Le commandement de Jésus prescrit en Jean 13.34-35 demeure une obligation incontournable pour chaque génération de chrétiens : « Je vous donne un commandement nouveau : Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés, vous aussi, aimez-vous les uns les autres. A ceci, tous connaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l’amour les uns pour les autres. »
Si « l’amour est le lien de la perfection » (Colossiens 3.14) et « la voie par excellence » (1 Cor. 12.31 ; 13.13), nous comprenons aisément les nombreuses exhortations à l’amour qui reviennent très souvent dans le Nouveau Testament, notamment dans les épitres ! Nous y retrouvons fréquemment plusieurs verbes à l’impératif, suivis de la mention suivante « les uns les autres » (près d’une soixantaine de fois) ou encore « réciproquement »… qui décrivent la manière concrète par laquelle les enfants de Dieu doivent manifester leur amour les uns envers les autres.
1. S’ACCEPTER MUTUELLEMENT« Saluez-vous les uns les autres par un saint baiser. » (Romains 16.16) |
Cette exhortation revient cinq fois dans le Nouveau Testament, mais Paul précise ici « par un saint baiser » : c’était la coutume à l’époque de s’embrasser en se saluant, mais il ne s’agit pas pour les croyants d’une salutation formelle, mécanique ou vide de sens. L’apôtre ajoute une dimension spécifiquement chrétienne qui lui donne toute sa signification dans le cadre de la communauté spirituelle, où il est question d’exprimer de l’affection avec chaleur et sincérité (voir Actes 20.37).
Dans l’Eglise de Jésus-Christ, nous ne devrions pas chercher à nous éviter les uns les autres, mais plutôt à nous rencontrer. Tous les croyants devraient pouvoir se saluer les uns les autres avec une chaleureuse affection. Se saluer de cette manière sous-entend, d’une part, que les problèmes de relation entre les personnes sont résolus au fur et à mesure qu’ils surviennent, et d’autre part, qu’il existe un intérêt sincère envers les autres. Idéalement parlant, chacun devrait pourvoir saluer son prochain en le regardant dans le blanc des yeux et en entonnant le petit choeur qui dit :
« Je t’aime de l’amour du Seigneur,
« Oui je t’aime de l’amour du Seigneur,
« Car je vois en toi la gloire de mon Roi,
« Oui je t’aime de l’amour du Seigneur. »
Nous ne pouvons pas saluer notre prochain de cette façon si un problème non réglé subsiste encore entre nous. En le saluant de cette manière, nous communiquons une attitude positive d’acceptation et d’appréciation. De l’affection pure et sincère bien exprimée renforce les sentiments d’unité, d’amour et de bien-être communautaire. Par contre, mal exprimée ou avec de mauvaises motivations, la salutation peut gêner, blesser ou bloquer, tout comme du reste, l’absence de salutation qui – si elle est volontaire – trahit un manque d’amour notoire.
« Faites-vous mutuellement bon accueil, comme Christ vous a accueillis, pour la gloire de Dieu. »(Romains 15.7). Nous devons accueillir favorablement et généreusement les autres, en les accueillant avec la même faveur et la même générosité que nous avons trouvées dans l’accueil du Christ à notre égard. L’acceptation des autres à notre égard dépend en grande partie de notre attitude, de ce que nous faisons ou ne faisons pas pour eux. Si nous acceptons ou si nous rejetons les autres sur la base de critères légalistes et formels, nous allons rapidement tomber dans l’esprit de jugement ou dans une pseudo-spiritualité : les autres se sentiront culpabilisés à tort, manipulés et feront tout pour nous éviter. Deux pièges sont à éviter, en rapport avec ce commandement :
– l’esprit de jugement, les uns à l’égard des autres. Si le faible ne juge pas, et si le fort ne méprise pas, le résultat est heureux pour tout le monde : le faible deviendra fort et le fort encore plus charitable, ce qui rapprochera l’un de l’autre, dans un sentiment de plus grande unité.
« Ne jugez pas, afin de ne pas être jugés. C’est du jugement dont vous jugez qu’on vous jugera, de la mesure dont vous mesurez qu’on vous mesurera. » (Matthieu 7.1-2);
– l’esprit de parti et de préférence. Un esprit partisan, partial et discriminatoire, des préjugés, du favoritisme ou des partis pris détruisent l’unité et aliènent les relations (Jacques 2.1-4). Pourtant, chaque membre du Corps de Christ est également important et a une valeur égale: riche ou pauvre, noir ou blanc, fort ou faible, jeune ou vieux, chacun a sa place et a droit de cité. « Car auprès de Dieu, il n’y a pas de considération de personne. » (Romains 2.11).
Les chapitres 14 et 15 de l’épître de Paul aux Romains ont beaucoup à dire sur la question de l’accueil fraternel. Le contexte est celui des viandes sacrifiées aux idoles, puis vendues sur le marché. La question était de savoir si le chrétien pouvait ou non en acheter et les consommer avec bonne conscience. Certains répondaient par l’affirmative (les chrétiens forts), d’autres (les chrétiens faibles), plus scrupuleux, s’en abstenaient. Voilà les conseils que donne l’apôtre Paul pour traiter cette question épineuse et controversée :
- il se garde de donner raison à l’un ou à l’autre : il appelle plutôt chacun (surtout le fort) à se mettre à la place de l’autre (14.15-16) ;
- le fort doit faire preuve de maturité spirituelle pour savoir accueillir le faible qui a une autre conviction (14.1): il doit respecter ses scrupules sans chercher la controverse ;
- le fort doit se garder de mépriser le faible, tout comme le faible doit se garder de juger le fort, puisque le Seigneur accueille favorablement l’un comme l’autre (14.3) ;
- le fort – qui pourrait être tenté de se complaire en lui-même – doit accepter de restreindre l’usage de sa liberté en supportant les faiblesses des autres (15.1) ;
- l’essentiel est que chacun ait une conviction devant le Seigneur et qu’il vive en accord avec sa conscience (14.5, 22-23 ) ;
- chacun doit rechercher ce qui contribue à l’édification mutuelle (14.19), d’autant que chacun devra rendre compte pour lui-même devant le Seigneur (14.10-12);
- vivant ainsi dans l’harmonie fraternelle, le chrétien fort et le chrétien faible pourront louer Dieu ensemble et s’accueillir mutuellement comme ils ont été accueillis en Christ (15.5-7).
2. SE MANIFESTER UNE AFFECTION MUTUELLE« Par amour fraternel, ayez de l’affection les uns pour les autres. » (Romains 12.10a) |
L’affection constitue ce qui devrait caractériser nos rapports humains, avec tout ce que cela évoque de chaleur, de spontanéité naturelle et d’intérêt pour la personne… Jésus attirait les enfants et les affectionnait tout particulièrement, à la différence des disciples qui ne les appréciaient pas particulièrement (Marc 10.13-16). Les frères et soeurs, issus d’une même fratrie, ont des liens profonds qui les unissent et les relient les uns aux autres : la charge leur est imposée de vivre l’amour entre eux, concrètement et véritablement, à l’exemple de leur Père céleste qui leur a montré comment le communiquer.
Il existe mille et une façons d’exprimer son affection mais cela doit se faire de manière personnalisée, sur mesure pour ainsi dire, en fonction du temps, du lieu, de la personne : une attention délicate, un petit mot d’appréciation qui tombe à pic, le geste d’un petit cadeau qui touche, un coup de téléphone bienvenu, de l’aide pratique pour un travail fastidieux, une invitation pour un repas, une carte d’anniversaire…
« Par honneur, usez de prévenances réciproques. »(Romains 12.10b). Nous devrions chercher à nous honorer mutuellement, en allant au-devant les uns des autres pour répondre à nos besoins réciproques. Nous devrions presque pouvoir « deviner » les besoins des autres pour prendre l’initiative de les satisfaire. Cela signifie que nous apprendrons à nous réjouir du bonheur et du succès des autres, et à nous affliger de leurs malheurs. Jésus nous offre une fois de plus le modèle grandeur nature, notamment en lavant les pieds de ses disciples étonnés (Jean 13.12-17).
3. SE METTRE AU SERVICE LES UNS DES AUTRES« Par amour, soyez serviteurs les uns des autres. » (Galates 5.13) |
C’est l’amour pour autrui qui impose une limite à notre liberté. La liberté en effet n’est pas la licence de faire ce que nous voulons, mais le pouvoir de faire ce que nous devons. Notre liberté se termine là où commence celle des autres, d’une part, et d’autre part, au nom de l’amour, nous restreindrons l’usage de notre liberté pour pouvoir servir au mieux notre prochain.
La grandeur d’un homme se mesure à son esprit de service, tout comme l’utilité et l’importance d’un don spirituel se mesurent à son esprit de service, tout comme l’utilité et l’importance d’un don spirituel se mesurent au nombre de personnes que ce don permet de servir… Jésus, le serviteur par excellence, est venu pour remplir sa mission dans cet état d’esprit-là : « Le Fils de l’homme est venu, non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour beaucoup. » (Marc 10:45). Il avait la bonne motivation : celle de la compassion, que constitue le trop plein d’amour qui déborde (Matthieu 14.14).
Avoir l’esprit de service, c’est prendre l’initiative de servir avant même qu’on nous le demande ; c’est être le premier à voir les besoins des autres, c’est faire preuve de prévenances en allant au devant des besoins des autres ; c’est rechercher l’intérêt des autres en étant tourné vers eux.
4. MARCHER DANS LA LUMIERE LES UNS AVEC LES AUTRES« Nous qui sommes plusieurs, nous formons un seul corps en Christ et nous sommes tous membres les uns des autres. » (Romains 12.15) |
Du fait que nous appartenons au même corps dont nous sommes membres, à part entière et pour notre part personnelle, nous sommes reliés les uns aux autres puisque membres les uns des autres. Et cela a de grandes conséquences qui touchent à de nombreux domaines. Nous devons par exemple manifester notre solidarité mutuelle, puisque ce qui affecte un membre se répercute immanquablement sur un autre membre. C’est pourquoi nous devons nous réjouir avec ceux qui se réjouissent et pleurer avec ceux qui pleurent (Romains 12.15).
Cela signifie aussi que nous devons veiller tout particulièrement sur notre comportement personnel. En effet, un membre indigne du Corps de Christ, qui se conduit d’une manière notoirement contraire à son devoir, fait rejaillir les conséquences de ses inconséquences sur toute la communauté spirituelle dont il est membre et à laquelle il est identifié…
« Dieu est lumière, il n’y a pas en lui de ténèbres. Si nous disons que nous sommes en communion avec Lui, et que nous marchions dans les ténèbres, nous mentons et nous ne pratiquons pas la vérité. Mais si nous marchons dans la lumière, comme Il est Lui-même dans la lumière, nous sommes en communion les uns avec les autres, et le sang de Jésus son Fils nous purifie de tout péché. » (1 Jean 1.5-7). Si nous sommes membres les uns des autres, nous devons « marcher dans la lumière » les uns avec les autres, c’est-à-dire vivre vrais les uns avec les autres ! « Celui qui prétend être dans la lumière, tout en haïssant son frère, est encore dans les ténèbres. Celui qui aime son frère demeure dans la lumière et ne risque pas de tomber. » (1 Jean 2.9-10). Vivre avec des problèmes relationnels non résolus, c’est vivre de manière obscure, instable et très vulnérable, tandis que l’amour fraternel dégage et éclaire notre chemin.
Etre vrais les uns envers les autres constitue une exigence morale que nous nous devons les uns aux autres. « Ne mentez pas les uns aux autres, vous qui avez dépouillé la vieille nature avec ses pratiques » (Colossiens 3.9). Vivre dans la lumière les uns avec les autres signifie marcher dans la transparence, jouer cartes sur table, se dire mutuellement la vérité, révéler ses difficultés, ses échecs et ses lacunes au point de se rendre vulnérable en avouant ses faiblesses pour s’encourager et se soutenir mutuellement. Cela revient à rejeter toute forme de fausseté, de tromperie et d’hypocrisie.
5. S’EDIFIER MUTUELLEMENT« Ainsi donc, recherchez ce qui contribue à la paix et à l’édification mutuelle. » (Romains 14:19) |
Cette exhortation est adressée à l’ensemble des membres de la communauté chrétienne, et non exclusivement aux responsables spirituels : « Exhortez-vous mutuellement et édifiez-vous l’un l’autre… » (1 Thessaloniciens 5.11). Chaque chrétien devrait pouvoir exhorter les autres chrétiens (Romains 15.14). L’apôtre Paul savait exhorter avec persistance et persévérance : « Veillez donc, en vous souvenant que, pendant trois ans, je n’ai cessé nuit et jour d’avertir avec larmes chacun de vous. » (Actes 20:31).
Plusieurs facteurs sont nécessaires pour que le processus de l’exhortation fonctionne convenablement :
- Une bonne motivation est requise et il faut être animé de bons sentiments, c’est-à-dire dépourvu de toute animosité personnelle.
- L’objectif visé est celui de la maturité spirituelle et de l’édification du caractère : « C’est Christ que nous annonçons, en avertissant tout homme et en instruisant tour homme en toute sagesse, afin de rendre tout homme parfait en Christ. » (Colossiens 1.28-29).
- Notre exhortation doit produire des effets positifs : édifier et construire, et non choquer, ni démolir.
- L’exhortation doit être d’abord préventive, dissuasive ensuite, et répressive enfin. Nous avons besoin d’équilibre et de sensibilité pour nous exhorter sans nous juger (1 Thessaloniciens 5.14).
- Tout est dans l’art et la manière : l’exhortation doit être dosée, personnalisée et appropriée (1 Timothée 5.1-2).
- L’outil principal pour exhorter est la Parole de Dieu, la vérité qui libère (Tite 1.9 ; 2 Timothée 4.2).
- Une démarche privée est préférable à une démarche publique, à moins qu’une intention dissuasive ne demande une intervention publique.
6. S’ENCOURAGER MUTUELLEMENT« Portez les fardeaux les uns des autres. » (Galates 6.2) |
Puisque nous sommes membres les uns des autres, nous avons un devoir moral d’assistance mutuelle, à tous les niveaux. Nous devons veiller les uns sur les autres en nous stimulant dans la poursuite de la sanctification (Hébreux 10.24 ; 12.15).
Nous devons aussi nous soutenir dans l’épreuve et nous encourager mutuellement dans la lutte contre le péché. Tel est le contexte de Galates 6.2 que nous venons de citer: « Frères, si un homme vient à être surpris en quelque faute, vous qui êtes spirituels, redressez-le avec un esprit de douceur. Prends garde à toi-même, de peur que toi aussi, tu ne sois tenté. » (v. 1). Cette entreprise de restauration a besoin d’être assumée par des chrétiens spirituels, de manière collégiale, et elle demande beaucoup d’humilité et de douceur : celui qui exhorte doit rester conscient de ses propres péchés et de ses lacunes.
Le Saint-Esprit est bel et bien le consolateur, mais cela n’empêche pas que nous devons nous consoler les uns les autres en portant mutuellement nos fardeaux. « L’inquiétude dans le coeur de l’homme l’accable, mais une bonne parole le réjouit. » (Proverbes 12.25). Pour encourager autrui, il faut être conscient de ses besoins et de ses problèmes. L’encouragement que nous offrons doit communiquer un sentiment d’acceptation et de valorisation à la personne que nous voulons encourager.
L’encouragement se communique de différentes manières : par des paroles, par une lettre, par un appel téléphonique, par l’expression du visage, par la compassion, par des gestes d’affection et, de manière très concrète, par tout ce que notre « amour en action » peut nous inspirer.
7. SE REPRENDRE MUTUELLEMENT« Avertissez ceux qui vivent dans le désordre. » (1 Thessaloniciens 5.14) |
Lorsqu’un frère pèche contre autrui ou nous offense personnellement, comment réagissons-nous ? Sous-estimons-nous la gravité de la faute en la passant sous silence ? Du haut de notre supériorité spirituelle, jugeons-nous et condamnons-nous le coupable en l’abandonnant à sa triste condition ? Explosons-nous en disant avec colère tout le mal que nous pensons de lui ? Ou cherchons-nous à le confronter et à le reprendre, dans le but de l’amener à un changement d’attitude ?
Si vous voyez sur la chemise de votre voisin une tâche de confiture qu’il n’a pas remarquée, comment réagissez-vous ? Laissez-vous passer, en prétextant que cela ne vous regarde pas, ou bien vous souciez-vous suffisamment de lui pour l’en avertir ? Et votre voisin, dans l’affaire, comment réagira-t-il envers vous ? Avec reconnaissance pour le service rendu et la preuve d’amour démontrée ou en vous en voulant à mort de l’avoir « jugé » et de vous être « mêlé de ce qui ne vous regardait pas »… ? Voilà posée toute la problématique de la réprimande mutuelle qui explique la difficulté que nous avons tous à trouver le juste milieu dans l’application de ce principe qu’il est plus facile de négliger que de pratiquer.
Si « le Seigneur corrige celui qu’ll aime » (Hébreux 12.6), nous devons, à notre tour, aimer au point de reprendre. Reprendre, c’est accepter de confronter le pécheur, même au risque d’être rejeté ou de perdre une relation. La meilleure manière de témoigner de l’amour à notre frère n’est pas de fermer les yeux sur son péché, car, sinon, il persistera impunément dans sa mauvaise attitude ! N’a-t-il pas besoin d’apprendre à faire le lien entre son comportement coupable et les conséquences fâcheuses qui en résultent, pour lui comme pour les autres ?
Reprendre quelqu’un, c’est lui témoigner de l’intérêt et de l’amour au point de vouloir le meilleur pour lui. Par souci de prophylaxie spirituelle, pour préserver la sainteté de Dieu et pour dissuader les pécheurs de contaminer la communauté israélite, l’Ancien Testament appelait à « extirper le mal du milieu d’Israël » (Deutéronome 22.22 ; 21.21 ; 17.7). Le Nouveau Testament nous appelle à dénoncer le péché pour l’éradiquer, ce qui implique la nécessité de la réprimande fraternelle et de la discipline ecclésiastique (Matthieu 5.23-24 ; 18.15-17 ; Jacques 5.19-20). Le Seigneur a instauré une procédure efficace et réaliste pour trancher les litiges entre personnes.
- Nous devons prendre l’initiative d’aller en personne voir celui ou celle qui nous a offensé : cette démarche privée doit être entreprise dans un esprit d’humilité et de miséricorde. Le motif peut être une déficience grave d’ordre moral, une déviation doctrinale évidente, une atteinte notoire au droit d’autrui, un comportement scandaleux et frauduleux qui peut porter atteinte à l’unité ou à la crédibilité du témoignage de l’Eglise… La faute doit être caractérisée d’un point de vue biblique et donc imputable.
- S’il y a manifestement refus de reconnaître les faits, nous devons prendre à témoin d’autres personnes, mûres et objectives qui pourront évaluer la situation équitablement. La présence de témoins garantit la légitimité de l’accusation.
- Si cette démarche (limitée à quelques personnes) est infructueuse, il est nécessaire de recourir à une procédure plus importante et solennelle en alertant et en impliquant officiellement l’église locale. La fermeté et l’intransigeance à l’égard du péché ne doivent pas faire défaut, tout comme également l’attitude de douceur et d’humilité qui doit prévaloir envers la personne incriminée.
Les villes de refuge sous l’Ancienne Alliance avaient pour objet de protéger le coupable du vengeur de sang, en lui offrant un abri sécurisant (Deutéronome 19.1-13). Voilà l’image de l’accueil que nous devons offrir aux pécheurs repentants. Car il faut souligner que le but visé par toute cette procédure disciplinaire est d’amener le coupable à changer d’attitude : un pardon franc et massif doit être accordé dès lors qu’une repentance authentique est évidente.
Entre disciples de Jésus-Christ, nous ne devons ni ignorer ni laisser passer des problèmes sérieux non résolus : en laissant courir, nous laisserions pourrir ! En outre, ce serait faire le jeu de l’ennemi qui marquerait un point de plus, car tolérer des problèmes liés au péché, c’est faire preuve de légèreté et d’inconscience spirituelles, ce qui revient à se compromettre gravement.
Reprendre les autres est un droit qui se gagne après avoir établi une relation positive de confiance. Si nous devons reprendre notre prochain, nous devons rester conscients de notre propre fragilité et nous remettre nous-mêmes en question (Matthieu 7.1-5). La faute doit être évidente, et si nous reprenons le pécheur, c’est surtout le péché que nous condamnons. Seulement, tout est dans l’art et la manière : il faut le bon dosage de douceur avec la personne et de fermeté contre le péché, sans oublier que la finalité de l’intervention reste de voir le coupable changer d’attitude et rétablir sa relation avec les membres du corps.
Sage et heureux, l’homme qui sait se laisser reprendre : « Celui qui ne veut pas se laisser instruire tombera dans la misère et la honte, mais celui qui accepte les critiques sera honoré » (Proverbes 13.18, Kuen).
Bien évidemment, il ne nous appartient pas de nous immiscer dans la vie privée d’autrui… tout comme il est légitime d’affirmer que nous sommes redevables en tout premier lieu envers le Seigneur. Seulement, du fait que nous sommes membres les uns des autres et que nous sommes appelés à nous soumettre les uns aux autres, nous sommes d’autant redevables les uns vis-à-vis des autres, surtout lorsque nous risquons de faire subir aux autres les conséquences de nos inconséquences…
8. TRAVAILLER LES UNS AVEC LES AUTRES« Soyez fermes, inébranlables, progressez toujours dans l’oeuvre du Seigneur, sachant que votre travail n’est pas vain dans le Seigneur. » (1 Corinthiens 15.58) |
Dans Romains 12.4-5, l’apôtre Paul développe l’image du corps de Christ constitué par tous les membres, rattachés à la Tête et reliés les uns aux autres. Ils formaient ainsi l’Eglise de Jésus-Christ, dans laquelle chacun est irremplaçable et a un rôle bien spécifique à remplir. Ce qui laisse entendre que la communauté chrétienne devrait ressembler bien davantage à une équipe d’alpinistes encordés les uns aux autres, plutôt qu’à une bande de navigateurs solitaires qui rament chacun dans leur coin…
Certaines personnes ne parviennent pas à entrer dans un cadre ni à travailler en équipe. Il existe des « chrétiens Robinson » hors nomenclature qui n’arrivent à collaborer qu’avec eux-mêmes, et tout juste encore… Or il faut bien plus de maturité pour travailler en équipe, que pour travailler seul… Et, le résultat n’est pas le même, selon que nous naviguons en solitaire ou que nous travaillons en équipe ! Si nous étions destinés à ramer chacun dans notre coin sur notre océan bien à nous…, toutes les épitres du Nouveau Testament seraient inutiles, tant elles regorgent d’exhortations et de commandements relatifs à nos rapports les uns avec les autres…
L’esprit d’équipe, d’appartenance à la famille et de solidarité est biblique et voulu de Dieu : le contraire est à l’opposé de la volonté de Dieu ! Travailler en équipe suppose que chacun se connaît avec ses forces et ses faiblesses, et que chacun sait qui est qui et qui fait quoi. Chacun décide d’adopter les mêmes buts, que personne ne peut atteindre seul mais qui deviennent réalisables, dès lors que chacun y met du sien. Chacun s’engage à sacrifier son intérêt personnel en faveur de l’intérêt général : un esprit de solidarité et de loyauté lie les équipiers les uns aux autres. Chaque équipier s’identifie à la réussite comme à l’échec de son équipe… Un niveau de
communication satisfaisant doit régner entre tous les membres : si une situation conflictuelle entre deux membres n’est pas traitée correctement, elle peut affecter l’état d’esprit de l’équipe toute entière. Une telle équipe, qui fonctionne correctement, utilise les ressources et les dons de chacun pour le profit de l’équipe. Le résultat final fait que l’équipe atteint un objectif qui dépasse les capacités de chacun additionnées les unes aux autres.
« Deux valent mieux qu’un, parce qu’ils ont un bon salaire de leur peine. Car, s’ils tombent, l’un relève son compagnon ; mais malheur à celui qui est seul et qui tombe, sans avoir un second pour le relever ! De même, si l’on couche à deux, on a chaud, mais celui qui est seul, comment se réchauffera-t-il ? » (Ecclésiaste 4.9-11). Le travail en équipe offre une protection et une garantie qui optimisent l’efficacité de chacun et renforcent la cohésion des équipiers.
Ce qui détruit l’esprit d’équipe ? L’égoïsme, l’individualisme, le manque de loyauté et de solidarité. Ce qui le renforce ? Le fait de sentir que les ressources de chacun sont utilisées à des fins utiles. Ainsi, un membre d’église qui s’engage et sert le corps sera non seulement satisfait et épanoui, mais, de plus, il n’aura plus d’énergie ni de temps pour critiquer.
9. SE SOUMETTRE LES UNS AUX AUTRES« Soumettez-vous les uns aux autres dans la crainte de Christ. » (Ephésiens 5.21) |
Là encore, il est plus facile (et cela semble bien plus spirituel !) de prétendre ne se soumettre qu’au Saint-Esprit, et à Lui seul… Pourtant, si nous avons compris le sens de notre relation avec Jésus-Christ, et le principe de l’autorité voulu de Dieu, nous comprendrons que notre soumission à Dieu passe par notre soumission à ceux qu’Il a placés à côté de nous, comme au-dessus de nous.
De même que Jésus se soumet au Père, que l’homme se soumet au Christ, que la femme se soumet à son mari, que les enfants se soumettent à leurs parents, que les employés se soumettent à leurs employeurs, que les citoyens se soumettent au pouvoir civil… de même, chacun de nous est assujetti au devoir de soumission mutuelle. Dans l’église locale, l’exercice de l’autorité spirituelle est voulu de Dieu et la soumission aux responsables est requise (Hébreux 13.17). Si vous vivons notre vie chrétienne en respectant l’autorité de Jésus-Christ qui a son mot à dire dans tous les domaines de notre vie, cela nous aidera à trouver d’autant mieux notre juste place dans nos autres relations et nous trouverons normal et naturel le devoir de soumission mutuelle. D’ailleurs, dans la vie courante, n’avons-nous pas tous quelqu’un au-dessus de nous et quelqu’un en dessous de nous ?
L’orgueil est le principal obstacle à l’esprit de soumission. Il faut certes de l’humilité pour savoir se soumettre à autrui, mais il en faut également pour exercer l’autorité, car l’autorité selon le Seigneur n’est jamais déléguée pour bâtir son empire personnel mais toujours pour servir son prochain. D’où l’importance de savoir se soumettre, avant d’exercer l’autorité et d’exiger la soumission des autres.
La soumission mutuelle est liée à la question de l’accueil du prochain et de l’image que nous nous faisons des autres. Si nous aimons, nous nous soumettrons d’autant plus volontiers. Cette soumission, qui fonctionne dans les deux sens, s’exprime par notre esprit de service (répondre aux besoins et aux attentes légitimes des autres), par notre écoute du conseil des autres, par notre volonté de sacrifier notre intérêt personnel pour sauvegarder l’harmonie d’une relation, ou encore par la volonté de vivre ensemble de manière transparente et de s’ouvrir au point de se rendre vulnérable (Jacques 5.16).
10. SE SUPPORTER LES UNS LES AUTRES« Supportez-vous les uns les autres avec amour. » (Ephésiens 4.2) |
Le fait que les épîtres insistent sur ce point laisse bien entendre qu’il s’agit là d’une exigence qui n’est ni facile, ni instinctive : elle demande de la détermination et du travail ! « Nous vous y exhortons, frères : avertissez ceux qui vivent dans le désordre, consolez ceux qui sont abattus, supportez les faibles, usez de patience envers tous. » (1 Thessaloniciens 5.14).
Nous sommes appelés à faire preuve de tolérance et de patience envers tous, et notamment envers les personnes avec lesquelles nous n’avons pas spécialement d’atomes crochus ; avec les gens à problèmes qui nous semblent difficiles à supporter, avec leurs faiblesses, leurs drôles de manières et leurs bizarreries… sans les cautionner ni nous compromettre pour autant, mais en faisant preuve de miséricorde et d’indulgence, même s’ils pèchent contre nous…
« Nous qui sommes forts, nous devons supporter les faiblesses de ceux qui ne le sont pas, et ne pas chercher ce qui nous plaît. » (Romains 15:1). La tentation est grande de mépriser le faible et de se complaire en soi-même. Paul était un exemple d’adaptation flexible : « J’ai été faible avec les faibles, afin de gagner les faibles. Je me suis fait tout à tous… » (1 Corinthiens 9:22).
Notre aptitude à supporter les autres est le baromètre par excellence indiquant la nature et l’étendue de notre amour pour le prochain. Comment savoir si nous ne supportons pas les autres avec amour ? Lorsque nous leur en voulons, que nous faisons tout pour les éviter, ou que nous les dénigrons derrière leur dos…
11. RESTER UNIS LES UNS AUX AUTRES« Ayez une même pensée les uns à l’égard des autres selon le Christ-Jésus. » (Romains 15.5) |
L’unité spirituelle du peuple de Dieu a été acquise une fois pour toutes par la personne et l’oeuvre de Jésus-Christ, dont la foi en sa mort et sa résurrection assure le salut. Les croyants sont alors intégrés au Corps de Christ : ils deviennent membres du corps et les uns des autres (1 Corinthiens 12.13). L’unité spirituelle étant ainsi créée par le Saint-Esprit, la responsabilité des membres ne consiste plus qu’à la maintenir et à la conserver: « Supportez-vous les uns les autres avec amour, en vous efforçant de conserver l’unité de l’Esprit par le lien de la paix. » (Ephésiens 4.2-3).
Maintenir l’unité entre frères et soeurs demande du travail et la collaboration de chacun. Il faut savoir faire la différence entre ce qui est prioritaire et secondaire, essentiel et accessoire, en développant des convictions sur ce qui est capital et de simples opinions sur ce qui est négociable, ou en faisant des concessions sur la forme, mais jamais sur le fond. « Dans les choses premières, unité ; dans les choses secondaires, liberté, mais en tout, charité ! ». Unité ne signifie pas uniformité, et il est possible de s’entendre, sans pour autant être du même avis. Unité et maturité spirituelles vont de pair : l’une ne va pas sans l’autre ! L’unité vécue du peuple de Dieu révèle l’essence de l’Evangile qui perd de sa crédibilité lorsque les chrétiens ne s’entendent plus (Jean 13.34-35). Une communauté divisée ou désunie n’est plus une communauté en marche : ayant perdu son élan, son impact n’est plus le même !
Comment l’unité spirituelle se manifeste-t-elle ? Par le fait d’avoir en commun les dispositions fondamentales suivantes : « un même esprit…, une même pensée, un même amour, une même âme… » (Philippiens 1.27;2.2); « être un coeur et une âme » (Actes 4.32) ; « …la communauté s’assembla comme un seul homme devant l’Eternel… » (Juges 20.1); « Tenez tous le même langage, qu’il n’y ait pas de divisions parmi vous, mais soyez en plein accord dans la même pensée et dans la même opinion. » (1 Corinthiens 1.10).
12. SE PARDONNER RECIPROQUEMENT« Soyez bons les uns envers les autres, compatissants, faites-vous grâce réciproquement, comme Dieu vous a fait grâce en Christ. » (Ephésiens 4.32) |
Si l’amour est le lien de la perfection, le pardon est la clé des relations : sans pardon, plus aucune relation humaine n’est possible ! Le pardon, c’est le grand privilège des humains, et à fortiori, des disciples de Jésus-Christ !
Lorsque nous demandons pardon à Dieu pour nos fautes, nous obtenons du fait de sa grâce une remise de peine qui nous rend libres de toute dette envers Lui : nous sommes quitte ! Nous recevons un pardon gratuit et généreux (qui a coûté cher au Fils de Dieu) et que nous sommes invités à offrir à notre tour à ceux qui nous ont offensés : voilà le sens de la parabole du serviteur impitoyable rapportée dans Matthieu 18.21-35. Nous ne devons jamais oublier deux vérités fondamentales bien illustrées dans cette parabole :
– premièrement, nous sommes insolvables vis-à-vis du Seigneur, puisque notre dette envers Lui – du fait de notre péché – est énorme et infiniment lourde ;
– deuxièmement, la dette que les autres contractent à notre égard, du fait des torts qu’ils nous font subir, est littéralement dérisoire et insignifiante par rapport à celle que nous avions contractée vis-à-vis du Seigneur et pour laquelle nous avons obtenu une remise de peine ! Nous devons donc apprécier et mesurer à sa juste valeur le prix et la générosité du pardon entier que nous avons obtenu en Christ, ce qui nous amènera à offrir la même qualité de pardon à notre prochain lorsqu’il nous aura lésés…
La balle est maintenant dans notre camp, et il y a de notre responsabilité : « Si vous pardonnez aux hommes leurs fautes, votre Père céleste vous pardonnera aussi, mais si vous ne pardonnez pas aux hommes, votre Père ne vous pardonnera pas non plus vos fautes. » (Matthieu 6.14-15). Ainsi, le pardon n’est plus une option, mais une obligation ! De plus, dès lors que nous prenons conscience d’un malaise ou d’une blessure dans une relation, la responsabilité nous incombe de prendre l’initiative du processus de restauration de la relation brisée ou fracturée (Matthieu 5.23-24). Enfin, si la partie lésée refuse de nous accorder son pardon, nous pouvons néanmoins continuer de vivre avec la conscience claire, ce qui est d’un prix inestimable (Romains 12.17-18).
TROIS BONNES QUESTIONS A SE POSER– Qu’est-ce que je trouve le plus difficile dans mes relations avec les chrétiens ? Pourquoi ? – Comment puis-je concrètement mettre mon amour fraternel en action dans le cadre de mon église locale (en réfléchissant à mes relations avec chaque membre) ? – Si tout le monde dans l’église suivait mon exemple, que se passerait-il ? |
Dany HAMEAU
(Chapitre d’une brochure intitulée « Les Relations Personnelles » – Bien vivre avec autrui. Editions Farel)