Pourquoi Dieu a-t-il institué le baptême et la cène ? Quelle est leur fonction et leur utilité ? Quel est le sens et la particularité de tels rites dans la foi chrétienne ?
Les rites jalonnent notre existence. Ils servent de marqueurs aux événements importants. On les retrouve dans de nombreuses sphères de la vie. La République, tout laïque qu’elle soit, a les siens : lever ou mise en berne de drapeaux, minutes de silence, hommage au soldat inconnu. Les familles développent leurs rituels, qui entretiennent le lien et expriment l’appartenance, depuis le gigot du dimanche aux rituels de coucher. Les sports sont de bons pourvoyeurs de rites, avec leurs hymnes nationaux, leurs remises de médailles, les impressionnants « haka » des rugbymen néo-zélandais. Tout groupe qui veut affirmer son identité crée les siens, qu’il s’agisse de rites d’accueil ou d’initiation, de dress-codes, ou de pratiques ésotériques. Plus diversifiés encore sont les rites religieux, qui unissent l’appartenance à une communauté et l’expression du rapport de cette communauté avec le divin. Quelle est la signification du baptême et de la cène dans cette multitude de rites ?
1. La diversité des rites
Le rite est une action symbolique, que l’on répète, et qui obéit à un certain formalisme. L’action n’est pas imposée par une nécessité extérieure, mais elle procède d’un choix : un jeûne, dans le cadre d’un rite, n’est pas lié à un manque de nourriture, mais à la volonté d’exprimer ainsi une signification particulière. La répétition de l’action rituelle n’est pas motivée par l’efficacité rationnelle, comme l’ouvrier qui répète une procédure pour fabriquer une pièce : elle tient à la permanence de ce que le rite exprime.
Les rites religieux marquent souvent le passage du profane au sacré : on s’incline, on se purifie, en entrant dans un lieu saint. Ils affirment la spécificité du sacré : les officiants portent des vêtements particuliers, effectuent des gestes qui leur sont réservés. Les deux mondes sont bien distingués, les rites affirment et préservent cette distinction.
Certains rites servent à traduire ou à visualiser des réalités spirituelles. Le symbolisme intervient : l’encens exprime la prière, l’eau symbolise la purification, le sang représente la vie offerte dans la mort. Le symbole passe aussi par des gestes :
imposition des mains, onction d’huile. En jouant sur ces symboles, les rites expriment un message, visualisent une parole, magnifient un moment de célébration.
D’autres rites ont pour fonction d’exprimer une démarche, personnelle ou communautaire. Au service de celui qui l’accomplit, ils permettent de concrétiser une décision par le geste, dans un engagement du corps : l’échange des alliances concrétise la promesse mutuelle de deux époux, une accolade de réconciliation marque l’engagement dans une voie de paix. Le rite, souvent, associe cette démarche personnelle et l’appartenance à une communauté ou à une histoire : certaines liturgies très élaborées sont répétées à l’identique de génération en génération ; celui qui s’y soumet accomplit une démarche volontaire tout en reconnaissant son appartenance à une réalité qui le précède et le dépasse.
Le ritualisme insiste sur la nécessité de respecter minutieusement chaque détail du rite, sous peine qu’il soit invalidé. C’est le cas, en particulier, lorsque l’on considère que le rite possède en lui-même sa propre efficacité. Les sacrifices de l’hindouisme exigent le respect scrupuleux d’un rituel long et complexe, car l’ordre du sacrifice a pour fonction d’affermir ou de restaurer l’ordre du monde. D’autres approches valorisent d’abord le sens des gestes que l’on accomplit, ou la démarche qu’ils portent : c’est le cas des sacrifices et des fêtes de l’Ancien Testament.
Certains rites, enfin, se veulent au service de la beauté et de la solennité du culte. Ils expriment ainsi l’hommage dû à la divinité
2. La place des rites
Dans la Bible, l’ancienne alliance donne plus de place aux rites que la nouvelle. Dans l’Ancien Testament, les sacrifices sont très précisément codifiés (Lv 1-10). Les distinctions liées à la pureté et à l’impureté rituelles donnent lieu à des rites de purification (Lv 12-14 ; Nb 19). La célébration des fêtes conduit, régulièrement, à répéter les mêmes rassemblements et les mêmes évocations (Ex 23.13-17). Le respect du sabbat est marqué par une offrande particulière (Nb 28.9). L’onction d’huile accompagne la consécration des prêtres et des rois (Ex 29 ; 1 S 9.16).
Le judaïsme a formalisé ces rites. Des prières de bénédiction sanctifiaient le sabbat et les moments de fête. Des dispositions très précises en régulaient la célébration. On en trouve des traces dans les Évangiles : les récits du dernier repas de Jésus laissent percer son insertion dans le déroulement d’un repas de type pascal ; des paroles de Jésus font écho à certains rites de la fête des Cabanes (procession où l’on puise de l’eau, Jn 7.37-38 ; fête de la lumière, Jn 8.12). La Mishna fixera progressivement ces règles, notamment dans les traités sur les fêtes et sur les bénédictions.
Le Nouveau Testament, en contraste, frappe par le peu de place qu’il accorde aux rites. C’est l’une des nouveautés de la nouvelle alliance : elle considère que bien des rites de la première alliance sont désormais accomplis en l’oeuvre de Jésus. L’unique sacrifice du Christ accomplit et remplace tout le système sacrificiel de l’Ancien Testament (Hb 9-10). La notion de pureté est renouvelée et intériorisée : c’est celle du coeur qui compte (Mc 7), la purification est le fruit du pardon reçu en Jésus (1 Jn 1.9) et du travail de sanctification opéré par la Parole et l’Esprit (2 Co 7.1 ; 1 Pi 1.22) ; on n’a donc plus recours aux rites de purification extérieure (1 Pi 3.21). Les distinctions entre aliments purs ou impurs, licites ou interdits, n’ont plus lieu d’être car tout fait partie de la bonne création de Dieu (Rm 14.14-17). Une grande liberté est affirmée par rapport au respect des jours : « Que personne ne vous juge à propos de ce que vous mangez ou buvez, ou pour une question de fête, de nouvelle lune, ou de sabbats : tout cela n’est que l’ombre des choses à venir, mais la réalité est en Christ. » (Col 2.16-17; cf. Ga 4.10). Le culte ne dépend plus d’un lieu particulier, qui serait plus consacré qu’un autre : l’essentiel est de le rendre en Esprit et en vérité (Jn 4.20-24).
Les prophètes avaient dénoncé le danger d’une participation aux rites qui ne s’attacherait pas à leur sens profond ou qui n’engagerait pas le coeur. Ils avaient fustigé toute confiance placée dans le rite lui-même en dehors d’une attitude personnelle adéquate et cohérente (Es 1.10-17 ; Jr 7.22-23 ; Ml 1.8 ; 2.12- 14). « L’obéissance vaut mieux que les sacrifices ! » (1 S 15.22 ; Os 6.6). Dans leur expérience intime, certains croyants avaient bien compris que l’attitude spirituelle a plus de valeur que l’acte extérieur qui l’exprime, au point de relativiser les sacrifices par rapport à l’humiliation profonde (Ps 51.18-19). La circoncision, pareillement, appelait la « circoncision du coeur » (Dt 10.16 ; Jr 4.4). Ces lignes se retrouvent dans le Nouveau Testament, pour qui l’intériorité est toujours la valeur décisive et fondatrice de la spiritualité. La foi et l’obéissance priment sur la circoncision ou sur l’incirconcision (Rm 2.25-29 ; 1 Co 7.19 ; Ga 5.6). La pureté ou l’impureté viennent du coeur, c’est le « dedans » qui fait la différence (Mc 7.14-23 ; 1 Pi 3.21). Les chrétiens sont systématiquement désignés comme les « croyants » et non comme les « baptisés », alors que tous les croyants sont baptisés. Les grâces du salut sont obtenues par la foi, et la foi seule, sans dépendre d’aucun rite, à l’image d’Abraham, déclaré juste par sa foi, indépendamment de la circoncision (Rm 4.1-12). Dès que l’on a tenté d’imposer une quelconque autre nécessité que la foi en vue du salut et des grâces qui lui sont associées, Paul s’est insurgé et a réagi, qu’il s’agisse de rites mosaïques ou d’autres prescriptions (Ga 5.1-6 ; Col 2.4-23). La Parole appliquée par l’Esprit est le moyen privilégié pour susciter la vie nouvelle dans le croyant (Ep 1.13 ; 5.26 ; 1 Pi 1.23). L’écoute prime sur la vue et sur le toucher dans la spiritualité néotestamentaire. Le corps n’est pas dévalorisé pour autant, mais son rôle consiste à exprimer concrètement l’intériorité et à prolonger la foi par l’action (Rm 6.12-14 ; 12.1 ; 1 Co 6.12-20). Certains gestes symboliques intègrent un engagement spécifique du corps, tels l’imposition des mains (Ac 6.6 ; 8.17 ; 9.17 ; 13.3) ou l’onction d’huile (Jc 5.14) : mais il s’agit toujours de l’accompagnement d’une démarche spirituelle.
3. La spécificité du baptême et de la cène
Dans cet environnement néotestamentaire, deux rites émergent singulièrement : le baptême et la cène. Le baptême est, partout, le rite qui accompagne l’adhésion à la foi chrétienne. C’est ainsi qu’il est pratiqué, c’est ainsi qu’il est enseigné (Ac 2.38, 41 ; 8.12, 36 ; 9.18 ; 10.48 ; 16.33 ; 18.8 ; 19.5). On peut s’adresser aux chrétiens en considérant qu’ils ont été baptisés (Rm 6.3 ; Ga 3.27). Les attestations de l’universalité de la pratique de la cène sont moins explicites. L’expression « rompre le pain » désigne tout à la fois les repas communautaires et l’évocation particulière de la mort de Jésus au cours de ces repas (Ac 2.46 ; 20.7,11, 27.35 ; 1 Co 10.16). Il en est de même pour l’expression « le repas du Seigneur » (1 Co 11.20) : il s’agit très clairement des repas communautaires de l’Église de Corinthe, dont Paul doit dénoncer les failles et les excès ; mais pour les corriger, Paul rappelle l’institution de la cène par le Seigneur Jésus. Sans les désordres de Corinthe, nous n’aurions pas de témoignage explicite quant à la pratique de la cène dans les Églises du Nouveau Testament1 ! Par contre, la forme de la réplique de Paul aux excès corinthiens donne un témoignage extrêmement puissant de la place de la cène dans l’Église primitive : il invoque une tradition, qu’il a reçue, qui remonte au Seigneur, et qu’il a transmise à l’Église de Corinthe en la fondant (1 Co 11.23)2. Cette tradition isole les gestes de Jésus sur le pain et la coupe par rapport à l’ensemble des événements de son dernier repas avec ses disciples. Cette sélection atteste que l’on utilisait les paroles d’institution de la cène dans les Églises, et fournit un témoignage puissant à sa célébration. Les récits synoptiques du dernier repas de Jésus rendent le même témoignage, en sélectionnant ces deux gestes parmi tant d’autres du dernier repas (Mt/Mc), ou en les regroupant alors qu’ils se sont déroulés à des moments très différents du repas (Lc)3.
Qu’est-ce qui permet de singulariser ces deux actes au milieu d’autres actes rituels accomplis dans l’Église ? On sait que l’Église catholique considère qu’il existe sept sacrements, et qu’elle célèbre l’harmonie de ce septénaire comme l’accompagnement de tout le parcours d’une vie par la grâce divine véhiculée par : la lumière de cette grâce se diffuse en sept rayons, tous les aspects de la vie humaine sont élevés par elle4.
La singularité décisive du baptême et de la cène est leur institution par le Christ. Certes, Jésus ne les a pas inventés : le baptême de Jean a précédé le baptême au nom de Jésus, et les gestes de la cène se sont greffés sur des éléments de la célébration de la Pâque. Mais Jésus a donné l’ordre à son Église de répéter ces actes, avec une signification nouvelle, tout au long de son histoire. L’ordre de faire des disciples dessine la mission permanente et universelle de l’Église : l’insertion du baptême dans le processus l’institue comme une disposition permanente et universelle (Mt 28.19-20). L’ordre de répéter le geste du pain et du vin en mémoire de Christ (Lc 22.19-20a, 1 Co 11.24-25), dans l’horizon de l’accomplissement définitif du Royaume de Dieu (Mt 26.29 ; Mc 14.25 ; Lc 22.16,18, cf. 1 Co 11.26) institue ces gestes comme permanents pour l’Église jusqu’au retour du Seigneur.
Ces deux actes institués par le Christ ont en commun qu’ils renvoient, l’un et l’autre, à sa mort. C’est « en référence avec la mort de Jésus » que l’on est baptisé (Rm 6.3)5. La dissociation du « corps » et du « sang » dans les gestes de la cène évoque aussi cette mort6, tout comme les affirmations que le corps est « donné » et le sang « répandu » (cf. Jn 3.16 ; 10.11 ; Ex 24.8 ; Hb 9.22). C’est cet acte unique qui est rappelé, avec la visée particulière d’en souligner les effets pour le croyant. On part de Jésus et de son oeuvre pour aller vers le croyant, et non de la vie du croyant dans ses besoins pour aller vers le Christ.
Ces deux actes sont étroitement associés pour constituer les critères visibles d’appartenance au peuple de Dieu. Paul en fait des marqueurs aussi forts que la traversée de la mer, la manne et l’eau du rocher pour le peuple d’Israël (1 Co 10.1-5). Il décrit ces événements décisifs d’autrefois comme un « baptême » et une manducation doublée d’un breuvage. Cela dit la force qu’il reconnaissait au baptême et à la cène comme marqueurs identitaire. Ce rapprochement les singularise aussi par rapport aux autres actes symboliques pratiqués dans l’Église. Ces autres actes symboliques chrétiens (imposition des mains, onction d’huile) ne bénéficient pas d’une institution du Christ, et ils ont des significations liées à des situations et à des besoins particuliers. Ils ne peuvent pas prétendre à la même universalité. Le baptême et la cène, quant à eux, renvoient au fondement identitaire et vital de tout chrétien comme de l’Église, en tout temps, en tous lieux et en toute circonstance. À ce titre, ils ont une spécificité et un rôle particulier à jouer7. Multiplier les sacrements et les articuler autour des besoins du croyant comporte le risque de masquer la centralité de la mort et de la résurrection du Christ, ainsi que leur valeur fondatrice unique, tant pour le croyant que pour l’Église8.
4. La fonction du baptême et de la cène
Quelle est la fonction du baptême et de la cène ? On doit distinguer trois grandes conceptions.
La conception catholique
Dans la théologie catholique, les sacrements sont des signes efficaces de la grâce. Ils confèrent une grâce et réalisent ce qu’ils représentent. La grâce du sacrement est conférée « par l’oeuvre même accomplie » (ex opere operato) dans l’acte sacramentel : leur efficacité ne dépend pas de la foi de celui qui les reçoit. Ils ne sont pas pour autant des actes magiques, dont l’efficacité serait le fruit de leur propre rituel. Car ils sont des actes du Christ : c’est lui qui agit, par le ministre du sacrement. Mais le Christ y agit toujours. Les dispositions de celui qui reçoit déterminent la réception plus ou moins fructueuse de la grâce9. Même lorsqu’il y a réception fructueuse, le sacrement n’agit pas en vertu de la foi du croyant, mais en tant qu’acte du Christ.
Les catholiques font une lecture causative des textes qui parlent du baptême. « Vous tous qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu Christ » (Ga 3.27) signifie pour eux que c’est par le baptême, et en vertu de son efficacité, que l’on revêt Christ. Ainsi la théologie catholique attribue au baptême ce que la théologie évangélique attribue à la conversion et à la foi : la régénération (Jn 3.5 ; Tit 3.5), le pardon des péchés (Ac 2.38 ; 22.16), le don du Saint-Esprit (1 Co 13.12). Certes, on précise que le baptême fait entrer dans une dynamique où la foi a sa place : il « est un appel auquel on n’a jamais fini de répondre »10. Mais toute manifestation de foi ne sera toujours qu’un fruit du baptême, même reçu bébé11.
L’Eucharistie, quant à elle, ne fait pas simplement mémoire de l’oeuvre passée du Christ, mais toutes les paroles prononcées par le Christ lors de son institution s’actualisent dans sa célébration. Lorsque le prêtre, figure du Christ, dit « Ceci est mon corps », cette parole transforme les choses offertes : le Christ tout entier est présent dans les espèces, substantiellement, corps et sang. L’eucharistie est ainsi, avec le rappel du don de Jésus, un sacrifice qui rend présent l’unique sacrifice du Christ à la croix. Le Christ s’y offre, par le ministère des prêtres, de manière non sanglante, mais réellement propitiatoire. Le fruit pour les bénéficiaires est une communion où le Christ lui-même est reçu dans le pain, et qui réalise l’unité du Peuple de Dieu12.
Concernant le baptême, il est clair que le Nouveau Testament enseigne une concomitance du signe et de la grâce : celui qui est baptisé a revêtu le Christ. Il reste à préciser la raison de cette concomitance : est-ce parce que le signe est efficace, et confère la grâce qu’il signifie ? ou est-ce parce que le signe a pour fonction d’exprimer une grâce déjà reçue par la personne qui se fait baptiser ? Les textes et la pratique du Nouveau Testament orientent dans ce deuxième sens13. Concernant l’Eucharistie, l’interprétation « réaliste » du « ceci est » n’est pas favorisée par le contexte d’institution de la cène : la liturgie pascale évoquait symboliquement des événements passés par le moyen d’éléments du repas auxquels on donnait une signification particulière (agneau pascal, herbes amères, pain azyme, coupes)14. Et l’on doit écarter la conception selon laquelle le Christ lui-même se donne et se sacrifie aujourd’hui dans l’Eucharistie. « Faites ceci » s’adresse aux disciples de Jésus, dans la perspective d’un rappel de l’acte fondateur de la nouvelle alliance, la mort de Jésus accomplie une fois pour toutes à la Croix (Rm 6.10 ; Hb 7.27 ; 9.28 ; 10.12-14). La distinction claire des temps et des personnes semble plus conforme à l’ordre de Jésus et à la notion de « mémoire ». C’est ainsi que l’on célébrait la libération de l’esclavage en Égypte, lors de la Pâque, tout en rappelant sa signification permanente et ses implications futures.
La conception réformée
Dans la conception réformée, c’est par la Parole de Dieu que la grâce nous est donnée. La seule causalité du salut est la Croix : affirmer une causalité sacramentelle distincte, c’est retirer quelque chose au « tout est accompli ». L’élément décisif du salut est la foi. Le baptême et la cène sont des signes et des sceaux, qui proclament et confirment la grâce et les promesses de Dieu.
En tant que signes, ils sont une parole visible, qui annonce et offre la grâce au nom de Dieu. Si Dieu trouve la foi dans celui qui les reçoit, il accomplit la promesse qui leur est associée. Cette grâce est alors donnée au nom de la fidélité de Dieu à sa Parole, et non pas par la vertu du sacrement lui-même. Leur seconde fonction est de confirmer la Parole : ils sont comme les cachets ou les sceaux qui garantissent la véracité d’un engagement. Pourtant, même en tant que sceaux, ils ne communiquent rien qui ne serait pas accessible par la seule Parole. Il y a là une disposition divine pour nous rappeler régulièrement les bienfaits de Dieu, pour soutenir la faiblesse de notre foi, et nous permettre à notre tour de confesser notre foi avec assurance.
Cette conception du baptême et de la cène est respectueuse du rôle central de la Parole de Dieu comme véhicule de sa grâce. Sa difficulté réside dans leur manque de spécificité, en tant que paroles visibles et sceaux. Qu’apportent-ils de particulier par rapport à la Parole ?
La conception évangélique, ou professante
Dans la conception évangélique, ou professante, la fonction spécifique du baptême et de la cène est de permettre l’expression de la foi par les croyants. « Les sacrements sont dans cette perspective d’abord des moyens de manifestation, d’expression, de confession de l’oeuvre que la grâce a déjà opérée. Du coup, ils impliquent l’engagement »15. On peut employer, dans cette perspective, le terme « sacrement » pour les désigner, en se référant au sens initial du mot, qui désignait un engagement formel et solennel, un « serment »16.
Ils sont une expression de « la foi » : en tant que paroles visibles, ils affirment et rappellent ce qui fonde la foi chrétienne, à savoir la mort et la résurrection du Christ et les grâces qui en découlent. Ils sont expression de la foi par des croyants : ils ont déjà reçu, par la foi, les grâces du salut en Jésus17. Mais ce rappel leur permet d’affirmer et de renouveler, personnellement et communautairement, leur réponse à la grâce reçue en Jésus-Christ, dans un engagement existentiel signifié par l’engagement du corps. À ce titre, ils sont expression et renouvellement de « leur » foi18.
Expression de la foi chrétienne, le baptême et la cène proclament et rappellent l’oeuvre toujours première et fondatrice du Christ. C’est uniquement en référence à cette oeuvre que le baptême prend sens (Rm 6.3) : se faire baptiser, c’est confesser le Christ (Ac 8.37 ; Rm 10.9). Le baptême ne célèbre pas la foi d’une personne, mais le fait que cette personne ait pu placer sa foi en Christ. La forme biblique de l’immersion configure l’expérience du croyant sur celle, fondatrice, du Christ, mort et ressuscité. Elle décrit, certes, le changement opéré dans le croyant ; mais elle rappelle que ce passage de la mort à la vie n’est possible que par l’oeuvre du Christ, mort et ressuscité (Rm 6.3-4 ; Mc 10.38) ; c’est uniquement par son union à Christ que le croyant peut s’engager à mourir à sa vie passée pour marcher en nouveauté de vie (Rm 6.3-4). La cène pointe plus directement vers l’oeuvre du Christ dont elle fait mémoire. Mais les croyants sont invités à s’approprier cette oeuvre et les fruits qui en découlent, personnellement et communautairement, tout en proclamant par ce geste l’objet de leur foi et leur espérance (1 Co 11.26). Baptême et cène unissent donc l’affirmation du message chrétien et son appropriation subjective par les croyants. Le mouvement va du croyant au Christ dans le baptême19, et du Christ vers le croyant dans la cène.
5. La signification du baptême et de la cène
Le baptême et la cène sont des gestes symboliques. Ils associent plusieurs significations, qui s’enrichissement mutuellement et en font des actes riches de sens.
La grâce signifiée par le baptême est multiple. Le baptême exprime tout à la fois la naissance à la vie nouvelle donnée en Jésus-Christ (Col 2.12,13 ; Ga 3.27), la purification et le pardon des péchés (Ep 5.26 ; Ac 2.38 ; Col 2.13), l’union à Jésus-Christ20, mort pour nos péchés et ressuscité pour notre justification (Rm 6.4, cf. 4.25), la vie nouvelle par l’Esprit saint que Dieu répand (Ac 2.3821 ; 10.45).
C’est le salut décrit comme passage : au travers des eaux du jugement (1 Pi 3.21), de la mort à la vie (Col 2.12-13 ; Rm 6.4-5,11), des ténèbres à la lumière de la vie, de l’ancien au nouveau (Rm 6.4,6,1122 ; 1 Co 10.1). C’est l’entrée dans la Nouvelle Alliance scellée en la mort et la résurrection du Christ (Hb 9.15). Cette même grâce unit en Jésus-Christ tous ceux qui la reçoivent (1 Co 12.13) : le baptême signifie donc aussi l’insertion dans l’Église, corps du Christ. Cette grâce est reçue en Christ, seul Médiateur entre Dieu et les hommes. Mais elle se déploie dans sa pleine lumière comme oeuvre conjointe du Père, du Fils et de l’Esprit saint. D’où le baptême trinitaire, « au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit » (Mt 28.19).
La cène rappelle la mort de Jésus pour nous : l’évocation des circonstances de son institution (« la nuit où il fut livré », 1 Co 11.23) renvoie à la Passion tout entière et invite à la méditation sur cet événement unique et fondateur ; le corps et le sang signifiés par deux éléments distincts, alors qu’ils sont unis dans un être vivant, évoquent cette mort de façon plus figurée. Cette mort est présentée comme un don, tant par le rappel des gestes de Jésus (« donna ») que par les paroles qui les accompagne (« Prenez », « mangez », « buvez-en tous », « donné », « pour vous »). La réception du pain et du vin dit la participation, personnelle et communautaire, aux grâces qui découlent de l’oeuvre de Jésus. La « communion au corps et au sang de Jésus » (1 Co 10.16) est la participation aux effets de la mort du Christ, fondement de notre relation avec Dieu. La mention du « corps » de Jésus rappelle l’incarnation du Seigneur et ses souffrances bien réelles (1 Pi 2.24), et oriente la pensée vers sa résurrection, sceau décisif du Père sur la personne et l’oeuvre de son Fils (Rm 1.2-5 ; 1 Tm 3.16). La mention du « sang », répandu « pour »23, en « rémission des péchés » désigne la mort de Jésus en sacrifice pour nos péchés. La relation avec l’alliance (« sang de l’alliance », « nouvelle alliance en mon sang ») souligne que la mort de Jésus scelle une disposition nouvelle de Dieu envers nous, qui accomplit et dépasse la première alliance (Hb 9-10), par laquelle Dieu nous montre sa fidélité à ce qu’il a promis (Jr 31.31-34), et s’engage éternellement envers nous (Es 54.10 ; Rm 8.28-39), nous permettant de venir et de revenir à lui avec confiance. La désignation des bénéficiaires de ce don (« pour beaucoup », reprend le langage du quatrième chant du Serviteur de l’Éternel (Es 53.11-12) et invite à méditer la mort de Jésus à cette lumière, pour la considérer dans ses souffrances comme dans ses aboutissements glorieux. Cette perspective s’ouvre dans toute sa dimension glorieuse avec la parole où Jésus annonce le festin du royaume à venir (Mc 14.25, cf. Es 25.6-9), que Paul reprend en rappelant que nous annonçons, par la cène, la mort du Seigneur « jusqu’à ce qu’il vienne » (1 Co 11.26). Toutes ces réalités sont rappelées pour permettre à chaque participant de se les approprier personnellement. Mais la cène exprime aussi ce qui fonde la communauté chrétienne : tous participent à la même grâce et forment ainsi un même corps (1 Co 10.17). Elle constitue un appel à vivre une authentique communion, en tant que participants à la même table du Seigneur (1 Co 11.17-29) : « discerner le corps du Seigneur », c’est aussi avoir les uns à l’égard des autres une attitude digne du Christ qui nous a fait grâce le premier (1 Co 11.29, cf. 11.17-22 ; Ep 4.32 ; Mt 18.23-35).
Les signes et thèmes associés à la cène sont, sur la base du noyau central renvoyant à la mort du Christ, assez larges. Le pain, le vin, la communion de table, la Pâque sont des thèmes riches et évocateurs, largement utilisés dans la typologie biblique. Ils peuvent irriguer la méditation de l’oeuvre du Christ signifiée par la cène.24
6. L’utilité du baptême et de la cène
Quelle est l’utilité du baptême et de la cène, en tant que moyens d’expression de la foi ?
Les deux rites se distinguent, l’un étant unique et l’autre répété. Le baptême exprime l’engagement initial, la cène concerne la vie continue du croyant. L’analogie du passage décisif de la mer après la sortie d’Égypte, suivi de la nourriture du peuple d’Israël en marche vers la terre promise, exprime bien cette différence (1 Co 10.1- 4). Elle dit aussi que le baptême, normalement, précède la cène.
L’utilité première du baptême est qu’il permet l’engagement personnel et son expression publique. Il est « l’engagement que prend une bonne conscience25 » (1 Pi 3.21). Il s’exprime par la parole et par l’implication de tout le corps, l’engagement du corps concrétisant celui des lèvres. C’est un acte sérieux, qui marque souvent une rupture, et affirme clairement l’appartenance à Christ et à son peuple. Il est appelé à servir de repère pour toute la vie chrétienne (Rm 6.1-3). Nous avons besoin de développer ces actes clairs d’affirmation et d’engagement. Ils sont structurants, et ont une forte valeur ajoutée. Que l’on pense à la signification du baptême en terre d’islam ou en des lieux où être chrétien implique l’hostilité des siens : nous avons à retrouver ce sens fort d’engagement, même lorsque le baptême est vécu comme une démarche fortement approuvée par l’entourage.
Le baptême a également pour fonction de mûrir l’engagement et de le rendre pleinement conscient, pleinement assumé. Il arrive que le moment de la conversion ne soit pas très clairement perceptible, l’ouverture à Dieu ayant été progressive : le baptême est un événement bien daté, auquel le croyant peut regarder en se disant que là, il a exprimé un engagement envers Dieu qu’il doit maintenant tenir26.
Il serait réducteur, cependant, de faire du baptême la seule expression d’un engagement. Sa particularité est d’exprimer un engagement qui rend témoignage de la grâce de Dieu toujours première. Le baptême fonde ainsi l’Église et la vie du croyant sur la seule grâce de Dieu. À ce titre, il est non seulement un acte d’obéissance, mais l’archétype de l’obéissance chrétienne, appelée à se développer en reconnaissance pour la grâce reçue en Christ (cf. Tit 2.11-14). En nous montrant le premier geste à faire en réponse à la grâce, Dieu nous montre ce que devra être notre « faire » désormais : une réponse reconnaissante à ce que Christ a fait pour nous27.
Le baptême est le même pour tous, quels que soient le parcours, l’origine et la situation des baptisés. Il dit que Dieu sauve sans faire acception de personne. Il inscrit celui qui exprime ainsi sa foi dans la nuée des témoins du Christ (Hb 12.1).
Le baptême a une fonction particulière à remplir d’un point de vue ecclésial : il constitue l’Église dans sa visibilité. La régénération nous incorpore à l’Église invisible ; le baptême nous incorpore à l’Église visible, localement d’abord, mais plus largement aussi. Car le baptême réalisé dans une Église locale vaudra pour toutes. À ce titre, le baptême exprime le lien entre toutes les Églises du Seigneur.
Il dit le peuple de Dieu dans sa visibilité, par-delà les barrières géographiques ou confessionnelles. Partout, on se référera au fait que tel chrétien a rendu témoignage de sa foi et de son engagement envers le Christ, selon l’ordre institué par Jésus, dans une Église ou à défaut devant un témoin représentant le peuple de Dieu (cf. Ac 8.26-40). Il est la « porte d’entrée » dans l’Église visible du Seigneur, et cette « porte » dit la grâce de Dieu manifestée en Christ !
La cène met, pareillement, la grâce au coeur de la vie du chrétien et de l’Église. Le rappel de la mort de Jésus a ceci de particulier, dans la cène, qu’il se fait sous la forme d’un don à recevoir. Jésus a tenu, par la cène, à donner à son Église un signe renouvelé de la grâce toujours fondatrice de Dieu. Il n’a pas choisi pour signe un crucifix, qui inviterait à la contemplation ou à l’introspection face à l’exemple immense du Christ, mais des éléments donnés à chacun personnellement, précédés d’une invitation (« Prenez, buvez » !), accompagnés d’une parole de grâce (« pour vous »). Le geste corporel d’appropriation du pain et du vin est une invitation à s’approprier cette grâce, comme ce qui nourrit (pain) et qui nous assure du pardon et de la faveur de Dieu (vin). L’accueil dans la communion de Jésus, la grâce offerte, le prix payé pour cette grâce, le recours permanent qu’offre la grâce : voilà la tonalité voulue par le Seigneur, par les gestes et les signes qu’il a choisis. La régularité de la cène, tout au long du cheminement chrétien, rappelle que c’est dans la grâce donnée en Jésus que se trouvent la manne pour chaque jour et le breuvage qui désaltère.
La cène invite, certes, à s’examiner soi-même (1 Co 11.28), et c’est l’un de ses bienfaits. Mais il s’agit d’un examen en vue de participer au pain et à la coupe (1 Co 11.28) : un péché ou un manquement peuvent être confessés en prenant la cène, qui devient alors saisie du pardon et prière en vue de notre transformation ou d’une réparation à effectuer. Un péché, même récurrent, avec lequel on se bat ne disqualifie pas de prendre la cène, si à chaque fois la cène remet dans la ligne du pardon et du désir renouvelé de faire la volonté de Dieu. Seules une résistance à Dieu ou une inconséquence non remises en question disqualifient un croyant de prendre la cène, dont l’orientation doit rester l’offre de la grâce qui enseigne à faire la volonté de Dieu.
La cène s’offre comme une proclamation des vérités fondatrices du salut, tout au long de la marche chrétienne : un repère fort, structurant, bienfaisant. Toujours et encore, le Christ nous invite à sa table et nous en assure l’accès ! Toujours et encore, le Christ nous invite à sa suite et nous en donne les ressources.
La cène nous rappelle le double ancrage de notre condition présente : nous devons ce que nous sommes à l’oeuvre du Christ déjà réalisée, mais nous attendons le plein accomplissement de son royaume avec son retour en gloire. Nous avons déjà goûté que le Seigneur est bon, mais nous attendons le festin à venir et l’anéantissement de la mort pour toujours (Es 25.6-9). Nous sommes quelques-uns réunis, nous attendons le rassemblement éternel de tous les rachetés de Dieu. Nous prenons ce repas en mémoire du Seigneur, nous attendons le moment où nous le prendrons avec lui dans le royaume de son Père (Mt 26.29).
La cène unit le peuple de Dieu autour de son Seigneur. Elle réunit autour de la même table ceux qui confessent n’avoir qu’une raison d’être là : l’amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ. Elle accueille sur cette base, à l’exclusion de toute autre. Elle est un magnifique témoignage collectif d’humilité et de reconnaissance. Le peuple de Dieu se retrouve, totalement redevable, magnifiquement uni. Tous participent au même pain, au même vin, qui les invitent à s’accepter mutuellement ayant été acceptés par le Christ, à se pardonner mutuellement ayant été pardonnés en Christ, à s’aimer les uns les autres, ayant été aimés chacun du même amour sublime.
Repères
Dans une méditation sur les rites, Robert Somerville28 les décrit comme des repères dans un monde changeant et comme des gestes qui soulignent les essentiels au milieu de tant de réalités insignifiantes du quotidien. Ils entretiennent la mémoire collective en rappelant les événements qui ont contribué à forger la communauté qui les célèbre. Ils aident les communautés humaines à ne pas perdre leurs racines, tout en ayant une fonction de rassemblement. Ils donnent un sentiment d’appartenance, tout en invitant chaque participant à voir plus loin que sa seule personne.
C’est dans cette dynamique que le Seigneur Jésus a inscrit le rappel de son oeuvre, par le baptême et la cène. Il nous appartient d’en faire une mémoire vivifiante et le ressort d’un engagement toujours neuf.
THIERRY HUSER
NOTES
1 Le point est souligné par I.Howard Marshall, Last supper and Lord’s supper (Exeter : Paternoster Press, 1980), p.16-18.
2 Paul emploie les termes caractéristiques de la réception et de la transmission d’une tradition orale ; recevoir « du Seigneur » ne vise pas une révélation particulière, mais indique que la tradition orale remonte au Seigneur Jésus. Joachim Jeremias, La dernière cène – Les paroles de Jésus (Paris : Cerf, 1972), p.112-118, 221-222.
3 Cf. Thierry Huser, « Les récits de l’institution de la cène : dissemblances et traditions », in Hokhma 21 (1982), p. 28-50.
4 Pour la valorisation de l’harmonie des sept sacrements, cf. G.C.Berkouwer, Sacraments, Eerdmans, 1969, p. 30-31. La théologie catholique regroupe le septénaire en trois catégories : les sacrements de l’initiation chrétienne (Baptême, Confirmation, Eucharistie), les sacrements de guérison (Pénitence, Onction des malades), et les sacrements du service de la communion (Ordre, Mariage). Ces sacrements se distinguent des « sacramentaux », institués par l’Église, et qui recouvrent toute une gamme de gestes et de paroles de bénédiction, de consécration, de délivrance, ainsi que des éléments de religiosité populaire repris à la lumière de la foi catholique. Cf. Catéchisme de l’Église catholique (Coll Pocket, 1998), p. 311-422.
5 Alain Nisus souligne que « baptisés en (eis) sa mort » n’a pas le sens local d’une réalité en laquelle on est immergé, mais qu’il désigne la référence en relation avec laquelle l’acte prend son sens. C’est ce qu’atteste l’expression « baptisés en (eis) Moïse » : les Israélites n’ont pas été plongés en Moïse, mais le passage de la mer les a associés à Moïse et à la délivrance dont il était l’instrument. (Cours donné à la FLTE).
6 Tant que l’on est vivant, le sang circule dans le corps.
7 Les catholiques reconnaissent que seuls le baptême et l’eucharistie sont institués directement par Jésus. Mais ils considèrent que les cinq autres sacrements sont institués « médiatement » par le Christ, par le biais des apôtres et de l’Église sous l’action de l’Esprit. Certains tentent de regrouper les sept sacrements en les associant autour du baptême et de la cène. Cf. Louis-Marie Chauvet, « Un sacrement majeur, le baptême », in Esprit et Vie, n°250, août 2012, p. 4-5.
8 Certains considèrent que le lavement des pieds est institué par le Christ de la même façon que le baptême et la cène. Mais Jésus place son acte dans la catégorie d’un exemple à imiter plutôt que d’un geste à répéter à l’identique. Son geste a valeur d’illustration de l’esprit de service qui doit animer tout disciple : c’est en servant, à l’image du Christ, qu’on se « lave les pieds les uns des autres » (Jn 13.12-16). Cela n’empêche pas une cérémonie du lavement des pieds, pour rappeler la nécessité du service mutuel selon l’exemple du Christ. Mais on obéit au commandement de Jésus par le service, et non par la répétition cérémonielle de son geste.
9 La réception fructueuse du sacrement exige « l’absence d’obstacle » (obex) – formule négative, plutôt que l’exigence positive de foi.
10 Louis-Marie Chauvet, «Un sacrement majeur, le baptême», Esprit et Vie n° 250, août 2012, p. 2
12 Catéchisme de l’Église Catholique, § 1322-1332, 1356-1383 (p.334-337, 343-351).
13 Lorsque Paul affirme que tous ceux qui ont été baptisés ont revêtu Christ (Ga 3.26), il a déjà, à dix reprises, mentionné les grâces du salut reçues par la foi, et la foi seule : l’Esprit (3.2, 4,14), la justification (3.6,7,8,24), la bénédiction d’Abraham (3.9), « ce qui a été promis » (3.22), la filiation (3.26).
14 Voir Joachim Jeremias, La dernière cène…, p. 59-65 sur la signification donnée à ces éléments.
15 Alain Nisus, cours FLTE sur les sacrements.
16 Cf. Henri Mottu, art « Rites », in Encyclopédie du protestantisme (s/dir Pierre Gisel, Paris : Quadrige/PUF, 2e éd, 2006), p.1235.
17 Ou ils sont en train de les recevoir, si le baptême coïncide avec leur conversion. C’est cette coïncidence qui explique que le pardon des péchés et le don de l’Esprit sont présentés comme une promesse en Actes 2.38.
18 On est dans le mouvement général de la foi chrétienne qui part de l’intérieur pour s’extérioriser (cf. « de l’abondance du coeur, la bouche parle », Lc 6.45), en opposition avec la voie païenne, où l’on espère change l’intérieur par le rite extérieur.
19 Cela ne vaut que pour la conception du baptême comme profession de foi, clé de la compréhension évangélique professante du baptême.
20 Cf. les adjectifs et noms composés avec le préfixe « sun- » en Romains 6 (co-ensevelis, v.4 ; même plante, v.5 ; co-crucifiés, v.6 ; co-vivre, v.8).
21 Les premiers baptêmes chrétiens, lors de la Pentecôte, expriment l’accomplissement des promesses de l’Ancien Testament concernant l’Esprit répandu par le Seigneur, comme source (Joel 3.1; 4.18), vivification (Es 44.3), purification (Ez 36.25-26).
22 Cf. aussi l’usage de « une fois pour toutes » en Rm 6.10, appliqué au Christ, mais retentissant sur le verset 11.
23 La préposition « pour » (hyper) signifie à la fois « en faveur de » et « à la place de ». Pour quelques exemples du sens substitutif, cf. Jn 11.50 ; 2 Co 5.14 ; 1 Tm 2.6 ; 1 Pi 3.18.
24 Cf. Thierry Huser, « 101 manières de célébrer la cène », Lien Fraternel n°98/12, décembre 2016.
25 « Bonne conscience » parce que purifiée par le Christ.
26 Merci à Sylvain Romerowski pour cette perspective pastorale pertinente.
27 Cette notion du baptême comme archétype de la vie chrétienne a été développée par Karl Barth.
28 http://www.bible-ouverte.ch/meditations/messages-pour-votre-coeur/975-les-rites.html