IGNACE
Père apostolique de l’Eglise1
mort martyr en 117 ap. J.-C.

ORIGINES

Malgré ce que pourraient croire les profanes en la matière, « St Ignace » n’est pas le patron des coiffeurs ! Il était l’un des évêques de l’Eglise d’Antioche, grand centre cosmopolite syrien de 500.000 âmes, aux premiers jours de l’Eglise. Luc, dans les Actes des apôtres, nous apprend comment l’Evangile s’y est implanté et comment l’action apostolique de Barnabas et Paul s’y est développée.
Bien évidemment, quelques vieilles traditions évoquent la jeunesse d’Ignace. L’une d’entre elles raconte qu’Ignace était le petit garçon pris par le Seigneur et placé au milieu des douze apôtres (voir Matthieu 18). En fait, nous ne savons rien d’autre d’Ignace, que ce qui provient de sa correspondance : sept lettres2, qu’il a adressées à six églises et à Polycarpe, pasteur à Smyrne, alors que lui, prisonnier, voyageait jusqu’à Rome pour y subir le martyre.

CONTENU DES SEPT LETTRES

Quatre des sept lettres d’Ignace, envoyées aux églises d’Ephese, de Tralles, de Magnésie-sur Méandre et de Rome, furent écrites lors du passage d’Ignace à Smyrne, en route pour Rome. Les trois autres, aux églises de Philadelphie et de Smyrne, ainsi qu’à Polycarpe, furent envoyées de Troas, avant qu’Ignace ne s’embarque pour Neapolis3.
Dans cette correspondance, on reconnait d’abord la stature spirituelle de l’homme lui-même. Pas la moindre trace de peur concernant sa future condamnation à être livré aux bêtes de l’arène ! Dans sa lettre aux Romains, il demande, d’une façon plutôt exagérée, aux chrétiens de Rome de ne rien faire pour l’empêcher d’être entièrement dévoré par les fauves.
Un autre point important dans ses lettres est son exhortation fervente à prêter attention aux dangers docétistes4 et judaïques. Dans la lettre du Seigneur Jésus aux Smyrniens, dans l’Apocalypse (2:5-11), il est déjà question d’une « synagogue de Satan » à Smyrne , qui persécutait, semble-t-il, l’Eglise. Quant au docétisme, il y avait attaque contre la personne même du Christ et Ignace ne manque pas de mettre ses correspondants en garde contre cette hérésie. Bon théologien, Ignace reconnait pleinement que Christ est Dieu. Il écrit à son sujet : « Dieu est apparu en forme humaine », et encore « …non-créé et pourtant né… » (Ephésiens § 7 et 19). Ces témoignages concernant la déité de notre Seigneur – confirmant ainsi le témoignage du Nouveau Testament – sont précieux, surtout face aux sectes antitrinitaires d’aujourd’hui qui prétendent que la divinité de Jésus a été inventée par les conciles de Nice et de Chalcedoine.

ECCLESIOLOGIE D’IGNACE

L’ecclésiologie d’Ignace est moins réjouissante, Il s’agit surtout d’un point sur lequel il met l’accent dans plusieurs lettres. Une insistance, presque malséante, concerne l’autorité de l’évêque et des diacres.
– Aux Ephésiens (§ 6), nous lisons: « …Il est clair que nous devons regarder un évêque comme le Seigneur lui-même ».

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Tetradrachme frappée par Antiochus IV Epiphane, le terrible roi grec qui désacralisa Jérusalem au temps des Macchabées. C’était donc une double victoire quand, quelque 200 ans plus tard, les premiers missionnaires de Jésus-Christ partirent de cette ville.


 

– Aux Tralliens (§ 2), il écrit : « Votre obéissance à l’évêque, comme s’il était Jésus-Christ, me témoigne que vous n’agissez pas selon le monde ».
Puis, plus loin, (§ 3), Ignace parle de tenir les diacres « en aussi grand-respect que Jésus-Christ »; de même : « vous devez regarder l’évêque comme un type du Père ».
– Aux Smyrniens (§ 8): « Suivez votre évêque, chacun de vous, comme Jésus-Christ suivait le Père ».

Dans ces citations, nous trouvons, malheureusement, le début de la mauvaise ecclésiologie de l’Eglise de Rome. A lire Ignace, on pourrait croire que la hiérarchie doit prendre le pas sur l’enseignement des apôtres transmis dans la Parole de Dieu. L’Eglise catholique le comprend5. Combien nous regrettons qu’Ignace n’ait pas insisté sur la nécessité d’obéir surtout aux écrits apostoliques. Il est vrai qu’à ce moment-là, au début du deuxième siècle après J.-C., ces écrits n’avaient pas encore été répandus partout et que le canon du Nouveau Testament n’était pas encore officiellement reconnu. Par contre, tout le Nouveau Testament était déjà écrit. Peut-être la lenteur de l’Eglise du deuxième siècle à fixer définitivement la liste des livres canoniques du Nouveau Testament a-t-elle poussé les communautés chrétiennes à s’éloigner plus rapidement de la foi, « livrée aux saints une fois pour toutes »… au grand préjudice de l’unique autorité de la doctrine apostolique pour tout ce qui concerne la marche de l’Eglise.

Pierre WHEELER


NOTES :

1. Les Pères de l’Eglise – grandes figures écrivains de l’Eglise primitive – sont classés diversement. Généralement, on distingue :
a) les Pères apostoliques, vivant au temps des apôtres, ou juste après eux
b) les Pères latins, dont les origines étaient dans la partie ouest de l’empire romain
c) les Pères grecs, dont les origines étaient dans l’est de l’empire. En principe, les Pères latins écrivaient en latin et les Pères grecs en grec.

2. Les lettres d’Ignace étaient perdues de vue pendant de longs siècles. Puis, vers 1250, l’évêque anglais, Grosseteste (avec un nom comme cela, nul doute qu’il s’agit d’un érudit !) les a traduites en anglais à partir des MSS latins. L’évêque irlandais Ussher les a publiées en 1644. Plus tard, d’autres collections ont fait surface, comportant soit un nombre plus important de lettres – jusqu’à 15 -, soit moins que les sept lettres déjà mentionnées. Les recherches entreprises par le grand critique textuel, J.B. Lightfoot, au siècle dernier, ont établi définitivement leur nombre à sept.

3. Les noms de ces villes nous transporte immédiatement dans le contexte du Nouveau Testament. Notons que Paul, avant Ignace, s’embarquait à Troas pour arriver à Néapolis

4. Le docétisme constitua l’une des premières attaques doctrinales contre la personne de notre Seigneur. Pour essayer de résoudre le problème de l’humanité du Fils de Dieu, les docétistes expliquaient que le Christ est seulement apparu sous forme humaine. Son corps n’était qu’une illusion. Evidemment, s’il en était ainsi, la Passion de Christ par laquelle nous sommes sauvés n’aurait été qu’illusoire et non réelle, donc incapable de nous racheter véritablement.

5. L’Histoire de l’Eglise, (Vol. 1, p.333), l’Eglise primitive(1946. Bloud &Gay) reconnait que : « En face de lui, Ignace rencontre déjà des adversaires qui ne veulent s’en rapporter qu’à l’Ecriture ». Evidemment pour l’Eglise de Rome, les lettres d’Ignace constituent le début de la Tradition, exaltant la hiérarchie et la primauté romaine, et ayant finalement la même autorité que l’Ecriture Sainte.