Non, accepter son propre déclin, ce n’est pas SE RÉSIGNER !

     On admet couramment qu’il y ait une crise de l’adolescence, parce que l’on est en train de passer de l’état de l’enfant à celui de l’adulte mais, qui s’intéresse à la crise du déclin, parce que l’on passe de l’état de l’homme adulte à celui du vieillard ?

     Le dictionnaire Larousse définit ainsi le mot « déclin » : « Etat de ce qui arrive au terme de son évolution »… Pas très exaltante cette perspective, si l’être humain n’a visé comme idéal que la satisfaction des nécessités quotidiennes, pendant sa courte apparition sur la terre. Car depuis la création de notre planète, les générations ont filé bon train, et à part quelques exceptions, la plupart des hommes sont tombés dans l’oubli.

     Le psalmiste a écrit : « Le temps de notre vie, c’est soixante-dix ans, au mieux, quatre-vingts ans pour les plus vigoureux ; et leur agitation n’est que peine et misère. Car le temps passe vite et nous nous envolons ». (Psaume 90:10 – Bible du Semeur et de même pour les citations suivantes)

     Je viens de franchir le cap des soixante-dix ans et je me sens libre d’aborder ce sujet.

En dépit d’une tendance mélancolique, que le Seigneur avec une tendre et patiente discipline a dû constamment corriger au cours de mes années, j’ai décidé depuis quatre ou cinq ans de vivre ma vieillesse dans un esprit de soumission joyeuse. Sans être exhaustive sur une question aussi décisive que la préparation au « Grand Départ », voici comment j’aimerais aborder ce propos :

– Accepter le déclin,
– Préparer le déclin,
– Les consolations du déclin.

ACCEPTER LE DÉCLIN :

     L’affaiblissement des capacités physiques et une moins grande résistance à la fatigue constituent des sonnettes d’alarme au premier degré, qui devraient attirer l’attention sur l’emprise des années.

     Il peut y avoir un rejet du déclin, sachant qu’il s’achève inexorablement autour d’un cercueil. « On a bien le temps d’y penser », disent la plupart des gens, en raison de la peur qui les tenaille. Ils repoussent à plus tard l’idée de la tombe. En fait, ils n’ont pas tort, puisque la mort n’avait pas été prévue pas le Créateur. Notre Père céleste voulait que nous soyons heureux à jamais. Son programme pour l’être humain était un programme de bonheur éternel et de contact permanent avec Lui. L’Eternel Dieu avait placé le premier couple qu’il chérissait dans un pays de délices, et les visitait « …au moment de la brise du soir » (Genèse 3:8)

     Par leur désobéissance, l’homme et la femme ont introduit la mort dans notre monde. Il est donc bien naturel pour l’incrédule, que la perspective de se retrouver en décomposition à un mètre cinquante sous terre, lui inspire une indicible horreur.

     Notons que Dieu, dans son amour, ne pouvait laisser sa créature séparée de Lui. Il a envoyé son Fils unique, le Seigneur Jésus, lequel s’est offert en punition de nos péchés. « Il a souffert la mort une fois pour toutes. Lui, l’innocent, il est mort pour nous coupables, afin de nous conduire à Dieu » (1 Pierre 3:18). Ainsi, la relation, perdue au début du monde, a été rétablie à la croix. Christ régnant sur ma vie est l’intermédiaire qui me permet d’entretenir une relation vivante avec mon Père céleste.

     Quelles sont les angoisses accompagnant le déclin ? La crainte de la solitude, de se retrouver à l’hospice, de la déchéance physique, de la perte des facultés mentales, de devenir un fardeau pour ceux que nous aimons, et d’une multitude d’autres incommodités douloureuses aux sombres couleurs. Ajoutons à cette énumération, la révolte qui envahit le cœur, lorsque nous voyons « les bons » mourir prématurément, ou dans d’atroces souffrances, tandis que les méchants semblent continuer impunément leur route.

     Le péché qui a séparé l’homme de son Dieu depuis Adam, n’a plus jamais laissé de repos à l’humanité. La violence de Caïn ne se retrouve-t-elle pas dans les cours de récréation de nos écoliers ? Le croyant, né de nouveau, selon Jean 3:3, qui a accepté Christ comme son Sauveur personnel, sait que le fils de Dieu a remporté toute victoire à la Croix, et principalement la victoire sur la mort. Il ne devrait pas craindre l’instant du « Grand Passage » Il n’en est pas nécessairement ainsi.

* Premièrement, parce que Satan, l’ennemi, l’Accusateur des frères, vient souvent harceler l’enfant de Dieu, lui rappeler un péché particulier, et lui faire perdre de vue la victoire de Golgotha. Ces sortes de combats ne sont pas rares, dans les mois ou les jours qui précédent la mort, et ils demandent l’aide d’un ami, dans la prière.

* Deuxièmement, parce que nous sommes encore sur la terre, avec ses malheurs, ses injustices, son immoralité, ses crimes… et que nous en subissons les pressions. La Bible nous indique des exemples de fidèles serviteurs tombés en « déprime » et même réclamant la mort (1 Rois 19:3 et 4).

Sauf pour les personnes qui n’en sont pas conscientes, accepter le déclin représente donc un combat, la plupart du temps.

     Malgré le fait que je pensais avoir bien vécu mon entrée dans la période du troisième âge, j’ai reçu un choc, lorsqu’un soir notre pasteur s’est levé et a annoncé : « Nous allons demander à la doyenne de notre assemblée, Madame Dufour, de présenter cette rencontre au Seigneur ». Discrètement, j’ai glissé un regard à droite, puis un regard à gauche, pensant qu’il s’était trompé et que je n’étais pas vraiment la plus âgée. Après un léger temps de flottement, j’ai prié. L’aînée de l’assistance, c’était bien moi. Le plus curieux, c’est que j’ai mis plusieurs jours à m’y habituer.

     Dans ce combat de l’acceptation, lorsque la pensée d’une fin difficile m’assaille, je raisonne ainsi : « Andrée, il se peut que tu passes un mauvais quart d’heure, mais au dernier moment, il ne t’abandonnera pas, il ne te délaissera pas. Il ne l’a jamais fait » Et chaque fois, le Seigneur m’apaise avec cette promesse : « Ma grâce te suffit ! ».

PRÉPARER LE DÉCLIN :

     C’est encore et toujours avancer par la foi, c’est exercer sa volonté à vouloir ce que Dieu a prévu d’avance.
Il existe une préparation mentale du déclin :

* Alors que nous sommes encore lucides et valides, avons-nous dit oui à la possibilité de perdre notre autonomie et de dépendre de quelqu’un d’autre ?

* Avons-nous dit oui à la souffrance physique sous toutes ses formes, sachant que le Seigneur a promis de ne jamais nous éprouver au-delà de nos forces (1 Corinthiens 10:13) ? Sommes-nous prêts à vivre notre souffrance en compagnie de Christ ? Sa proximité est plus importante que l’intensité de notre mal. « Heureux celui qui… l’Eternel le soutient sur son lit de souffrance. » (Psaume 41).

* Avons-nous dit oui au fait d’être placé un jour dans une maison de retraite, loin de notre famille ?

* Avons-nous dit oui, au fait de rester seul (seule), dans un petit studio, parce que nos vieux amis se sont éteints avant nous, et que nos enfants, mal logés eux-mêmes, sont dans l’impossibilité de nous recevoir ?

* Avons-nous dit oui, au fait de céder la place ? Lorsque nous sentons que l’heure est venue d’abandonner une responsabilité, assumée depuis longtemps, est-ce que nous nous y cramponnons ? Trouvons le courage de passer le relais. Si nous nous démettons progressivement de nos fonctions, tout en initiant aimablement notre successeur, la relève se produira en douceur. En fait, notre oui d’aujourd’hui favorisera une adaptation sereine à toutes les situations de demain dont, en fin de compte, le Seigneur reste le Maître. Et c’est à ce point-là, que nous rejoignons la préparation spirituelle du déclin.

     Il est important d’entretenir une vie de prière aussi vigilante que possible, de s’en tenir aux Saintes Ecritures et d’avancer par la foi. Un refroidissement de l’amour pour le Seigneur guette aussi bien un ainé qu’un adolescent. La Bible nous fournit l’exemple de personnages qui, après avoir marché avec Dieu, ont connu une fin attristante loin de Lui.

     Les habitudes du déclin reflètent les habitudes de toute une vie, même si les facultés mentales d’une personne se détériorent. Combien de vieillards, ne reconnaissant même plus les membres de leurs familles, redeviennent lucides lorsqu’on leur lit un passage de l’Ecriture Sainte, et retrouvent leur vivacité d’esprit au moment de la prière !

     Au cours de mes visites aux personnes du troisième âge, je suis arrivée à l’inébranlable certitude que, pour un croyant, retomber dans l’enfance ne signifie en aucun cas la perte du salut.

     Dans le livre de Pamela Rosewell : « Cinq ans de silence : les dernières années de Corrie ten Boom », des faits encourageants sont relatés. Cette femme merveilleuse, qui fut internée à Ravensbruck pour avoir caché des Juifs pendant la guerre et qui, ensuite, parcourut le monde pour annoncer l’Evangile, perdit l’usage de la parole à la suite d’une attaque. « Tante Corrie recevait des visiteurs d’une manière décontractée, et nous leur expliquions en sa présence, qu’elle avait eu une attaque et que c’était la raison pour laquelle elle n’était pas à même de s’adresser à eux comme elle le souhaiterait. En dépit de son grand handicap, elle ne cessait de faire preuve d’un authentique intérêt et d’amour pour autrui ». Si l’on a pris l’habitude de vivre en se mettant au service des autres, comme le faisait Corrie ten Boom, on continue de l’être, même si le cerveau ne fonctionne plus aussi clairement qu’autrefois.

     Se préparer spirituellement, c’est veiller à ne pas perdre notre sensibilité au Saint-Esprit. Si nous restons proches de Jésus, il transformera notre caractère, et les fruits de l’Esprit abonderont en nous. Avons-nous déjà prié comme ceci: « Seigneur, merci de continuer ton oeuvre en moi », ou bien : « merci des remarques des autres pour m’aider à grandir ». Nous pourrons alors dire avec l’apôtre Paul : « Voilà pourquoi nous ne perdons pas courage. Et même si notre être extérieur se détériore peu à peu, intérieurement, nous sommes renouvelés de jour en jour. » (2 Corinthiens 4:16)

     Cultiver la générosité et la gratitude font aussi partie de la préparation spirituelle du déclin. Beaucoup de personnes âgées tombent dans le piège de la peur de manquer ; elles thésaurisent au moment précis où les biens de ce monde vont leur échapper. La reconnaissance préserve de l’amertume. C’est un exercice utile que d’apprendre à dire merci. Pourquoi ne pas envoyer un petit mot exprimant notre gratitude à tel ami éloigné, qui a enrichi notre vie à un moment précis, pendant que nous en sommes encore capables !

     Aussi longtemps que nos facultés intellectuelles le permettent, que notre comportement psychologique demeure équilibré et que nos forces physiques ne nous trahissent pas, acceptons les tâches que le Seigneur nous envoie. Il connaît nos limites et provoque les occasions d’un agréable service à notre mesure, mais ne nous impliquons pas dans des engagements qui troubleraient notre paix intérieure.

     Maintes personnes âgées savent que des membres de leurs familles ne sont pas venues à la croix et c’est un fardeau pour elles. J’ai réglé ce problème en priant ainsi : « Mon Père, aide-moi à me décharger maintenant du sort de mes bien-aimés, pour quand je serai prés de toi ». Si l’ennemi me harcèle de nouveau avec cette question, moi aussi, je recommence de nouveau, avec le même type de requête, jusqu’à ce qu’un repos profond habite mon coeur. N’est-il pas écrit : « Priez sans cesse » ?

LES CONSOLATIONS DU DÉCLIN:

    Par la foi, le croyant est passé de la mort à la vie, donc pour lui, la mort spirituelle n’existe plus. Le don gratuit que Dieu lui a accordé dans l’union avec son Seigneur, c’est la vie éternelle (Romains 6:23).

     Le cancer ne rongera plus aucun de nos organes, plus de membres fracturés, de vue affaiblie, de surdité, de paralysie et autres maux qui auront accompagné notre pélerinage et, spécialement, notre vieillesse, parce que notre corps sera devenu incorruptible, glorieux, plein de force et spirituel (1 Corinthiens 15). Il sera semblable à celui du Christ ressuscité (Philippiens 3:20-21).

     Lorsque notre tâche sera terminée, le Créateur de toute lumière nous invitera dans sa merveilleuse demeure. Il nous a placés en ce monde pour un travail précis et, à l’instant de son achèvement, il nous appellera près de Lui. Même si notre mort résulte d’un banal accident de la route. Avec Dieu, il n’existe pas de hasard.

     Il est écrit dans le Psaume 139:16: « … Je n’étais encore qu’une masse informe, mais tu me voyais et dans ton registre se trouvaient déjà inscrits tous les jours que tu m’avais destinés alors qu’aucun d’eux n’existait encore ». Dieu tient entre ses mains le calendrier de ma vie. Il avait fixé la date de ma naissance, il connait la date de ma mort. Toutes mes journées, des plus éprouvantes aux plus harmonieuses, sont inscrites dans son livre. Combien il est réconfortant d’avancer avec de telles certitudes !

     « J’ai le désir de quitter cette vie pour être avec le Christ, car c’est de loin le meilleur. » (Phil. 1:23). L’apôtre Paul aurait-il écrit ces mots magnifiques si la présence du Seigneur Jésus n’était pas l’allégresse absolue, la perfection dans le bonheur ?

     Il serait insensé de nier le doigt d’un Créateur inimitable, dans la nature qui nous entoure. Dans l’épitre aux Romains – chapitre 1, verset 20 – nous lisons « Depuis la création du monde. les perfections invisibles de Dieu, sa puissance éternelle et sa divinité se voient dans ses oeuvres quand on y réfléchit ». L’infini de la voûte étoilée, la splendeur d’un coucher de soleil, le frémissement d’un champ fertile et verdoyant, la gaieté d’un ruisseau chantant entre les rochers, l’éclat lumineux d’une goutte de rosée, ne sont qu’un faible aperçu de ce que nous contemplerons dans les cieux. Si la terre recèle de tels trésors de beauté, qu’en sera-t-il de la splendeur du Paradis ? Soudain, en Sa Présence, le mot Gloire revêtira toute sa signification. Savoir que nous verrons Christ, le Fils parfait, quelle anticipation joyeuse du bonheur promis ! Une plénitude d’allégresse nous habitera à jamais ; n’avons-nous pas le droit d’être consolés par un tel avenir ?

     Bien que les martyrs, à travers les siècles, aient été considérés comme les « balayures du monde », ils bénéficiaient de la position la plus élevée qui soit – et c’est aussi la nôtre – celle de citoyens du Royaume des cieux. Pendant nos pérégrinations sur la terre, nous sommes des envoyés, des ambassadeurs du Roi des rois. Un jour, au seuil des parvis éternels, les bras tendus vers nous, le Seigneur Jésus nous dira: « Tu n’étais qu’un étranger et un voyageur sur la terre. Viens… Maintenant, c’est l’heure de rentrer à la Maison »

 

Andrée DUFOUR