Dr John LENNOX était l’orateur principal du séminaire RIME 2007. Professeur de Mathématiques et de Philosophie des Sciences à l’université d’Oxford, il enseigne également l’apologétique et la théologie au collège Wycliffe Hall. Il veut nous faire découvrir que «le livre de Daniel est un livre pour adultes qui veulent connaître l’analyse de Dieu sur la civilisation d’aujourd’hui, et ainsi discerner l’importance de questions fondamentales et profondes». Un livre en français va bientôt sortir sur le sujet. L’article ci-dessous, tiré de notes prises lors des sessions, vous en donne un avant-goût. Bien que conservant le style parlé du discours, il vous transmettra, nous l’espérons, un peu de la grande joie que les participants ont eue d’entendre un frère en Christ si brillant intellectuellement, proclamer avec tant de vigueur sa foi en son Sauveur.

Pourquoi avoir choisi l’exemple de Daniel ?

Enlevé de son pays, Daniel est emmené à Babylone. Jérusalem est une ville en ruine, dans un petit pays sans culture, et voilà que Daniel arrive dans une ville somptueuse, à la culture immense, à l’architecture impressionnante: les Ziggurats, « temples du paradis sur terre», les jardins suspendus de Babylone… Ce sont les Babyloniens qui ont travaillé sur la base de 60 dans les mathématiques (structure de l’heure), qui ont développé la médecine, la chirurgie même… Ils étaient brillants en bien des domaines et très en avance par rapport à la culture de Daniel. La culture de Babylone était pluraliste: il n’y avait pas moins de 1197 temples différents dédiés à environ 300 dieux. Aucune autre cité de l’antiquité ne dépendait autant de ses divinités : Ichtar et Marduk donnaient leur nom aux portes de la ville. 26 siècles après Daniel, la nature de cette idolâtrie diffère-t-elle tant de la nôtre?

Daniel est le seul livre à avoir été rédigé des chapitres 2 à 7, entre autre en araméen. De plus, le chapitre 4 n’est pas écrit par Daniel mais par Nebucadnetsar : c’est l’empereur lui-même qui donne son témoignage, là, au milieu de la partie araméenne du livre, écrit dans la langue de la société! Ces chapitres sont les seuls de l’Ancien Testament qui pouvaient être lus par tous. C’est l’apologétique de l’Ancien Testament! C’est comme si nous avions le témoignage du président de la République! Ce livre ne contient donc pas seulement le point de vue de Daniel sur la révélation accordée à Nebucadnetsar, mais aussi celui de Nebucadnetsar lui-même. On y constate comment Daniel est arrivé à un niveau très élevé, dans deux empires différents : c’est unique dans l’histoire. Et l’on découvre que Daniel n’a pas seulement préservé sa foi en privé mais qu’il a maintenu son témoignage public également!

Voilà qui est fantastique!

Comment expliquer le succès de la culture Babylonienne, en comparaison avec Israël, ce pays du monothéisme, si pauvre en culture. C’est aussi la question de notre XXie siècle! Comment la culture de notre monde sans Dieu a-t-elle pu autant se développer ? Mais Daniel était prêt à donner des réponses à sa société. Voilà quatre amis, seuls : une minorité exceptionnelle! D’où trouverons nous la force de témoigner dans notre société de telle sorte que même l’empereur croie en Dieu?

Ce livre traite de la révélation. D’où le grand débat sur sa date de rédaction. Au chapitre 11, Daniel décrit avec exactitude la période hellénistique, avec le démantèlement de l’empire d’Alexandre le Grand. Certains estiment donc qu’il a vécu au IIe siècle après Jésus-Christ: s’il sait ce qui s’est passé dans l’histoire, c’est logiquement qu’il a vécu après… Mais que dire de la possibilité qu’il y ait un Dieu qui connaît les événements à l’avance! Dans notre monde, la question de l’existence de la révélation pose problème à plusieurs. Pourtant, sommes-nous prêts à en témoigner ?

Le Dieu de l’Histoire

La date du début du livre qui précise la livraison de Yehoyaqim permet l’interprétation de l’histoire. Il faut imaginer que le temple de Jérusalem, sans aucune représentation de Dieu, était unique pour tout juif. Or l’inconcevable est arrivé: Nebucadnetsar rentre dans le temple et… rien ne se passe. «Crois-tu encore en Dieu, Daniel ? Pourtant, regarde, c’est simplement une question de puissance! » Pauvre Daniel! Dans l’histoire le fort a écrasé le peuple d’Israël… Comment expliquer l’histoire, notre histoire? C’est une grande question que celle qui ouvre le livre de Daniel: comment comprendre l’histoire globale et mon histoire personnelle. Daniel vit l’histoire et dit: «Le Seigneur livra…» Il y a donc un Seigneur derrière l’histoire? Puis-je témoigner de cela? Au chapitre 9, Daniel donne une explication détaillée sur la manière dont il a pu comprendre l’histoire: par la Parole de Dieu, au travers du prophète Jérémie. Israël s’est compromis avec l’idolâtrie, la captivité va donc suivre. Voilà un enseignement sur la nature de ce Dieu de l’histoire!

Qui est Dieu? Dieu est d’abord le Seigneur de l’histoire. Mais dans quel sens ? Arrive ainsi la question de la moralité et de l’éthique. Notre univers est-il moral ou non? Kant était convaincu de l’existence de Dieu par deux choses : les cieux et l’existence de la moralité dans son cœur. S’il n’y a pas de Dieu, il n’y a plus de base éthique, sinon dans la nature. Cette confusion dans notre société conduit à deux possibilités de référence: la nature ou la psychologie, ou éventuellement le mélange des deux. Voilà pourquoi on cherche dans la biologie et l’évolution une base d’explication éthique, sans l’intervention de Dieu. Dans le domaine éthique, la question du statut de l’univers est importante mais une autre question est posée: le statut de la vie humaine, de l’être humain.

La question des valeurs

L’ordre de la description au chapitre 1 v. 2 est important: «et une partie des ustensiles…». Ce détail est très important… parce que ces ustensiles sont sur la table de Belschatsar dans le chapitre 5! Les ustensiles du temple de Dieu, Nebucadnetsar les met dans la maison du trésor de son dieu! C’est la question des valeurs. L’or était symbole de valeur ; comme aujourd’hui, c’était ce qui était sanctifié. Rappelez-vous de la condition de l’apologétique: sanctifiez Christ le Seigneur dans votre cœur1! L’or est le symbole de Dieu, comme valeur la plus élevée. Le «Notre Père» ne commence-t-il pas par : «que ton nom soit sanctifié» ? C’est l’expression de nos valeurs et la plus haute valeur, c’est Dieu lui-même. Nous voyons ainsi le cœur du succès du témoignage de Daniel: pour lui, Dieu était une valeur absolue! Belschatsar a utilisé pour lui-même les ustensiles, Nebucadnetsar, lui, les a mis au musée comme expression de sa puissance: tous deux les ont relativisés. L’homme relativise l’absolu et ensuite, ne pouvant vivre sans absolu, il fait de quelque chose de relatif, un absolu! Refusant la transcendance, il prend de l’immanence pour en faire de la transcendance: c’est de l’idolâtrie.

L’assimilation et l’identité

Nebucadnetsar a pris les jeunes les plus brillants des nations pour les former à l’université royale de Babylone, axée sur la littérature et la connaissance. Daniel et ses amis n’ont pas refusé cette éducation. Leur conception de Dieu ne consistait pas à se cacher dans un ghetto mais à vivre sur la place publique. Quel paradoxe! Abraham a été enlevé de Babylone pour être pèlerin, Daniel, lui, en est devenu un… à Babylone! Quand on a compris qu’on est pèlerin dans le cœur, alors on peut être envoyé dans une société pluraliste.

Examinons les changements de noms. Nous pouvons y distinguer une tentative d’assimilation mais aussi de relativisation. Voilà le sens du nom «Daniel » : «Dieu est mon juge». Nebucadnetsar a dû penser : «Dieu est ton juge? Alors je comprends pourquoi on vous a vaincu! Avec une telle idée négative de Dieu, on ne peut pas vivre dans ce monde! » Daniel a probablement expliqué le sens véritable de son nom, ce qui lui a permis d’expliquer qui était son Dieu: « J’ai besoin d’un Dieu juge. S’il n’y a pas de jugement, le sens moral me manque. La vie est une illusion si Dieu ne juge pas un jour. » Hananiah signifie « le Seigneur manifeste la grâce» : quel équilibre avec le nom de Daniel! Mishael veut dire «qui est semblable à Dieu? » d’où la réaction possible d’un Babylonien: «en fait, vous, les Hébreux, vous avez un seul Dieu. Mais c’est parce que vous êtes un petit pays… Nous, nous sommes développés avec nos centaines de dieux. » Remarquez que ce nom est une question: sommes nous une question en tant que sel et lumière? Même avec les plus intelligents, je peux poser des questions ! Enfin, Azariah signifie « le Seigneur aide».

C’est notre témoignage et personne ne peut nous l’enlever ! Mais ces noms sont ôtés, dans le but d’assimilation. «La foi, ce n’est pas pour l’espace public mais pour le privé» devait-on déjà dire à Babylone. Beltshatzar signifie «Que Bel protège sa vie! », Shadrac, «commandement d’Akur, Dieu de la lune», Meschac, «Qui est semblable à Aku», Abed Nego, «Serviteur de Nabu», autre Dieu des Babyloniens. La question de l’identité est très importante pas seulement parce qu’on a ôté les noms mais aussi du fait de la dimension de Babylone. Babylone a une pré-histoire: Babel, c’est la porte des dieux. C’est en Genèse 11 que se trouve la philosophie fondatrice de Babylone. «Se faire un nom» (v. 4). Durant la guerre froide, on entendait «Londres, Washington, Moscou etc. a dit » : les villes représentent la philosophie du pays. Au regard de sa pré-histoire, Babylone exprime la quête humaine de reconnaissance et de sens de la vie, la question de l’identité. Mais comment créer une identité? Là est la vraie question. En Genèse 12, vous trouvez une autre philosophie: « Je rendrai ton nom grand! » (v. 1 ss) Voilà les deux possibilités pour avoir une identité: créer mon nom pour moi-même ou bien laisser Dieu créer mon nom. C’est la différence entre idolâtrie et foi, entre Babylone et Abraham qui a cherché une cité avec des fondations de vie. Dans l’Apocalypse, nous retrouvons ces deux trajectoires : Babylone ou Jérusalem. Les quatre amis ont eu des noms superficiels mais n’ont pas perdu leur identité profonde parce que leur vie était dirigées par leur foi, par leur engagement pour Dieu, par Dieu lui-même.

La question de l’image après celle de l’identité

Attardons nous maintenant sur la protestation de Daniel et ses amis. Ils ne veulent pas se souiller avec les mets du roi. Leur protestation fait référence au domaine de la sanctification: Le slogan «Dieu en premier » détermine leur moralité. Pourquoi cette protestation? La nourriture n’était pas mauvaise! Au contraire, tout était parfait! Par contre, Daniel savait-il d’où provenait la viande? (Voir Lévitique 11 v. 41-44; 17 v. 10- 12.) Ce n’est d’ailleurs pas seulement une question de nourriture mais aussi de vin: je remarque que dans une telle société polythéiste, la question du vin est importante: au chapitre 5, lors du festin, Belchatsar a mis son vin dans les ustensiles du temple. Il a pris deux choses importantes du chapitre 1 et les a mises ensemble. Je me demande donc si Daniel n’a pas remarqué que, dans le réfectoire du palais, on rendait grâce au Dieu du vin! Il a donc résolu de ne pas se souiller.

Quelle est l’application pour nous ? Comment protester justement ? Tout en étant prêt à étudier dans cette université, Daniel ici proteste contre la philosophie polythéiste qui se trouve derrière l’éducation. Quelle est la réponse à la grande question de savoir qui est responsable de l’univers et de la vie? Pour Daniel, les versets 1 et 27 de Genèse 1 sont suffisants : voilà la foi de Daniel. Mais à Babylone, non. Pour eux, les anciens mythes de la création expliquent que les dieux se livrent une lutte de pouvoir pour la suprématie. Les humains, au milieu de ces luttes, sont créés pour réduire le travail des dieux. Et la création découle de l’union sexuelle entre les dieux. À noter que le plus important, ce n’est pas la cosmogenèse mais la théogenèse, le commencement des dieux. Au commencement, il y a la matière primitive, une « soupe», une «mer » primitive, Nammu en sumérien, Nun en égyptien. C’est donc un point de vue matérialiste. Aujourd’hui, s’il y a une intelligence primitive, elle n’est plus conçue comme surnaturelle mais naturelle: elle a subi sa propre évolution. Ce point de vue est semblable à celui des… Babyloniens ! Protester reste donc pertinent pour nous aujourd’hui! Je proteste quand on me dit que le sens d’un message écrit peut être trouvé dans la physique ou la chimie du papier sur lequel il est écrit. Je proteste quand on me dit que deux éraflures significatives dans une grotte chinoise extrêmement ancienne ont un sens dû au hasard… ou à la nécessité, alors qu’il y a 5×109 codons dans l’ADN. Daniel a protesté. Il nous faut protester.

Examinons la réaction d’Aschpenaz, le serviteur du roi: il a peur. (1 v. 8 ss). Il a peur car il aime bien Daniel. Daniel lui a donné un espace pour penser à la situation. Daniel proteste, certes, mais voyez avec quelle sensibilité! Aschpenaz craint car Babylone est une monarchie absolue sans constitution ni loi. L’empereur peux faire ce qu’il veut: un simple mal de tête peut justifier une décision radicale! (Voir au chapitre 5). La peur est fondée sur une question d’image, d’apparence. Ici, il s’agit de l’apparence physique certes, mais nous connaissons ce même problème à l’ère de l’image dans laquelle nous vivons. L’image a remplacé le mot. Dans l’empire, Nebucadnetsar a voulu avoir les jeunes les plus sages et les plus brillants pour son administration. Aschpenaz craint donc que le visage de Daniel ne soit abattu. En manifestant cette crainte, Aschpenaz met une grande pression sur Daniel: « renonce à cette idée de ne manger que des légumes si tu veux conserver ta place…» C’est ainsi que, jeune étudiant à Cambridge, je fus convoqué par un professeur pour m’entendre dire: «Si vous voulez vraiment faire carrière dans la science, renoncez à ces notions concernant Dieu: elles ne vous porteront que préjudice. » Cela aurait été très facile de me compromettre, de me taire.

Nous, évangéliques, donnons parfois l’impression que nous sommes contre toute argumentation intellectuelle. Cette posture est dangereuse. En effet, plusieurs personnes voudraient devenir évangéliques. Mais, partant du postulat couramment admis que la foi doit être du domaine privé, elles ont peur qu’en devenant évangéliques, elles ne puissent plus agir dans la société. Dire publiquement qu’on croit en Dieu m’attire des inconvénients… Ne rien dire, c’est une pression de plus pour privatiser ma foi. Quelle est mon image dans la société, comment me perçoit-on là où je vis ?

La révélation

L’empereur s’entretient avec Daniel et ses amis et ceux-ci sont reconnus dix fois supérieurs aux magiciens ! Voilà le résultat: si tu crois en Dieu, tu seras supérieur ! Magnifique! Mais c’est une question de supériorité relative…! Nous avons vu le thème important de ce livre: le danger de relativiser l’absolu et «d’absolutiser » le relatif. Alors, découvrir ici le comparatif meilleur est intéressant: est-ce que le fait d’avoir la foi est relativement supérieur ? Et cette foi est-elle relativement meilleure que d’autres fois ? Cette question est traitée au chapitre 2 sur le thème de la connaissance. Nebucadnetsar les a découverts dix fois supérieurs d’une part, mais dans le chapitre 2, il découvre la différence absolue entre les sources de connaissance: entre la raison humaine et le raisonnement divin. Nebucadnetsar a fait un songe et décide de réaliser une expérience; car, en réalité, il n’a pas oublié le songe. Les Chaldéens répondent «qu’il n’y a personne sur terre capable de cela… exceptés les dieux dont la demeure n’est pas parmi les hommes » ! Le salaire des astrologues avoisinait les 100000 euros par an. Ils étaient les conseillers de l’empereur en matière d’orientation stratégique et de politique économique, à la fois experts, économistes et astrologues, un mélange de mysticisme, de vraie science, de polythéisme et de magie. Ne retrouve t’on pas ce mélange au niveau de nos élites politiques aujourd’hui ? Nebucadnetsar les teste et veut certainement vérifier l’écart entre eux et les quatre jeunes hébreux. Or, Daniel a trouvé la source de la sagesse et de l’information. Y a-t-il un univers clos ou un Dieu qui révèle les choses ? C’est d’ailleurs le fond de toute la polémique sur la datation de Daniel. Quelle est la relation entre raison et révélation? Lisez 2 Pierre 1 v. 16ss. Nous n’étions pas là sur la montagne, mais nous tenons pour d’autant plus certaine la parole prophétique… de la part de Dieu. (v. 19). La prophétie dans les écritures n’est pas le fruit d’une analyse personnelle. Les experts de Babylone ont analysé personnellement la situation puis ont élaboré leur déduction. La prophétie, elle, n’est pas le fruit de ma propre intelligence. C’est important parce que ce n’est pas par une volonté humaine mais poussés par le Saint-Esprit que les hommes ont parlé. La prophétie est un phénomène allant du haut vers le bas et non l’inverse. Dieu est l’initiateur et l’information vient de lui. Alors, la révélation est-elle contre la raison? Non. Ce serait confondre les catégories que de dire cela. Il faut au contraire distinguer deux sources d’informations : l’économie, la philosophie, la nature… constituent la première et j’utilise ma raison pour les étudier. L’autre source est la révélation. Ma raison seule ne peut pas arriver à l’information contenue dans la Bible. Mais pour lire ce livre que Dieu me donne et en comprendre la révélation, il faut utiliser ma raison! Raison et révélation ne sont pas contraires.

Mais alors, une autre question se pose: comment rendre crédible l’existence de la révélation? Remarquons ce que les astrologues ont dit à Nebucadnetsar, une confession très intéressante: «personne sauf les dieux dont la demeure n’est pas parmi les hommes». D’où la conclusion qui s’impose: «puisque nous n’avons pas de contact avec les dieux, puisque notre monde est clos, il n’y a pas de révélation» ! Pourtant, c’était leur travail d’être en contact avec les dieux. Le résultat du test est négatif! Ce sont en fait des matérialistes! Quelle situation difficile pour ces astrologues!

Daniel, lui, a prié avec ses amis. Une minorité de quatre personnes qui prie: ne minimisons pas les petits groupes qui prient pour le témoignage! Dans la nuit, Dieu accorde la révélation et sauve… les astrologues ! Dieu sauve ceux qui furent la cause de bien des tourments pour Daniel. Constatez ainsi l’importance de montrer du respect à ceux qui ne partagent pas notre système de pensée, notre vision du monde. Notre religion ne sera pas traitée de fanatique si nous nous mettons du côté de ceux qui souffrent et non de ceux qui tuent: quelle belle attitude de sensibilité chez Daniel et ses amis !

«Es-tu capable? » demande l’empereur au verset 26. Et Daniel répond: «Mais il y a dans les cieux un Dieu…» Quel courage! C’est le niveau le plus haut du témoignage d’Israël dans le monde ancien. Dieu a préparé le cœur de Daniel, y a développé une loyauté sans faille envers le Seigneur et cet homme est soudainement catapulté au plus haut niveau. Voilà le résultat de la foi de quatre hommes. Mais comment Daniel a-t-il pu être sûr que ce qu’il a révélé était la vérité? Il faut d’abord voir cette affirmation de la révélation comme un acte de confiance en Dieu et donc de courage! Il y a une grande différence entre l’intelligence humaine et la révélation de Dieu. Je crains l’idolâtrie intellectuelle, je crains de faire d’abord confiance à ma capacité propre, à mon cerveau et mon intelligence et de n’utiliser Dieu que quand ce que j’ai utilisé avant ne marche plus ! Honnêtement, où est ma confiance? Les idoles du monde ancien étaient des choses dans lesquelles les hommes mettaient leur confiance et pas forcément celles qu’ils aimaient.

L’idolâtrie, c’est avoir confiance dans mes dons puis utiliser Dieu. La foi, c’est avoir confiance en Dieu puis utiliser mon intelligence. Si vous craignez d’avoir à vous confronter un jour à des arguments supérieurs aux vôtres, souvenez-vous de ce qu’est la foi. L’enjeu n’est pas de gagner une discussion par de meilleurs arguments mais de gagner une personne! On peut gagner une discussion et perdre la personne! Si nous argumentons d’abord avec notre intelligence, nous argumentons avec arrogance. Au contraire, si nous sommes honnêtes, nous oserons répondre: «S’il vous plaît, donnez-moi un peu de temps pour réfléchir à la question. » Les arguments sont certes importants mais notre confiance, comme pour Paul, doit d’abord être en Dieu. Où est ma confiance?

Quant à la crédibilité de la révélation, la réponse tient dans la nature de la révélation. Quels sont les critères de la vérité? La cohérence et la correspondance. Il doit y avoir correspondance avec la réalité historique et cohérence avec l’actualité.

La question de la loi, de la vérité et de l’oppression :

Il est intéressant de découvrir ce que Dieu a voulu faire comprendre à Nebucadnetsar. L’empereur a vu un colosse composé de métaux variés : aucun des gouvernements du monde ne possède une valeur absolue. Le verset 39 du chapitre 2 dit: «Après toi, il s’élèvera un royaume moindre que le tien». Dans quel sens pouvait-il être moindre, ce royaume des Mèdes et des Perses ? Sous Nebucadnetsar, Daniel refuse de se compromettre avec la philosophie cachée derrière l’éducation de Babylone. Toutefois, on ne lui a pas interdit de pratiquer sa foi. Mais à partir du chapitre 6, on essaie d’empêcher l’expression de sa foi: on ne peut prier quelqu’un d’autre que le roi. C’est un point important du livre, celui où la discrimination commence. La loi, la vérité et les limites de l’oppression constituent le grand thème des chapitres 6 à 12.

Le royaume des Mèdes et des Perses est moindre pour une autre raison. Babylone était une monarchie absolue, le royaume des Mèdes et des Perses une monarchie constitutionnelle dans le sens où il existait une loi au-delà de laquelle même le roi ne pouvait aller ! Où préférons-nous vivre? Dans l’empire de Babylone où le roi fait ce qu’il veut ou bien dans l’empire des Mèdes et des Perses dotés d’une loi. Dans un sens, l’évolution est positive de l’un à l’autre: les lois régulent favorablement la vie d’une société. Mais la question importante est la relation entre les valeurs et la loi. En effet, dans une société qui a abandonné Dieu, les valeurs sont déterminées en grande partie par la loi. On parle souvent de deux catégories de lois : la loi naturelle, basée sur la création et la loi fondée sur Dieu et les Écritures. Mais il y a aussi la loi dite positive, déterminée par le peuple et par la démocratie. Or quand les valeurs sont déterminées par le choix de la majorité, par exemple d’une majorité mue, comme avec Daniel, par la jalousie, la question devient cruciale… Darius a remarqué que Daniel est brillant. Il en a fait son premier ministre déclenchant ainsi la jalousie des autres. Ceux-ci n’ont rien trouvé à reprocher à Daniel. Alors ils ont l’idée de lui créer un problème avec la loi de son Dieu en utilisant… leur propre loi. Notre vie est très tranquille quand la loi de notre pays et celle de Dieu sont en accord. Mais dès lors qu’on utilise une loi positive pour introduire une discrimination envers le chrétien, la difficulté commence.

En Grande Bretagne, ce type de danger nous guette. Nous n’avons pas connaissance de ce qui se trame au niveau législatif et quand nous constatons que la loi est promulguée, il est trop tard! Qu’il est difficile actuellement de dire que Jésus-Christ est le seul chemin pour aller au Père. Qu’il est difficile d’affirmer qu’on croit que Romains 1 est pertinent aujourd’hui. Pas à pas, une discrimination s’installe par une loi positive et c’est le commencement d’une persécution du type de celle du livre de Daniel. Les chrétiens se trouvent face à deux lois et donc deux loyautés. J’ai parlé avec beaucoup de chrétiens russes qui ont souffert de la puissance de la loi positive. Le chapitre 3 de Daniel nous décrit la situation la plus extrême de l’oppression. L’enjeu du choix est la vie des trois amis et de l’autre coté l’obéissance à Dieu: quelle décision!

Voir la gloire du Seigneur

Par quoi Daniel a-t-il été fortifié tout au long de sa vie de témoin? Pas seulement par la lecture de Jérémie mais aussi par la vision de la gloire du Fils de l’Homme. Découvrez toutes ces images de Jésus-Christ dans ce merveilleux livre! La petite pierre (2 v. 34), cette fondation solide au regard de la faiblesse des gouvernements mondiaux. Ce fils d’homme venant sur les nuées du ciel et à qui l’on donne la domination (7 v. 13), affirmation que l’on retrouve dans la bouche de notre Seigneur, cause de sa crucifixion. L’Oint qui sera retranché (9 v. 26). Le quatrième homme dans le feu, avec les trois amis (3 v. 25). Et puis, l’homme au-dessus du fleuve (10 v. 5ss).

Dans ce chapitre 10, nous lisons qu’il y a une guerre derrière les scènes de ce monde, qu’il y a un monde surnaturel. Il ne s’agit donc pas seulement de problèmes humains de cette terre. Les enjeux sont plus élevés et nous le sentons ! C’est alors que Daniel soudain voit un homme au-dessus du fleuve: voilà la réponse! Connaissons-nous cet homme? Bien sûr ! C’est le même que Jean a vu, sur l’île de Patmos. Nous allons vers un avenir inconnu et la seule chose qui peut nous aider à tenir bon, c’est de voir la gloire que Daniel et les disciples ont vue. Ce qui les a motivés et poussés, c’est cette vision de Sa gloire. Il nous faut des responsables d’églises qui, par-dessus tout, nous montrent la gloire de Dieu, montrent aux gens les trésors qui sont en Jésus-Christ. La connaissance ne fait pas l’autorité. Celle-ci ne vient que d’une expérience profonde d’avoir vu la gloire du Seigneur. Or, je ne peux montrer aux autres une gloire que je n’ai pas vue moi-même! Lire la Bible cinq minutes par jour ou seulement dans le but de préparer un message, c’est le chemin de la pauvreté spirituelle. Si j’étudie la Bible pour connaître Dieu, alors les messages couleront! Travaillez la Bible jusqu’à ce que le visage du Christ vous apparaisse! Alors, vous aurez quelque chose à dire à notre société. Si Dieu n’est pas capable de parler dans une voix que je comprends, pourquoi encore travailler ? Si vous entendez la voix de Dieu, vous aurez une stabilité qui vous aidera à rendre témoignage à Jésus-Christ, par la puissance du Saint-Esprit. Notre défi à nous est de vivre pour cet homme-là!

Que la France entende qu’il y a un Dieu qui vit dans les cieux!

Dr John LENNOX


NOTE

1 Voir article InfoFEF n° 112, page 4