Étienne Lhermenault, président du CNEF a été invité à la conférence des Évêques de France début novembre à Lourdes.
Lors de rencontre plénière du CNEF à Paris, le 5 novembre passé, il a détaillé les raisons et le contexte de cette rencontre. Nous publions ici l’extrait de son discours qui explique pourquoi le CNEF a accepté de répondre positivement à cette invitation.
« Autre séquence délicate des relations interconfessionnelles récentes, la visite que j’ai rendue aux Évêques de France réunis en assemblée plénière à Lourdes du 2 au 8 novembre dernier. Pour la première fois depuis 20 ans que catholiques et évangéliques sont en dialogue, la Conférence des Évêques de France a jugé bon d’inviter le représentant du CNEF à ses travaux d’automne comme elle le fait avec les représentants des autres confessions chrétiennes depuis des décennies. Bien que le lieu puisse prêter à confusion, il m’a semblé important, ainsi qu’au bureau, d’honorer cette invitation qui est une marque de respect et un signe de fraternité.
1. Cette rencontre est d’abord l’aboutissement d’une longue démarche de dialogue entre évangéliques et catholiques qui a commencé en 1998. D’abord porté par quelques personnes à titre individuel côté évangélique (des pasteurs de différentes unions d’Églises), ce dialogue est passé sous l’égide de l’Alliance évangélique française (AEF) en 2006. En absorbant l’AEF lors de sa constitution en 2010, le CNEF a donc très naturellement hérité de cette mission de dialogue et l’a poursuivi avec sérieux et conviction. Ce fait est connu de tous les membres du CNEF.
2. Ce dialogue ne vise pas l’unité avec l’Église catholique, mais une meilleure connaissance mutuelle pour un plus grand respect et l’exploration des domaines dans lesquels nous serions assez proches pour envisager des actions ou des prises de position communes dans un monde qui s’éloigne de plus en plus de Dieu. Les questions éthiques (avortement, sexualité, mariage, bioéthique…) ont été évoquées dès le départ.
3. Ce dialogue passe par la publication périodique des résultats des conversations entre nos deux délégations.
• Un premier document a été publié en août 2006 dans la revue Document épiscopat, de la Conférence des évêques catholiques de France (n° 2006/08). Intitulé Regard sur le protestantisme évangélique en France, il a été bénéfique pour les évangéliques car cela a permis à une partie des catholiques d’avoir une meilleure information sur nos Églises qu’ils connaissent mal et dont ils ont parfois parlé de façon très négative.
• Un deuxième document a été publié en août 2017 chez Excelsis et Salvatore. Il s’agit d’un petit livre intitulé « Évangéliser aujourd’hui. Des catholiques et des évangéliques s’interpellent » qui aborde les questions de l’évangélisation et du salut d’un point de vue théologique.
4. Ce dialogue s’accompagne de quelques relations à différents niveaux :
• Un statut provisoire de membre observateur du CNEF dans le Conseil des Églises Chrétiennes en France (rencontre deux fois par an des responsables catholiques, protestants et orthodoxes).
• L’invitation de l’évêque du lieu quand nous faisons une manifestation publique à laquelle nous convions les autorités (par ex. au Havre pour l’inauguration de l’exposition sur les 500 ans du protestantisme).
• La réponse à des invitations régulières pour aller parler des évangéliques aux catholiques dans divers lieux : journée de formation organisée par les diocèses, intervention à la Faculté de droit canonique de Paris, présentation du mouvement évangélique dans une formation continue du clergé…
• La rencontre épisodique des responsables de l’Église catholique soit à notre demande, soit à la leur par souci de relations cordiales ce qui explique que j’ai accepté l’invitation à me rendre à l’assemblée plénière des évêques au début du mois.
NB : Lourdes est le lieu utilisé par les évêques pour organiser leur assemblée plénière deux fois par an. Pour nous, c’est le symbole même de tout ce qui nous sépare mais quand on est invité, on ne choisit pas le lieu.
Nous faisons tout cela par conviction et avec les préoccupations suivantes :
• rester fermement attachés à la vérité de l’Évangile,
• apprendre à connaître mieux, dans une société qui a massivement rejeté Dieu, ceux qui le révèrent encore pour voir dans quelle mesure nous pourrions défendre ensemble certaines positions d’éthique sur la sexualité, la famille, le début et la fin de vie… autant de questions sur lesquelles nous sommes bien heureux que les catholiques n’aient pas cédé à l’immoralité du monde,
• dire en même temps courtoisement et fermement ce qui ne nous semble pas compatible avec l’Écriture dans l’Église catholique,
• reconnaître aussi avec bienveillance et gratitude ce qui nous semble conforme à la foi biblique dans leurs convictions et leurs pratiques,
• accepter de nous remettre en question quand les catholiques peuvent nous montrer que nous nous faisons de fausses idées sur eux et leurs convictions ou que nos « traditions » ne sont pas toujours aussi bibliques que ce que nous prétendons.
C’est pourquoi je n’ai pas hésité à dire aux évêques la chose suivante : « Bien qu’il reste entre nous des désaccords sérieux sur les sacrements, les ministères et l’Église, nous avons en commun de saluer en Jésus, le Christ, crucifié et ressuscité, notre sauveur et maître. »
Voilà dans quel esprit je m’efforce de mener, en votre nom, ces relations délicates certes, mais utiles dans un monde où le paganisme et l’immoralité ne cessent de se poser en seules alternatives raisonnables au prétendu obscurantisme religieux pour le plus grand malheur de notre génération ».
ÉTIENNE LHERMENAULT