Introduction

En 1989, dans le but de bien marquer l’étape qu’était le 20e anniversaire de la Fédération Evangélique de France, le Comité National avait organisé une pastorale à la « Villa Emmanuel » (74), centre de vacances, membre de la F.E.F.. le deuxième week-end du mois de mars.

Quelque 40 participants, venus d’un peu partout en France, ont pu profiter de plusieurs messages apportés par Francis Bailet de Nice. Cette pastorale a servi à rapprocher davantage tous ceux qui y participaient. Les lignes suivantes, de Catherine O’Connor, illustrent bien ces moments de communion fraternelle :

Symphonie Pastorale

D’un chant joyeux, les oiseaux accueillaient le matin,
De ses dentelles, la brume voilait les monts lointains,
Et au-dessus se dressaient, fières, majestueuses,
Des crêtes enneigées, d’une beauté lumineuse…
     Ouvrage du Créateur
     Service beni heureux !

La terre, fraichement lavée des pluies du printemps,
Offrait à nos regards mille petites fleurs des champs,
Toutes différentes en forme, grandeur et coloris,
Mais formant un ensemble de gracieuse harmonie
     Née de l’Esprit de Dieu :
     Service béni, heureux !

Nous leur ressemblions, nous, membres de la F.E.F.
Réunis pour ses vingt ans, à l’écoute de notre Chef :
Lui qui, dans son amour, nous fit tous différents,
Mais unis comme la nature, pour apporter notre chant
     De louange au Seigneur :
     Service béni, heureux !

Fortifiés par la Parole fidèlement enseignée,
Nous mettons en commun, pour nous encourager,
Echecs et réussites, questions et cris d’alarme !
Que de récits de joie, de souffrances, de larmes,
     De projets ambitieux,
     Pour servir notre Dieu.

Trop vite la cloche a sonné, et il a fallu clore :
Un culte de louanges nous fortifie encore :
Renouvelés nous partons, tous unis dans l’attente
D’épreuves et de grâces, et – que nos coeurs le chantent –
     D’un service béni, heureux :
     Sous le regard de Dieu.

L’année 1994. cinq ans plus tard, marque encore la F.E.F.: 25 ans d’existence ! Différentes régions rappellent l’événement, chacune à sa manière. Il est donc bon, dans cette petite brochure, de nous souvenir brièvement du contexte spirituel et moral dans lequel la F.E.F. a vu le jour, de ses quelques « douleurs de croissance rapide » et du témoignage qu’elle aura certainement encore à rendre, par la grâce de Dieu, dans les prochaines années.

Arrière-plan légal de la F.E.F.

Deux lois, promulguées tout au début de ce XXe siècle, ont beaucoup contribué, indirectement, au travail et au ministère de la F.E.F.
Il s’agit des lois permettant l’existence d’associations culturelles et cultuelles : la première, de 1901 : la deuxième, de 1905. Au moment de la séparation de l’Eglise et de l’Etat, en 1905, ces lois encourageaient les Eglises, toutes dénominations confondues, à avoir une existence légale, reconnue donc par l’Etat. Pour la liberté religieuse en France et pour toutes les Eglises, c’était une étape importante.

La puissance de l’Eglise catholique, dite gallicane, avait été brisée par la Révolution de 1789. Ensuite le Concordat et les Articles organiques de Napoléon en 1801 et 1802 réglèrent les rapports de l’Etat français avec les Eglises : les cultes catholique, luthérien, réformé et juif ont tous quatre été reconnus. Prêtres, pasteurs et rabbins ont été désormais salariés de l’Etat.
Puis, le 9 décembre 1905, la République Française, devenant officiellement laïque, appelait les Eglises à se constituer en associations cultuelles, selon cette loi, si elles voulaient jouir d’une existence officielle. Non pas que toutes les églises devaient absolument se constituer en associations, mais dorénavant se former en association cultuelle était le moyen pour une église de devenir propriétaire des biens mobiliers et immobiliers.

Bien évidemment la F.E.F., approuvant la valeur morale de cette législation, est devenue elle-même, en étant officiellement constituée, une association déclarée (1901), n’acceptant comme membres de sa Fédération que les églises et oeuvres évangéliques dûment déclarées à la Préfecture de la circonscription de leur siège social.

Arrière-plan religieux de la F.E.F.

L’histoire religieuse de la France a subi bien des vicissitudes.
A l’époque post-apostolique, les chrétiens de la vallée du Rhône furent durement persécutés (Lyon, Vienne). Mais la christianisation du pays s’est poursuivie par des « conversions » notables (Clovis et les Francs). Certains rois dits chrétiens et grandes figures ont ensuite bien marqué la France (Charlemagne, Bernard de Clairvaux, St Louis), mais d’autre part les Croisades, l’Inquisition, puis le Grand Schisme d’Occident, quand Avignon est devenu le siège des papes exclus, ont tellement terni le témoignage chrétien que c’est avec raison qu’on parle des ténèbres du Moyen Age. Tous ceux qui osaient penser autrement que le Pontife romain – cathares. albigeois, vaudois, etc. – payaient cher leur témérité.

Vint la Réforme, au XVIe siècle. Malheureusement Lefèvre d’Etaples – le premier à traduire la Bible en français – ne rompit pas avec Rome et plus tard Jean-Calvin fut obligé d’oeuvrer à l’étranger, à Genève. Son Institution Chrétienne, adressée à sa majesté « très chrétienne », François Ier n’a pas été perçue par tous comme une parole de la part de Dieu. Huit guerres de religion entre catholiques et protestants s’ensuivirent. Puis le « bon roi » Henri IV, protestant dans son âme, même s’il abjura officiellement par deux fois le protestantisme, promulgua l’Edit de Nantes en 1598, « perpétuel et irrévocable », en faveur des protestants et de la tolérance religieuse. Désormais nul ne devait être inquiété pour cause de religion. Cependant, en 1685, l’édit irrévocable était… révoqué par le roi (toujours « très chrétien »!), Louis XIV. Certains historiens disent qu’il s’agit du jour le plus triste de toute l’histoire de la France !

La révocation de l’Edit de Nantes, accompagnée de la pensée philosophique et religieuse – déiste, en l’occurrence – a beaucoup contribué à provoquer la Révolution de 1789. Malgré certains idéaux très nobles lancés par les Révolutionnaires, la corruption de la nature humaine a empêché leur réalisation. Cependant, le Concordat de Napoléon, basé en partie sur les décisions de la Révolution, ouvrait les portes à l’Evangile pour qu’il soit annoncé bien plus librement pendant le XIXe siècle. Des Eglises vraiment évangéliques ont alors pris racine – libristes, méthodistes, baptistes, « frères », et ensuite vers la fin du siècle. l’Armée du Salut, puis au XXe siècle, le mouvement pentecôtiste.

Après la guerre de 1939-45, de nouvelles églises évangéliques, de diverses tendances, ont vu le jour. Certaines se placent dans le camp charismatique, d’autres s’appelleraient plutôt : « évangéliques classiques ». Beaucoup de ces églises ont été fondées par des pasteurs et évangélistes venus de l’étranger : de Suisse, de Grande-Bretagne, des USA, du Canada. d’Allemagne….

Naissance de « Nogent »

Aussitôt après la deuxième guerre mondiale, quelques évangéliques ont décidé de se rencontrer annuellement, René Pache, Jules-Marcel Nicole et Jacques Blocher formèrent un triumvirat qui, avec d’autres serviteurs de Dieu, a promu les rencontres souvent appelées « de Nogent » et connues sous le nom officiel de « Centre Evangélique d’Information et d’Action ». Il s’agissait alors, et il s’agit toujours, de moments privilégiés de partage, de prière et d’informations évangéliques concernant les différentes actions entreprises par ceux qui appartiennent à cette mouvance.

Parfois, lors de ces rencontres, quelques participants murmuraient tout bas : Et si on se structurait davantage…», ou encore : « Si nous nous constituions en association… pour être plus représentatifs des évangéliques en France…».

En 1969 certains frères prirent la décision de faire le pas. Le 22 mars, Alain Choiquier fut le premier président de l’ « Union d’Eglises et Assemblées Evangéliques Françaises ». En novembre de la même année, cette association 1901 est devenue la « Fédération Evangélique de France », destinée à recevoir comme membres, les associations évangéliques 1901 et 1905. L’Association des « Amis de la F.E.F. » a été créée pour les personnes désirant devenir membre à titre individuel.

Débuts et structuration

Les débuts de la F.E.F. ont été difficiles, mais vaille que vaille, elle a grandi doucement durant les dix premières années. Les méfiances, les critiques, les incompréhensions surtout, sont tombées, les erreurs de jeunesse réparées, et, par la grâce de Dieu, la F.E.F. a pris sa place dans le paysage spirituel de notre pays.

En 1979, le Comité National a invité Maurice Decker, alors membre du Comité depuis deux ans, à devenir son secrétaire général. Alain Choiquier, pour des raisons de santé et à cause de ses itinérances fréquentes, a cédé la présidence à Gérard Dagon en novembre 1980. Dans les années 1980, la F.E.F. se structure davantage. Le Comité se consolide et ses rencontres deviennent mensuelles. Les associations candidates à l’entrée dans la F.E.F. doivent désormais présenter un dossier plus complet qui est examiné attentivement par la Commission des Candidatures. D’autres Commissions, correspondant aux besoins. sont mises en place. INFO-FEF, l’organe de la F.E.F. prend un nouveau visage. En conséquence, les demandes de conseil et d’aide, de la part des membres de la F.E.F., ainsi que de la part des non-membres, augmentent de plus en plus. La Commission Juridique est probablement la Commission la plus souvent consultée. La Commission pour l’Implantation d’Eglises Nouvelles (CIEN), lance son séminaire annuel : REMOP. Quelques déclarations d’ordre éthique sont imprimées et diffusées (contraception, avortement)1. L’Annuaire Evangélique, commencé autrefois par Marcel Tabailloux, l’un des membres fondateurs de la F.E.F. et pris en main par Gérard Dagon pendant plusieurs années, finit par nécessiter la formation d’une Commission pour le gérer2. Les Editions Barnabas sont créées afin de publier plus facilement les livres et brochures utiles pour le peuple de Dieu, dont certains, trop spécialisés. ne seraient peut-être pas édités par d’autres maisons d’éditions. Le président et le secrétaire général se consacrent à un ministère d’itinérance, visitant les églises évangéliques, membres ou non de la F.E.F., travaillant en France et à l’étranger pour le bien du peuple de Dieu. Les responsables régionaux de la F.E.F. oeuvrent aussi dans le même sens3. Une Confession de Foi type, des modèles de statuts d’association 1905 et une plaquette de conseils pour la rédaction d’un Règlement Intérieur d’église locale, sont aussi publiés.

Forte donc de ses 237 associations (au 29/ 01/94), représentant quelque 470 lieux de culte et environ 80 oeuvres évangéliques variées dans 78 départements, la F.E.F. devient ainsi de plus en plus représentative de la mouvance évangélique française. Elle est davantage consultée par les pouvoirs publics quand ceux-ci doivent se renseigner, par exemple, sur la venue en France de certains missionnaires, ou pour quelques statistiques concernant les évangéliques français. Enfin, pour marquer ses 25 ans d’existence et afin de se faire mieux connaitre auprès des élus locaux, elle organise I’« Opération Maires de France » dans le but d’offrir à chacun des 37.000 maires de notre pays un Nouveau Testament, un dossier de presse F.E.F. et une lettre personnalisée.

Vocation

Dans tout ce travail pour promouvoir la vie spirituelle des églises évangéliques, la F.E.F. ne veut pas perdre de vue sa vocation de « digue », en ayant toujours la Parole de Dieu pour seule référence. Le message de son logo doit rester le même. Si, sur son plus récent dépliant, juste après les « contre », le Comité a ajouté des « pour » – suivant en cela une excellente suggestion de plusieurs de ses membres – la F.E.F. demande à Dieu la grâce de ne pas bouger d’un iota en ce qui concerne son attachement à la vérité de la Parole de Dieu. Nous ne devons pas céder un seul pouce de terrain à Satan, notre ennemi.

La F.E.F. remercie le Seigneur pour les sujets réels de joie spirituelle dans la famille évangélique en France, mais ceux-ci ne doivent pas conduire le peuple de Dieu à fermer les yeux sur certains dangers actuels qui vont grandissant – qu’ils soient d’ordre moral, religieux, théologique, philosophique ou social. Les écueils. recouverts des flots de l’indifférence, constituent pour tous une menace. La F.E.F. veut révéler ces positions regrettables et dangereuses et tirer la sonnette d’alarme. C’est parfois une position difficile à assumer, mais c’est aussi et d’abord un devoir à remplir. Doit-on blâmer la F.E.F. de réveiller parfois en sursaut ceux qui ont des oreilles pour entendre et qui n’entendent pas, ainsi que d’autres qui tiennent à faire la sourde oreille ?

Le grand danger en France en cette fin de siècle n’est pas la persécution ou la tribulation, ni même l’ostracisme – la F.E.F. justement a fait beaucoup pour que les églises évangéliques soient reconnues par les pouvoirs publics – non, le grand danger qui nous menace c’est le processus d’osmose par lequel l’intelligence renouvelée, accordée en don à chaque enfant de Dieu au moment de sa conversion, se laisse infiltrer par le relativisme ambiant de la société culturelle et religieuse environnante, alors que les croyants devraient s’attacher aux déclarations de la Parole de Dieu !

Dans ce sens nous prions pour que la F.E.F. reste une sentinelle. La F.E.F. n’a pas la prétention de s’attribuer un ministère prophétique comme celui d’Ezéchiel (Ezéchiel 2) ou de Jean-Baptiste (Luc 3). mais elle désire rester fidèle à la vocation que Dieu lui a adressée en suivant les traces des hommes de Dieu qui l’ont précédée. Par la grâce de Dieu nous voulons paraitre debout quand le Fils de l’Homme viendra nous chercher. De plus, nous ne voulons pas seulement être debout au moment où Il viendra, mais nous désirons le servir dans la fidélité, même s’il tarde à venir (voir Matthieu 24:45-51).

Si nous comprenons bien les prophéties bibliques, nous ne voyons actuellement que « le commencement des douleurs ». Nous n’apercevons que le début de la séduction que l’antichrist jettera comme un filet sur la terre entière. C’est pourquoi nous devons parfois dénoncer avec force les flirts et adultères spirituels qui se manifestent. Attention à ces sirènes qui veulent nous entrainer vers les écueils déjà mentionnés et souvent cachés à notre vue.

Aujourd’hui on abat les murs : celui de Berlin, ceux qui étaient les frontières des pays européens, les murs de racisme en Afrique du Sud, le mur dressé entre les Israéliens et les Palestiniens. Comme tout le monde, la F.E.F. se réjouit d’une façon générale de voir abattre toute muraille qui divise, séparant les hommes les uns des autres. Paul parle aussi d’une barrière de séparation qui a été renversée entre Juifs et non-Juifs ! Mais le problème, c’est que le monde entier semble vouloir abattre toutes les murailles de séparation. Hélas, certains chrétiens évangéliques se laissent entrainer dans ce sillage.

A l’exemple de Néhémie, la F.E.F. veut en construire une – celle prescrite par le Seigneur – Pour l’exprimer autrement, la F.E.F. désire aider l’Eglise de Jésus-Christ à rebâtir sur d’anciennes fondations, posées autrefois sur les apôtres – et voudrait contribuer à réparer quelques-unes des brèches qui apparaissent et s’élargissent dans le mur de Dieu (voir Esaïe 58:12). Non pas que la F.E.F. soit seule à accomplir une telle tâche. Il existe heureusement, dans le monde évangélique. bien d’autres sentinelles, bien d’autres bâtisseurs de murs et réparateurs de brèches, mais nous croyons humblement que, par la grâce de Dieu, le Seigneur a suscité la F.E.F. pour jouer un rôle certain dans ce domaine. Elle doit lutter, avec les autres, pour la vérité de Dieu, afin de renverser tout raisonnement et toute hauteur qui s’élèvent contre le Seigneur et son royaume.

Que le Seigneur nous soit en aide, en accordant sa grâce et la puissance du Saint-Esprit.

Pierre WHEELER


NOTES :

1 Les membres de la Commission d’Ethique, dont plusieurs sont médecins spécialisés, se rencontrent au rythme de deux séances par an, afin de réfléchir sur les questions de fond. Plusieurs documents sont en préparation.

2 Il existe actuellement 12 Commissions : Annuaire, Candidatures, CIEN. Centre de Vacances, Enfance et Jeunesse. Ethique, Finances, INFO-FEF. Juridique, Médias, Missionnaire, Théologique.

3 La FEF compte aujourd’hui (en 1994) 15 Responsables Régionaux dans 12 régions.