Un certain nombre de pasteurs et théologiens de persuasion évangélique (et à tendance calviniste), représentant différentes dénominations aux Etats-Unis, se sont réunis à Cambridge, Massachusetts (USA) au printemps dernier, sous la présidence de James M. Boice de Philadelphie, pour fonder un mouvement appelé the Alliance of Confessing Evangelicals. Cette alliance est préoccupée par les graves dérapages que subissent les milieux évangéliques du monde anglophone, les éloignant d’une théologie biblique et Christocentrique vers une « théologie » anthropocentrique fondée sur l’expérience… bref, vers un christianisme pragmatique, subjectif, superficiel et sentimental qui trouve ses inspirations dans les désirs des « clients » (angl. « felt needs »), le marketing, les techniques thérapeutiques et le rythme du monde des divertissements plutôt que dans la Parole de Dieu.

     Les conférences présentées pendant ces rencontres ont été publiées dans un livre remarquable, dont la « Déclaration de Cambridge » constitue le préambule, et que je me suis permis de traduire en français) Le livre lui-même : « HERE WE STAND- A Call from Confessing Evangelicals, Baker Books, P.O. Box 6287, Grand Rapids, MI 49516-6287, USA, (207 pages).

Frank HORTON
(Ancien Directeur de l’Institut Biblique Emmaüs)

DECLARATION DE CAMBRIDGE

ALLIANCE DES EVANGELIQUES CONFESSANTS
Cambridge, Massachusetts (USA)
le 20 avril 1996

     Aujourd’hui les églises évangéliques sont de plus en plus dominées par l’esprit du siècle plutôt que par l’Esprit du Christ. En tant qu’évangéliques, nous nous appelons à nous repentir de ce péché et à recouvrer la foi historique chrétienne.

     Au cours de l’histoire les mots changent de sens. A l’heure actuelle c’est ce qui est arrivé au mot « évangélique » Dans le passé, il servait de lien d’unité entre chrétiens venant d’une grande diversité de traditions ecclésiastiques, mais être évangélique, c’était confesser sa foi. Etre évangélique, c’était adhérer aux vérités essentielles du christianisme telles qu’elles avaient été définies par les grands conciles oecuméniques de l’Eglise. De plus, les évangéliques partageaient en héritage commun les « sola » de la Réforme protestante du 16e siècle.

     Aujourd’hui la lumière de la Réforme a été affaiblie d’une manière significative. En conséquence le mot « évangélique » est devenu tellement inclusif qu’il a perdu sa signification. Nous sommes confrontés au danger de perdre l’unité forgée pendant des siècles. En tenant compte de cette crise, et à cause de notre amour pour le Christ, pour son évangile et pour l’Eglise, nous nous efforçons d’affirmer tout à nouveau notre adhésion aux vérités centrales de la Réforme telles qu’elles ont été confessées historiquement par les évangéliques. Nous affirmons ces vérités, non pas à cause de leur rôle dans nos traditions, mais parce que nous croyons qu’elles sont centrales dans la Bible.

SOLA SCRIPTURA: L’ÉROSION DE L’AUTORITÉ

     L’Ecriture seule est la règle inerrante de la vie de l’Eglise, et pourtant l’église évangélique, à l’heure actuelle, a séparé l’Ecriture de sa fonction d’autorité. Dans sa pratique, l’Eglise se laisse diriger trop souvent par la culture ambiante. Techniques thérapeutiques, stratégies de marketing, rythme du monde des divertissements : tout cela correspond beaucoup plus à ce que l’Eglise désire, à sa manière de fonctionner, et à ce qu’elle offre, que ne le fait la Parole de Dieu. Nombre de pasteurs ont négligé le contrôle légitime qu’ils doivent exercer sur l’adoration, y compris la substance doctrinale de la musique. Au fur et à mesure qu’on a abandonné dans la pratique l’autorité biblique, que ses vérités ont disparu de la préoccupation chrétienne, et que ses doctrines ont perdu leur pointe, l’Eglise a été progressivement dépouillée de son intégrité, de son autorité morale et de son orientation.

     Plutôt que d’adapter la foi chrétienne pour la faire correspondre et satisfaire aux besoins ressentis par les consommateurs, nous devons proclamer la loi comme l’unique mesure de la justice véritable, et l’évangile comme l’unique proclamation de la vérité salvatrice. La vérité biblique est indispensable à la compréhension de l’Eglise, à son édification et à sa discipline

     L’Ecriture doit nous porter au delà de nos besoins ressentis jusqu’à nos besoins réels, et nous libérer de l’habitude que nous avons de nous voir au travers des images séduisantes, des clichés, des promesses et des priorités d’une culture de masse. C’est seulement à la lumière de la vérité de Dieu que nous sommes rendus capables de nous comprendre et de voir comment Dieu a pourvu à nos besoins. Il est, donc, indispensable de prêcher et d’enseigner la Bible dans l’Eglise. Les sermons doivent être une exposition de la Bible et de ses enseignements, et non pas l’expression des opinions du prédicateur ou des idées courantes de l’époque. Nous devons accepter rien moins que ce que Dieu a donné.

     L’oeuvre du Saint-Esprit dans l’expérience ne saurait être dissociée de l’Ecriture. L’Esprit ne parle pas de manières qui seraient indépendantes de l’Ecriture. Séparés de l’Ecriture nous n’aurions jamais connu la grâce de Dieu en Christ. C’est la parole biblique, et non pas l’expérience spirituelle, qui est le critère de la vérité.

Première thèse : Sola Scriptura

     Nous réaffirmons l’Ecriture inerrante comme unique source de la révélation divine écrite, qui seule peut lier notre conscience. La Bible seule enseigne tout ce qui est nécessaire pour notre salut (et délivrance) du péché, et constitue la règle selon laquelle tout comportement chrétien doit être mesuré.

     Nous déclarons qu’aucun crédo, concile ou individu ne peut lier la conscience du chrétien, que l’Esprit Saint ne parle jamais indépendamment de, ou contrairement à, ce qui est présenté dans la Bible, et que l’expérience personnelle spirituelle ne peut jamais être un véhicule de la révélation.

SOLUS CHRISTUS : L’ÉROSION D’UNE FOI CENTRÉE SUR LE CHRIST

     Au fur et à mesure que la foi évangélique s’est conformée à l’esprit du siècle, ses intérêts se sont confondus avec ceux de la culture ambiante. Les résultats ont été, d’abord, une perte des valeurs absolues et l’émergence d’un individualisme permissif, la guérison s’est substituée à la sainteté, le rétablissement à la repentance, l’intuition à la vérité, le « feeling » à la foi, le hasard à la providence, et la gratification immédiate à l’espérance persévérante. Le Christ et sa croix ont été déplacés du centre de nos préoccupations.

Deuxième thèse : Solus Christus

     Nous réaffirmons que notre salut est accompli par le Christ historique seul, grâce à son oeuvre de médiateur. Sa vie sans péché et l’expiation comme substitut à notre place seules suffisent pour notre justification et notre réconciliation avec le Père.

     Nous déclarons que l’évangile n’est pas prêché si l’on ne déclare pas l’oeuvre expiatoire du Christ et si l’on ne sollicite pas la foi en Christ et en son oeuvre.

SOLA GRATIA : L’ÉROSION DE L’ÉVANGILE

     La confiance injustifiée dans la capacité de l’homme est un produit de la nature humaine déchue. Cette fausse confiance remplit maintenant le monde évangélique – à partir de l’évangile de l’estime de soi jusqu’à l’évangile de la santé et de la richesse, à partir de ceux qui ont transformé l’évangile en un produit à vendre et les pécheurs en des consommateurs qui désirent acheter, jusqu’à d’autres qui considèrent que la foi chrétienne est vraie parce qu’elle est efficace. Tous ces « dérapages » réduisent au silence la doctrine de la justification, quels que soient les engagements officiels de nos églises

     La grâce de Dieu en Christ est non seulement nécessaire, mais reste la seule cause efficace du salut. Nous confessons que les êtres humains naissent morts sur le plan spirituel, et sont incapables de collaborer avec la grâce qui régénère.

Troisième thèse : Sola Gratia

     Nous réaffirmons que par le salut nous sommes délivrés de la colère de Dieu, et cela par sa grâce seule. C’est l’oeuvre surnaturelle du Saint-Esprit que de nous conduire au Christ en nous libérant de notre esclavage au péché et en nous ressuscitant de la mort spirituelle à la vie spirituelle.

     Nous déclarons que le salut n’est en aucun sens une oeuvre humaine. Les méthodes, techniques et stratégies humaines ne peuvent, par elles-mêmes, accomplir cette transformation. La foi ne peut être produite par notre nature humaine non-régénérée.

SOLA FIDE : L’ÉROSION DE L’ARTICLE PRINCIPAL

     La justification est par la grâce seule au travers de la foi seule à cause du Christ seul. Il s’agit là de l’article par lequel l’Eglise tient debout ou s’écroule. Aujourd’hui nombre de responsables, savants et pasteurs qui prétendent être évangéliques, négligent, déforment, voire parfois nient cet article bien que la nature humaine déchue ait toujours refusé d’admettre la nécessité de la justice de Christ imputée, la pensée moderne alimente peu à peu ce mécontentement avec l’évangile biblique. Nous avons permis à ce mécontentement de dicter la forme de notre ministère et le contenu de notre prédication.

     Nombre de ceux qui sont dans le mouvement pour la croissance de l’Eglise croient que la compréhension sociologique des participants au culte est tout aussi importante pour le succès de l’évangile que la proclamation de la vérité biblique. Par conséquent, les convictions théologiques sont souvent divorcées d’avec l’oeuvre du ministère. L’orientation vers le marketing dans beaucoup d’églises va encore plus loin, pour effacer la distinction entre la Parole biblique et le monde, priver la croix de Christ de son offense, et réduire la foi chrétienne à des principes et des méthodes qui assurent le succès des corporations mondaines.

     Tout en prétendant croire à la théologie de la Croix, ces mouvements en réalité la vident de sa substance. Il n’y a pas d’autre évangile que celui de la substitution du Christ à notre place, grâce à laquelle Dieu lui a imputé notre péché et nous a imputé sa justice. C’est parce qu’il a porté notre jugement que nous pouvons maintenant marcher dans sa grâce en tant que définitivement pardonnés, acceptés et adoptés comme enfants de Dieu. Il n’y a pas d’autre fondement pour notre acceptation devant Dieu que l’oeuvre salvatrice du Christ.. pas même notre patriotisme, notre dévouement ou notre rectitude morale. L’évangile déclare ce que Dieu a fait pour nous en Christ, et non pas ce que nous pouvons faire pour l’atteindre.

Quatrième thèse : sola fide

     Nous réaffirmons que la justification est par la grâce seule au travers de la foi seule grâce au Christ seul. Par la justification, la justice de Christ nous est imputée comme unique satisfaction possible de la justice parfaite de Dieu.

     Nous déclarons que la justification ne repose sur aucun mérite qui nous soit propre, ni sur la base d’une infusion de la justice de Christ en nous, nous déclarons de même qu’une institution qui prétend être une église mais qui refuse ou condamne la sola fide ne peut être reconnue comme une église légitime.

SOLI DEO GLORIA : ÉROSION D’UNE ADORATION CENTRÉE SUR DIEU

     Partout où, dans l’Eglise, l’autorité biblique a été perdue, le Christ a été déplacé, l’évangile a été biaisé ou la foi pervertie, cela a toujours été pour une seule raison nos intérêts ont remplacé ceux de Dieu et nous appliquons nos méthodes à l’accomplissement de son oeuvre. Que Dieu ne soit plus au centre de la vie de l’Eglise aujourd’hui est un fait répandu et lamentable. C’est cette perte qui nous permet de transformer l’adoration en divertissement, la prédication de l’évangile en du marketing, la foi en une technique, l’éthique en un feeling agréable à propos de nous-mêmes, et la fidélité en une préoccupation avec le succès. En conséquence, Dieu, le Christ et la Bible ont perdu une grande partie de leur valeur à nos yeux et ne pèsent plus beaucoup sur nous.

     Dieu n’existe pas pour satisfaire à nos ambitions humaines, nos convoitises, notre appétit de consommation, ni même nos intérêts spirituels personnels. Nous devrions de nouveau centrer notre adoration sur Dieu lui-même, plutôt que sur la satisfaction de nos besoins personnels. Dieu reste souverain dans l’adoration, et non pas nous. Nos soucis devraient concerner le royaume de Dieu, et non pas notre propre empire, notre popularité ou notre succès.

Cinquième thèse : Soli Deo Gloria

     Nous réaffirmons que, parce que le salut est de Dieu et a été accompli par Lui, ce salut est pour la gloire de Dieu, et nous devons Le glorifier, lui, toujours. Nous devons vivre notre vie entière devant sa face, sous son autorité et pour sa gloire seule.

     Nous déclarons que nous ne pouvons pas glorifier Dieu convenablement si nous confondons l’adoration avec le divertissement, si nous négligeons la Loi ou l’Evangile dans notre prédication, ou si nous permettons à la recherche de l’épanouissement de soi, l’estime de soi ou la réalisation de soi de devenir les options préférées de notre « évangile »

UN APPEL A LA REPENTANCE ET A LA REFORMATION

     La fidélité de l’église évangélique dans le passé contraste de façon marquante avec son infidélité actuelle. Au début de ce siècle, les églises évangéliques soutenaient un effort missionnaire remarquable, et construisaient de nombreuses institutions religieuses au service de la vérité biblique et du royaume du Christ. C’était une époque où le comportement chrétien et son attente étaient tout-à-fait distincts de ceux de la culture. Aujourd’hui souvent ils ne le sont plus. Aujourd’hui le monde évangélique est en train de perdre sa fidélité à la Bible, sa boussole morale et son zèle missionnaire.

     Nous nous repentons de notre mondanité. Nous sommes tombés sous l’influence des « évangiles » de notre culture sécularisée.. qui ne sont pas des évangiles. Nous avons affaibli l’Eglise par notre manque de repentance sérieuse, notre aveuglement face aux péchés en nous-mêmes que, pourtant, nous voyons si clairement chez les autres, et notre échec inexcusable d’annoncer efficacement à d’autres l’oeuvre salvatrice de Dieu en Jésus-Christ.

     Nous appelons sincèrement les évangéliques égarés qui se sont écartés de la Parole de Dieu dans les domaines développés dans cette Déclaration. Nous y incluons ceux qui déclarent qu’il y a une espérance de vie éternelle en dehors d’une foi explicite en Jésus-Christ, qui prétendent que ceux qui rejettent le Christ dans cette vie seront annihilés plutôt que de subir le juste jugement de Dieu au travers d’une souffrance éternelle, ou qui affirment qu’évangéliques et catholiques romains sont un en Christ là même où la doctrine biblique de la justification n’est plus confessée.

     L’Alliance des Evangéliques Confessants invite tout chrétien à envisager d’incorporer cette Déclaration dans l’adoration de l’Eglise, comme dans son ministère, ses principes, sa vie et son oeuvre d’évangélisation.

Pour la gloire de Christ. Amen.