Devant la réalité de tant de personnes qui se perdent, une interrogation surgit: le modèle habituel de l’Église permet-il de voir Jésus à travers nous ? Voilà la question qui a déclenché chez Éric Zander, missionnaire dans la Mission Évangélique Belge, une réflexion sur le type d’Églises à implanter dans notre société européenne francophone d’aujourd’hui. Ci-dessous, un aperçu de son apport lors de l’édition 2009 de RIMÉ. Le contenu des réflexions relatées ci-après, qui conserve le style parlé du discours, peut sembler « iconoclaste» aux yeux de quelqu’un qui n’a pas assisté au séminaire. Il n’a rien de définitif ni de dogmatique mais souhaite simplement stimuler une réflexion salutaire qui prenne en compte à la fois les paramètres bibliques et les données de la culture actuelle en pleine mutation.
D’une chrétienté au centre à une chrétienté à la marge
Le monde change, comme il a toujours changé. D’une culture dite moderne, on passe à une culture post-moderne, d’une société où la chrétienté était au centre, on passe à une société où la chrétienté est à la marge. Avant, on s’attendait à ce que tout se réfère à la chrétienté. On pensait avoir une démarche d’attraction: la culture devait faire attention à nous. C’était « l’église au milieu du village». Le problème, c’est que maintenant, alors que tout a changé, on se comporte trop souvent encore comme si l’environnement devait continuer de s’adapter à nous. La prise de conscience d’être à la marge devrait au contraire nous pousser à sortir, à aller plus loin.
Trois types d’Églises
Les trois types d’Églises suivants coexistent en Europe francophone et peuvent être adaptés en fonction de la sociologie: mais attention, cette dernière évolue…
– Les Églises traditionnelles : on vit selon des conventions, en référence au passé: «On a toujours fait comme ça. ».
– Les Églises contemporaines : on change d’instruments, de séries de chants. Mais on est toujours avec les même conventions.
– L’ecclésiologie émancipée («out of the box») : on est prêt à poser des questions sur ces conventions. Doit-on prêcher ou chanter au culte, faut-il un conseil d’Église, doit-on prendre la cène, a-t-on raison de faire de l’évangélisation? Un nouveau mode d’Églises va se construire sur les questions ainsi posées. >>>
Et pour l’implantation d’Églises ?
Pour les Églises contemporaines : duplication et adaptation. On fait un «copier/coller », avec un peu d’adaptation car on est contemporain. C’est le ministère du manager : il agit selon la séquence objectifs – ressources – action.
Pour l’ecclésiologie émancipée: innovation et expérimentation. Il faut innover faute de références disponibles. C’est le ministère de « l’entrepreneur ». Il prend des risques selon la séquence inverse: action – ressources – objectif. On ne sait pas trop à quoi l’action va aboutir mais on fait quelque chose. L’action produit une réaction qui produit de la ressource. L’objectif court terme se détermine en fonction des ressources qui apparaissent. Il y a évidemment une intention en amont de l’action, même si la vision n’est pas très claire au départ.
Cette attitude suppose de l’humilité (accepter qu’on n’a pas forcément tout compris, que les questions sont plus importantes que les réponses) et une ouverture à Dieu (Il peut m’amener à un endroit que je n’ai jamais imaginé). Il faut accepter qu’il n’y a pas de modèle à dupliquer (et ça peut aider ceux qui sont de type contemporain) et savoir établir des connexions et mettre en réseau différentes situations.
Le Christ bâtit son Église. Le monde change et l’Église ne s’y adapte pas toujours, comme si l’adaptation pouvait constituer un danger. Pourtant, même « les portes du séjour des morts ne prévaudront pas contre elle». Il y a place pour une critique saine de la culture d’aujourd’hui, cette culture dont certaines valeurs ne sont pas compatibles avec la Bible. Il faut affirmer l’étrangeté fondamentale de l’Église et aussi l’inculturation extraordinaire de l’Évangile.
Transcrit par C. Diedrichs, d’après l’intervention d’É. Zander