Saynète de Noël en deux actes
pour adultes et adolescents
par Mme Andrée Dufour
Personnages :
Des figurants, de 15 à 22 ou 23 ans
Nombre minimum : 4, davantage si possible
Marie Fabre, 40 ans
Monsieur Lelong, son voisin, âge indifférent
Karl, un jeune homme
Geneviève, son amie
Pierre, 16 ans
Elisabeth, 18 ans
Esther, 16 à 18 ans
Christiane, 20 à 25 ans
Albert, 16 à 19 ans
Monique, 16 à 18 ans
Acte 1
Personnages
Des figurants
Marie Fabre. Monsieur Lelong. Karl. Geneviève. Pierre
Décor
Une grande pièce studio. Deux portes au fond de la scène : une à gauche, une à droite. La porte de gauche, lorsqu’elle est ouverte, donne sur une autre porte à angle droit : celle des voisins bruyants. La porte de droite donne sur la cuisine qui n’est pas visible.
Un divan ou un lit. Des chaises, une table basse, un bouquet de fleurs, etc.
Circonstances
Il est deux heures du matin, Marie Fabre va et vient dans la pièce. Elle est à bout de nerfs en raison du vacarme produit par les voisins de gauche. On entend des rires, des cris, de la musique moderne (danse).
Marie | (Elle se tient la tête) Non ! Non ! Je n’en peux plus ! (Elle regarde sa montre) Encore une heure de ce tapage et je deviens folle ! A moins que je ne le sois déjà ! Ça promet pour la nuit de Noël… (Elle frappe au mur avec un objet. La musique s’arrête… Un grand silence !) |
Une voix | Hé, les vieux ! à la casse ! (Eclats de rire. La musique recommence.) |
Marie |
(Elle soupire) Mon Dieu ! Que faire ? Que ferais-tu à ma place ? |
Monsieur Lelong |
(On frappe. Elle va ouvrir. Monsieur Lelong, également en peignoir, échevelé, se présente à la porte de Marie.) Madame Fabre, retenez-moi ! Je vous préviens, je crois que je vais faire un malheur ! Si je les coince, je vous promets qu’ils vont l’avaler leur musique ! |
Marie |
(Conciliante) Entrez, Monsieur Lelong. C’est terrible, nous ne dormons plus. Mais il doit y avoir une autre solution que la violence. |
Monsieur Lelong |
Pensez-donc ! Il n’y en a pas ! Je défonce leur porte ! (Il s’agite comme un fou et donne de grands coups contre la porte contigüe. On ouvre, les jeunes surgissent, bousculent Monsieur Lelong et envahissent l’appartement de Marie Fabre.) |
Un jeune | Qu’est-ce qui ne va pas pépère ? |
Une fille |
(Elle est ivre, elle rit.) Les bons bourgeois capitalistes veulent leur compte de sommeil, hein ? |
Karl |
Puisque c’est ça, on va la faire hurler la sono ! Tu vas en avoir pour ton argent ! |
Monsieur Lelong |
Ecoutez, les jeunes, il faut cesser, sinon… |
Karl | (L’interrompant) Sinon… Sinon quoi ? Tu veux mon poing sur la figure ? |
La fille |
(Langage avinė) Il se prend pour qui ? Pour un flic ? |
Un jeune |
Si tu ne sais pas rire, grincheux, tant pis pour toi ! Pour nous, la fête continue. Alors ça suffit ! |
Monsieur Lelong |
Et moi aussi, je dis que ça suffit ! Compris ? (Marie s’avance) |
Karl
|
Bon ! Tu l’auras voulu ! (Il lance un formidable coup de poing destiné à Monsieur Lelong, mais vivement Marie s’est interposée entre les deux hommes. C’est elle qui reçoit le coup de poing, elle s’écroule sur l’estrade. Les jeunes font cercle autour d’elle.) |
Geneviève | Eh là ! Tu l’as assommée ! C’est elle qui l’a eue la châtaigne ! |
Un jeune |
Zut alors ! Elle est drôlement sonnée ! |
Une fille |
Eh Karl, tu y es allé un peu fort ! Regarde, elle saigne maintenant ! |
Geneviève |
Elle ne bouge plus, peut-être qu’elle est morte ? |
Les jeunes |
(Atterrés) Quelle horreur ! |
Monsieur Lelong |
Ah, c’est malin d’être aussi brutal que ça ! Il faut écouter si elle respire encore ! |
Karl |
(Affolé) Oh! non ! J’voulais pas… J’voulais pas faire ça ! |
Un jeune |
He les gars, allez arrêter la musique pour qu’on écoute si elle respire ! |
Karl |
(Il se penche sur Marie)… Ouf! Elle n’est pas morte, mais elle est certainement évanouie ou dans le coma. |
Un jeune |
Heureusement qu’elle respire ! |
Geneviève |
Voilà, j’apporte un gant avec de l’eau froide pour qu’elle revienne à elle. |
Karl |
Oh! écoutez, j’suis désolé, quand j’ai bu, je me fâche vite et je sens plus ma force. |
Monsieur Lelong |
Evidemment, en passant des soirées à boire et à casser les oreilles des voisins, je comprends qu’on ait des réactions pareilles ! Vous n’avez donc pas d’autres distractions ? |
Un jeune |
Justement, non ! |
Pierre |
On voudrait bien faire autre chose, mais quand on n’a pas de fric, on ne va pas loin ! |
Une fille |
Il a une situation pas facile, Pierre, alors on vient lui remonter le moral. D’ailleurs, chez moi, à la maison, c’est le même scénario. |
Un jeune |
Et vous, les vieux, à part la télé, avez-vous autre chose à nous proposer et qui ne coûte rien ? Vous croyez qu’on ferait autant de bruit si nos coeurs n’étaient pas si vides ? |
Un autre jeune | On se défoule comme on peut. On se venge… |
Pierre | Pas moyen d’avoir une conversation intelligente avec mon père. Sorti de ses matches de foot et de son boulot, il est inexistant. |
Une fille | Vous ne faites pas le poids, vous êtes des minables ! |
Geneviève | (Hors d’elle) Oh! Arrêtez avec vos histoires ! Il faut faire quelque chose, elle ne revient toujours pas à elle ! |
Un jeune | Elle ne bouge plus… Tout de même, si elle était morte ? |
Pierre | Oh ! là, là ! C’est pas possible ! Je me sauve.. Je ne peux pas voir ça ! |
Karl | Je ne l’ai pas sonnée à ce point-là, tout de même ! |
Geneviève | Il faut appeler Police-secours. |
Un jeune | La police ! Ah non, je file… |
Un autre jeune | Moi aussi ! (Ils disparaissent tous les uns après les autres.) |
Karl | Pas très beau comme procédé de vous laisser là tout seul, mais moi les flics, ils m’ont déjà pincé une fois, alors… (il sort discrètement !). |
Geneviève | (Elle part la dernière, avec un regard implorant.) Dites, vous allez vous en occuper ? (Elle sort de la pièce.) |
Marie | (Elle se lève très lentement, en se tenant la tête. Traces de sang sur sa joue droite.) Ne vous inquiétez pas, c’était tout juste pour leur faire peur. |
Monsieur Lelong | (Soulagé) J’aime mieux ça. N’empêche que vous êtes en piteux état. (Il attrape une serviette à portée de sa main. Il propose : ) Vous voulez que je vous fasse un pansement ? |
Marie | Donnez-moi une serviette. Je vais simplement la tenir contre ma tête. |
Monsieur Lelong | Bon, j’appelle le docteur. Je m’absente cinq minutes, juste le temps de téléphoner. |
Marie | Ne vous inquiétez pas, je tiendrai le coup. Ne vous ai-je pas maintes fois répété que dans ma vie tout avait une signification ! Avec Dieu, rien n’est dû au hasard. |
Monsieur Lelong | Même cette sale histoire ? |
Marie | Oui, même ça ! (Il part. Elle reste seule et soliloque.) Ils avaient raison ces jeunes. En fait, ils se défoulent pour oublier à quel point leur coeur est vide. Ils sont aux prises avec des problèmes affectifs. Il faudrait leur parler de l’amour du Seigneur. Il y en a un qui a demandé ce que nous, les aînés, nous avions à leur proposer. C’est vrai ! Jusqu’à maintenant, on ne leur a guère parlé, et c’est bientôt Noël. Il faudrait les inviter… Oui, il faudrait… (Elle s’évanouit de nouveau. Monsieur Lelong revient.) |
Monsieur Lelong | Oh ! La voilà encore évanouie ! |
RIDEAU
Acte 2
Personnages
Pierre. Karl. Geneviève. Monsieur Lelong. Elisabeth. Esther. Christiane, Albert. Monique. Des figurants : adolescents et jeunes dont les âges varieront selon les disponibilités du groupe.
Décor
Le même, mais l’appartement est décoré en vue de la fête de Noël.
Dans un angle, ou au milieu de la pièce, une table basse. Des gâteaux, des jus de fruits, des verres, etc. y seront installés discrètement pendant la scène, par les jeunes inoccupés qui entreront et sortiront de la cuisine.
Circonstances
C’est l’après-midi du 25 décembre. Marie Fabre est absente. Elle a été hospitalisée, mais son appartement est laissé à la disposition des jeunes croyants. Lorsque le rideau se lève, fous sont sur scène sauf Pierre, Karl, Geneviève et Monsieur Lelong. Ils chantent.
Esther | Tu crois que nous allons réussir ? Ça ne va pas être si facile de leur expliquer la véritable signification de Noël. (Personne n’a le temps de lui répondre, quelqu’un frappe.) |
Albert | (Il se dirige vers la porte.) Entrez ! |
Geneviève | Bonjour ! … Oh !… mais (Elle a un mouvement de recul.). |
Elisabeth | Entrez… Entrez… On vous attendait. (Pierre et Karl entrent à leur tour. Salutations usuelles.) |
Karl | (Soupçonneux) Qu’est-ce que ça veut dire ? |
Pierre | Marie Fabre nous a fixé un rendez-vous ici, dans sa maison, à trois heures de l’après-midi. Mais vous, qui êtes-vous ? |
Monique | Des gars et des filles comme toi. |
Geneviève | Ça ne nous renseigne guère. |
Karl | Ecoutez ! Pas de cérémonies. On va jouer franc jeu. On vous entend chanter depuis un moment de l’autre côté de la cloison et c’est pas notre style. Seulement, voilà, celle qui crèche ici, si elle avait porté plainte contre moi, je serais en taule à l’heure qu’il est. Elle m’a promis qu’elle ne mettrait pas les flics dans le coup. Elle a tenu parole, donc je tiens la mienne. Me voici exact au rendez-vous. |
Albert | OK, tu es un type régulier ! |
Karl | Remarquez bien, une mémé de ce calibre-là, ça ne se rencontre pas tous les jours. |
Geneviève | Si on avait su que la nouvelle voisine était si arrangeante, on aurait fait gaffe à son sommeil. (Pendant ces répliques, certains pourront dresser la table pour le goûter.) |
Karl | Avant elle, c’étaient des jeunes qui occupaient cet appartement. |
Pierre | Ils faisaient partie de notre bande. |
Karl | On rigolait ensemble. La Marie Fabre, on voulait qu’elle se tire. |
Geneviève | On a mis le paquet pour se débarrasser d’elle. On lui en a fait passer des nuits blanches ! |
Karl | Rien à faire ! Elle s’est cramponnée à son appartement comme un noyé à sa bouée de sauvetage. |
Christiane | Et ça ne vous a jamais étonnés ? |
Pierre | Si, justement ! Dans la rue, on la rencontrait, souriante et détendue, comme si rien ne s’était passé. |
Geneviève | En fin de compte, on a craqué avant elle. Depuis…. le… la fameuse blessure, c’est nous qui ne dormons plus. |
Un jeune | Asseyez-vous et détendez-vous. Vous êtes des nôtres. |
Monique | (Elle tend un verre.) Tiens, rafraichis-toi ! |
Pierre | Merci. |
Geneviève | On est des vôtres ! Mais enfin, pourquoi ? |
Albert | Tu viens de dire que Marie Fabre, pour une raison inexplicable, s’est cramponnée à cet appartement comme un noyé à sa bouée de sauvetage ? Eh bien, nous, nous nous sommes cramponnés a sa merveilleuse valeur qui a donné un but à notre vie. |
Pierre | (Intéressé) Ah, oui ? |
Karl | (Méfiant) Oh ! Je vous vois venir… Vous allez nous raconter des tas de trucs sur Jésus-Christ. Mais si Marie Fabre n’avait pas tenu le choc, si l’opération avait raté, je serais à l’ombre. Alors, votre petit cours de religion, pour moi, ZERO ! |
Geneviève | (Fâchée) Tu es injuste, Karl ! Elle n’y a pas passé ! L’opération a réussi. En vérité, est-ce qu’il ne faudrait pas remercier, au moins une fois, celui que tu maudis ? |
Pierre | Et ceux-là ont quelque chose à nous dire de la part de Marie Fabre. Par respect pour elle on doit écouter. Après, on discutera. |
Geneviève | D’accord. |
Esther | On peut donc sans préambule vous parler un peu de nous ? |
Pierre | Feu vert. Tu débrayes et on discute. |
Christiane | Ça nous va. |
Elisabeth | Voilà, on est chrétiens, comme Madame Fabre. Dans son état, elle ne pouvait fêter Noël avec nous. Elle nous a proposé de le faire avec vous. |
Geneviève | Ça alors, c’est sympa ! |
Pierre | Evidemment, être chrétien, comme ça, c’est étonnant. Moi, je n’y connais rien à tous ces trucs de religion. |
Albert | Moi non plus, je n’y connais rien. Je sors d’un endroit où l’on m’a appris à voler quand j’étais haut comme ça (geste de la main) |
Karl | Tiens… moi aussi ! (Songeur) On dirait pas à te voir. |
Albert | Pourtant, c’est la réalité. Et tu sais, tôt ou tard, ce genre de trafic, ça se paie. Les policiers ne m’ont jamais arrêté. JESUS-CHRIST a réussi cet exploit. Il m’a arrêté ! « J’AI PAYE POUR TOI », qu’il m’a dit. « Regarde mes mains percées. Toutes les saletés ont été clouées sur le bois. Si tu me remets ton bagage de crapuleries, je te donne ma vie et ma joie, pour toujours. J’ai répondu à Christ : OK. Je n’en peux plus, délivre-moi ! ». |
Karl | (Ironique) Comme ça… Tout simplement ? |
Albert | Oui. Le pardon est simple. Remarquez bien, les gars, que ça n’a pas été un boulot facile, en un sens, de lui énumérer mes fautes et d’aller restituer ce que j’avais volé. Mais ça valait la peine. |
Karl | Hum… |
Elisabeth | Si tu veux, je vais te raconter un peu ce qui s’est passé en moi, il y a quelques années. A l’époque, je voulais me suicider. |
Geneviève | Toi ! La déprime, ça n’a pas l’air d’être ton genre ! |
Elisabeth | Si tu m’avais vue à ce moment-là, tu en aurais été convaincue. J’en avais marre de vivre. Mes parents se disputaient souvent, mes profs ne me comprenaient pas, ils ne répondaient pas à mes questions. Je ratais mes études. Mon meilleur copain avait déménagé et n’écrivait plus. |
Geneviève | Ah ça, les promesses des copains… |
Elisabeth | J’avais l’impression que personne ne m’avait jamais aimée… Alors, un jour, j’ai avalé un tube de somnifères. |
Pierre | La même idée me passe parfois par la tête. |
Geneviève | (Surprise) Toi !!! |
Karl | (Mimiques. Il s’adresse à Pierre, ironique.) Ça va bien, chez toi ? |
Monique | Ça prouve qu’il y a toujours un coin secret dans le coeur de l’homme, que le meilleur ami ne peut même pas soupçonner. (A Karl) Tu ignorais qu’il se torturait les méninges comme ça, hein ? |
Karl | Sûr ! C’est le plus enragé du groupe. |
Elisabeth | Vous voulez savoir la suite ? |
Pierre | Oui, tu m’intéresses. |
Elisabeth |
Je me suis réveillée à l’hôpital. A côté de moi, il y avait une fille sympa. Elle avait la jambe cassée. On a pu parler ensemble. Enfin, au début, je dirai que c’est surtout elle qui a parlé. Moi, j’étais encore sonnée. J’avais envie de rien, surtout pas de lui répondre. Elle a eu de la patience et m’a proposé de lire tout haut certains passages de la Bible. J’me suis dit : « Ça ou autre chose… Qu’est-ce que ça peut faire. Ça va peut-être me changer les idées ! ». Elle a commencé à me lire des récits qui parlaient de l’amour de Jésus-Christ pour un tas de gens malheureux. En l’écoutant, j’ai senti que ça me faisait du bien. On a passé des heures, comme ça. Je lui posais des questions et je voyais à ses réponses qu’elle croyait à tout ce qui était écrit dans le Livre. Et puis, un soir, c’est moi qui y ai cru, quand j’ai écouté le passage qui dit : « Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je vous donnerai du repos. » J’ai prié Jésus-Christ afin qu’il m’ôte ce grand poids que j’avais sur le coeur, qu’il m’enlève mon fardeau d’anxiétés. Je l’ai supplié qu’il me redonne la joie de vivre, et il l’a fait. Il y a un autre passage qui dit : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. » Quand j’ai lu ça, j’ai compris que Jésus m’avait aimée comme personne ne m’avait jamais aimée ! Il est le seul à avoir accepté de mourir à ma place ! C’est incroyable ! ll a supporté sans un mot les railleries, le fouet, les coups de poing… |
Geneviève | (Elle s’exclame) Dites-donc ! Exactement comme le coup de poing destiné à Monsieur Lelong ! C’est Marie Fabre qui l’a encaissé ! |
Karl | Oh ! Tais-toi ! Ce coup de poing, il me triture l’estomac… |
Pierre | On se figurait que les chrétiens ne pigeaient rien. Au fond, avant votre expérience avec… avec… |
Christiane | (Elle aide Pierre) Appelons-le par son nom : avec le Fils de Dieu. |
Pierre | D’accord. Avec le Fils de Dieu ! Vous étiez dans la même galère que nous. |
Elisabeth | Tu parles ! Des oppressions intérieures à en avoir la nausée. Moi aussi, je riais très fort avec les copains. Si vous aviez su combien cette façade de gaieté camouflait de misère morale… |
Pierre | (Gravement) Je crois que je sais. |
Monique | Avant notre rencontre avec Jésus-Christ, nous marchions dans la nuit. Maintenant, c’est comme une aurore qui n’en finit plus. |
Karl | Moi, je suis un dur. Ma mère m’a flanqué à l’Assistance Publique. |
Esther | (Elle l’interrompt) Attends, je vais te raconter autre chose. Sur la croix, il y avait deux autres condamnés. Des criminels endurcis… Pas plus tendres que toi. L’un d’eux a suivi Christ, comme nous. |
Geneviève | Comme vous ? Deux mille ans après ? |
Pierre | Dites, c’est important ce que vous nous expliquez aujourd’hui. Il ne faudrait pas se payer notre tête. |
Elisabeth | Tu as raison, c’est l’expérience la plus importante d’une vie. |
Christiane | Ça nous installe une grande joie à l’intérieur. Une joie que personne ne peut nous ôter. |
Pierre | Je le vois bien. C’est ce quelque chose que vous avez en plus qui est étonnant. Si j’essaie… (Hésitant) vous me donnerez un coup de main ? |
Albert | Quelle question ! Nous sommes ici à cause de vous trois. |
Pierre | Alors, ça marche, j’essaie. |
Albert | ОК ! |
Esther | Vous savez, Marie Fabre a eu besoin du pardon de Christ. Son passé a sans doute été différent du nôtre, mais il n’a pas été plus brillant. |
Pierre | Ah oui ? (Monsieur Lelong est entré discrètement. Dans le feu de la conversation, on ne l’a guère remarqué.) |
Karl | (Précis et catégorique) Ecoutez-moi, vous autres. Vos raisonnements tiennent debout. Même si je n’admets pas tout, je comprends qu’il soit possible de virer de bord, un jour, comme vous l’avez fait. Seulement, il y a deux murs de béton qui me barrent la route. Le premier, c’est Marie Fabre, avec sa gentillesse. Quand je pense que dans quelques jours, elle sera sortie de l’hôpital, que je la rencontrerai dans l’escalier et qu’elle me dira un mot sympa… j’en attrape des sueurs froides. |
Geneviève | Il passe sa mauvaise humeur sur moi c’est gai. |
Karl | Cette nuit, je n’ai pas fermé l’oeil. Chaque fois que je m’endormais, je voyais Marie Fabre dans mes cauchemars. Une belle nuit de Noël ! Je m’en souviendrai ! |
Pierre | Tu ne vas pas tomber malade, tout de même ! |
Geneviève | Si seulement, elle avait quitté le quartier, avec la vie qu’on lui a menée ! |
Monsieur Lelong | Elle avait peut-être ses raisons de rester ici. |
Elisabeth | Tiens, vous êtes là ! On ne vous avait pas entendu entrer. |
Albert | Tu as parlé d’un deuxième mur de béton. Celui-là nous intéresse aussi. |
Karl | Votre Dieu, je l’ai prié jusqu’à l’obsession. D’abord, quand j’étais gamin, puis, plus tard, vers les quatorze ans. C’était pour lui demander une seule chose : de retrouver ma mère ! Ce que ça m’a manqué ! Vous ne pouvez pas vous en faire une idée. J’avais une nourrice sans scrupules qui distribuait des taloches à la volée, s’il nous arrivait le malheur de renverser notre tasse de chocolat. Bien nourri, bien habillé, d’accord. Mais passer une enfance sans le moindre geste d’affection, ça vous marque pour la vie. Oui, je l’ai prié là-haut pour retrouver ma mère : je priais jusqu’à… jusqu’à la folie. La parole donnée, chez moi, c’est du solide. Dieu n’aurait pas eu besoin de m’extorquer la foi, s’il avait répondu au désir de mon coeur. Je l’aurais suivi sans faire d’embarras… |
Albert | Ne te décourage pas. Notre Dieu est un Dieu qui répond ! Ça je te l’assure ! |
Monsieur Lelong | (Il tend une lettre à Karl) Marie Fabre m’a chargé de te remettre cette lettre, Karl. Il paraît que c’est très important. (Tout le monde fait cercle autour de Karl qui décachette fébrilement la lettre.) |
Karl | Marie Fabre ! Elle m’écrit ! Pourquoi ? |
Monique | Une lettre de Marie Fabre ! C’est étonnant ! |
Christiane | Une lettre ! Qu’est-ce que ça veut dire ?
(Pendant cette séquence, musique douce, jeux de lumière. Les autres se taisent, devinant un grand événement.) |
Karl | (Il tremble, au comble de l’émotion) C’est pas vrai ! Mais c’est pas vrai ! |
Geneviève | Qu’est-ce qu’il t’arrive, Karl ? |
Karl | Marie Fabre ! Marie Fabre ! |
Albert | Eh bien quoi, Marie Fabre ? |
Karl | C’est ma mère… J’ai retrouvé MA MÈRE ! |
Christiane | (Elle s’exclame, émue) Oh ! L’unique prière de sa vie a été entendue ! |
Elisabeth | Quel cadeau de Noël ! Nous ne sommes pas près de l’oublier ! |
Karl | (Toujours hébété. Il n’a pas lâché sa lettre) O Dieu… ma mère… Marie Fabre… (Soudain, il saisit la main de Geneviève) Vite, Geneviève ! Il faut aller la voir ! |
RIDEAU