ce type de langage de l’Écriture, nous avons bien plutôt affaire à des anthropomorphismes. On nomme anthropomorphisme une figure de langage par laquelle on attribue à Dieu des éléments corporels qui ne sont pas siens en réalité.

Cette façon de s’exprimer est due au fait que, d’une manière générale, pour parler d’une action humaine, l’hébreu préfère rattacher celle-ci à l’organe du corps de la personne qui l’accomplit, plutôt que d’employer un simple pronom personnel pour désigner cette personne. Ainsi, on préférera dire : «Ma main a fait cela», plutôt que : «J’ai fait cela». Ou : «Ses pieds courent au mal» (Pr 1 : 16) plutôt que : «Il court au mal». Ou encore : «Mes lèvres chantent les louanges de Dieu» (Ps 63 : 3) au lieu de : «Je chante les louanges de Dieu». Par analogie, on mentionnera le bras ou la main de Dieu pour évoquer une activité ou l’action de Dieu, on mentionnera ses yeux et ses oreilles pour indiquer qu’il connaît ce qui se passe et ce qui se dit. L’expression : «Le Seigneur descendit pour voir» (Gn 11 : 5), est aussi un anthropomorphisme.

Il est important de souligner que l’usage d’un tel langage n’est pas dénué de signification, comme si ce langage ne communiquait au fond rien sur Dieu, comme s’il n’exprimait aucune réalité factuelle. Le langage anthropomorphique dit bel et bien quelque chose de réel sur Dieu, que nous pouvons comprendre à notre niveau, donc de manière limitée, mais sans que cela lui ôte son caractère de vérité. Ce langage est ainsi susceptible d’une traduction en un langage plus littéral. La requête : «prête l’oreille à ma prière» peut par exemple se traduire par : «Écoute ma prière». L’affirmation : «Dieu a délivré Israël de l’esclavage en Égypte à main forte et à bras étendu» (Dt 5 : 15) signifie que Dieu a agit avec puissance pour effectuer cette délivrance. La formule : «Dieu descendit pour voir ce qui se passait» signifie : «Dieu pris en compte ce qui se passait afin d’intervenir en conséquence». Etc.

L’invisibilité de Dieu

C’est notre corps qui nous rend visibles. Étant immatériel, Dieu est quant à lui invisible (Col 1 : 15, 1 Tim 1 : 17, 6 : 16, Héb 11 : 27, Rom 1 : 20). Le texte d’Hébreux 11 : 27 ne dit pas que Moïse a vu le Dieu invisible, ce qui contredirait notamment 1 Timothée 6 : 16, mais que c’était comme s’il le voyait. Cette expression est une manière de souligner quelle intimité exceptionnelle Moïse avait avec Dieu lorsque celui-ci se révélait à lui.

Puisque Dieu est invisible, personne n’a jamais vu Dieu (Jean 1 : 18; 1 Jean 4 : 12; 1 Tim 6 : 16).

L’invisibilité est en fait une caractéristique de tout esprit. Le Saint-Esprit est invisible : de même qu’on perçoit les effets de l’action du vent en considérant le voilier qui se meut sur la mer sans pouvoir voir le vent lui-même, on peut constater les effets de l’action de l’Esprit en l’homme sans pouvoir voir l’Esprit lui-même (Jean 3 : 8). Les anges sont aussi invisibles (Col 1 : 16). Et l’esprit humain est invisible : de l’homme on ne voit que le corps.

Les apparitions visibles de Dieu

Les anges peuvent néanmoins se manifester sous une forme visible. Ainsi, l’ange Gabriel apparaît à Daniel (Dan 8 : 16, 9 : 21), à Zacharie, à Marie (Luc 1 : 19, 26), des anges apparaissent aux bergers la nuit de la nativité (Luc 2 : 8-15). Les chariots de feu venus protéger Élisée signalaient certainement aussi une présence angélique (2 Rois 6 : 16-17).

De même, le Saint-Esprit apparaît sous la forme d’une colombe (Matt 3 : 16), de langues de feu (Actes 2 : 2-4), de la colonne de nuée et de feu qui guidait les Israélites dans le désert (Ésaïe 63 : 11,14).

Dans l’Ancien Testament, Dieu apparaît à diverses reprises dans des théophanies – un terme qui désigne une apparition ou manifestation visible de Dieu – (par exemple : Gen 32 : 2432, Exode 19 : 16-21, 24 : 10-11, 1 Rois 19 : 11-13). Dieu prend alors parfois une forme humaine (Gen 18 : 1-2, Ézéc 1 : 26-28).

L’Ange du Seigneur est une des formes sous lesquelles le Seigneur apparaît dans l’Ancien Testament. L’Ange du Seigneur est en effet le Seigneur lui-même, car une mention de l’Ange du Seigneur est souvent interchangeable avec une mention du Seigneur : l’Ange de Dieu dit à Jacob être Dieu (Gn 31 : 11,13) et l’on constate une alternance de la désignation «l’Ange du Seigneur» avec «le Seigneur» dans plusieurs textes (Exode 3 : 2-6; Juges 6 : 11-12, 14, 16, 18, 20-22, 2324, Zach 3 : 1-2). En Juges 13, au moment où Manoah comprend qu’il a vu l’Ange du Seigneur (v. 21), il déclare avoir vu Dieu (v. 22).

Or Jean affirme que personne n’a jamais vu Dieu (Jean 1 : 18). On doit en conclure que, dans les exemples ci-dessus, on n’a pas réellement vu Dieu (et il en est de même pour les anges). Ces formes visibles sous lesquelles Dieu s’est manifesté en certaines circonstances ne sont que des formes transitoires qu’il a utilisées pour signaler sa présence de manière tangible. Mais elles n’appartiennent en aucune manière à l’être de Dieu. Ainsi, malgré l’extraordinaire son et lumière offert au peuple sur le mont Sinaï (Exode 19), Moïse affirme qu’Israël n’a vu aucune forme ou figure de Dieu en cette occasion (Deut 4 ; 15-16). La diversité des formes que Dieu prend pour se manifester de manière visible enseigne d’ailleurs qu’il ne faut pas assimiler ces formes à son être. Il est probable que Dieu a pris soin d’éviter d’apparaître toujours sous la même forme pour empêcher qu’on s’imagine que telle forme appartiendrait à son être.

La «vision» finale de Dieu

L’Écriture affirme que, à notre résurrection et au-delà, nous «verrons» Dieu (Apoc 22 : 3-4). Puisque Dieu est invisible, nous devons nous garder de prendre ici le verbe «voir» littéralement.

On en a confirmation lorsqu’on considère le langage utilisé par Job après la révélation que Dieu lui a accordée. Job déclare en effet : «Mon œil t’a vu» (Job 42 : 5), alors qu’il n’a eu aucune vision de Dieu, mais qu’il a simplement entendu celui-ci lui parler (Job 38 : 1; 40 : 1, 6). Prendre le verbe «voir» littéralement dans le propos de Job contredirait encore une fois l’affirmation de Jean selon laquelle personne n’a jamais vu Dieu (Jean 1 : 18). Le verbe «voir» sert simplement ici à exprimer l’idée d’une connaissance plus profonde de Dieu et d’une relation très intime avec lui.

Lorsque nous ressusciterons, Dieu ne sera pas plus visible qu’aujourd’hui : nous ne le verrons pas comme nous pouvons nous voir les uns les autres présentement. L’invisibilité sera toujours une caractéristique de son être. Le langage du texte de l’Apocalypse cité ci-dessus vise à traduire le fait que nous aurons dans l’au-delà une relation plus directe avec Dieu que maintenant, une plus grande proximité et une plus grande intimité, une meilleure connaissance de lui, non plus entachée d’erreur, mais dans une pleine lumière. C’est encore ce qu’enseigne Paul lorsqu’il écrit que nous voyons présentement au moyen d’un miroir, d’une manière obscure – et donc indirecte -, mais qu’alors nous verrons face à face, c’est-à-dire de manière plus directe, plus intime, plus pleine (1 Cor 13 : 12).

Au sens littéral du verbe «voir», nous verrons seulement Jésus-Christ incarné (1 Jean 3 : 2).

Conséquences pratiques

Dieu est esprit et il faut que ceux qui l’adorent l’adorent par l’Esprit et en vérité. Dieu est une personne. Le culte qui lui sied doit s’inscrire dans le cadre d’une relation personnelle avec lui. Tout ce qui tend à dépersonnaliser Dieu ou notre relation avec lui est contraire à sa nature. Par exemple, la prière sera dialogue avec Dieu, et non pas récitation mécanique de redites (Matt 6 : 7-8). Les prophètes ont souvent fustigé les Israélites lorsqu’ils rendaient à Dieu un culte purement formaliste. Dieu n’est pas lié à un lieu particulier, ni à des objets particuliers. Nous pouvons entrer en relation avec Dieu en tout lieu et en tout temps, en toutes circonstances. Dieu veut en fait prendre part à tout ce qui fait notre vie. Dieu n’est pas non plus lié à de simples rites. Et si Jésus a institué pour nous deux rites, le baptême et la cène, c’est simplement pour nous donner un moyen de joindre le geste à la parole, pour sceller publiquement notre engagement envers Dieu, ou pour exprimer notre appropriation renouvelée de son œuvre rédemptrice. Ce n’est pas parce que Dieu aurait besoin de ces rites, mais parce que ces rites nous sont utiles à nous pour concrétiser notre engagement et nous remettre périodiquement à l’esprit que nous dépendons de la grâce divine. (De même, d’autres gestes peuvent aussi nous être utiles, comme moyen d’expression ou comme signes forts de notre part pour appuyer nos actes ou nos paroles : l’imposition des mains entre dans ce cadre, de même que des gestes qui peuvent être décidés par nous ou nous être propres, à nous ou à notre communauté.) Notre relation avec le Dieu qui est esprit ne doit pas non plus plonger dans le mysticisme : Dieu veut que nous nous tenions devant lui comme ses partenaires d’alliance, comme des enfants devant leur Père, à l’écoute intelligente de sa Parole, pour lui répondre ensuite de manière réfléchie et volontaire, et vivre notre vie sous son regard. Ce ne sont là que quelques pistes indiquant quelle était la visée de Jésus lorsqu’il a déclaré à la femme samaritaine que Dieu attend de nous un culte par l’Esprit et en vérité. Aux lecteurs de discerner d’autres applications…

SYLVAIN ROMEROWSKI


NOTES

1 La traduction «culte par l’Esprit» est préférable à la traduction «culte en esprit», c’est-à-dire avec notre esprit humain. En effet, l’association habituelle, chez Jean, de l’Esprit divin à la vérité (Jn 14 : 17, 15 : 26, 16 : 13, 1 Jn 4 : 6, 5 : 7) conduit plutôt à comprendre qu’il s’agit de l’Esprit de Dieu. La fréquente mention de l’Esprit offert aux croyants dans cette partie de l’Évangile (Jn 3 : 3-8, 6 : 63, 7 : 39) favorise aussi cette lecture, de même que l’image de l’eau employée par Jésus juste avant et qui sert à évoquer l’Esprit (4 : 10-15).

2 Selon leur ouvrage Doctrine et Alliances 130 : 2223.