Extrait d’une conférence donnée par Alain et Nicole Deheuvels – Centre Évangélique de Lognes – 24 novembre 2003
D’un bout à l’autre de la Bible, la révélation est présentée comme une alliance. Cette alliance entre Dieu et les hommes est un signe, une parabole de l’alliance homme-femme, et certains prophètes, comme Osée, en ont reçu une révélation précise. Dieu se présente aussi comme Père (et même Mère dans Ésaïe), et ainsi Il éclaire la relation parentale. On peut presque dire que tout ce qui se joue entre Dieu et les hommes à travers les pages bibliques peut, à une autre échelle, se jouer au sein de la famille. De là, les valeurs que nous examinons ensemble maintenant. Quatre valeurs chrétiennes particulièrement vitales pour la famille : la parole, l’autorité, le pardon, le tout basé sur l’amour […]
L’AUTORITÉ
« Parents, osez dire non! » Ce n’est pas un verser biblique, mais le titre d’un livre paru récemment chez Albin Michel, écrit par le Docteur Delaroche. La lettre aux Ephésiens nous parle d’obéissance des enfants, un terme qui n’est guère en vogue et, pourtant, là aussi, nous sommes dans une période où nous mesurons les effets pervers d’un certain laxisme dans l’éducation. Alors, on s’insurge contre l’absence de repères des jeunes. On s’étonne du manque de respect pour toutes les autorités. Les professeurs, les instituteurs, même de maternelle, voudraient ne plus subir insolence et l’arrogance. La génération des parents qui ont voulu être les copains de leurs enfants, qui avaient jeté aux oubliettes la discipline et les punitions, est suivie par une nouvelle génération qui essaie de retrouver une juste autorité. Pour nous chrétiens, la référence à une autorité supérieure se conçoit bien. Nous savons que nous recevons du Père la loi et l’amour. Que la loi, elle-même, est aussi un cadeau. Elle n’est pas là pour nous asservir, mais pour nous protéger. Ce sont des règles de vie et non des règles de mort. De même, dans nos responsabilités parentales, l’usage de la discipline a pour objectif d’assurer la sécurité de nos enfants : une sécurité physique, morale, psychique et spirituelle. Les protéger contre des dangers extérieurs, mais aussi contre des pulsions internes destructrices, comme la violence.
Les psychanalystes ont personnifié la loi dans le père. Ce rôle symbolique est, selon eux, capital. D’abord pour aider l’enfant à sortir de la fusion avec sa mère, mais aussi pour le faire exister dans la société. Aujourd’hui, 2 millions d’enfants en France vivent séparés de leur père. Il y a des mouvements de pères en colère, comme il y a eu des mouvements de libération de la femme. Paradoxalement, on entend aussi parler de la démission des pères. Nous sommes dans une période de bouleversements accompagnés de souffrances. On parle aussi des nouveaux pères et il faut saluer l’investissement de très nombreux hommes qui font mentir les discours alarmistes. Ils s’intéressent à leurs enfants dès leur plus jeune âge. On a pu constater que des milliers d’entre eux ont demandé à profiter du congé de paternité de deux semaines, adopté en décembre 2001. Espérons que c’est effectivement pour s’occuper de leurs enfants ! Le père et la mère ont tous les deux à faire preuve d’autorité: en disant la loi, ils apprennent à l’enfant ses limites.
C’est ce qui lui permettra de se construire. Des règles claires, justes, adaptées, dont on peut expliquer l’objectif : voila ce qui lui apprendra le respect des autres et de lui-même.
Au-dessus de la Loi, il y a l’Esprit. En tant que chrétiens, nous n’avons pas à tomber dans le légalisme, ni en matière spirituelle, ni dans nos familles. Face à un monde déboussolé où l’autorité est systématiquement remise en cause. nous pourrions avoir tendance à nous crisper et à tomber dans un fonctionnement intransigeant et dur. Je crois que nous avons à trouver, ou plutôt à chercher sans cesse, un équilibre pour ne tomber ni dans le laxisme, ni dans le légalisme, pour assurer une autorité solide avec, pourtant, ce qu’il faut de souplesse. Nos adolescents ont besoin de trouver en face d’eux des interlocuteurs qui savent ce qu’ils croient, qui s’y tiennent et qui, pourtant, savent écouter leurs difficultés, rejoindre leurs questionnements et acceptent leurs fragilités. Dans cette société française où vivre en chrétien fidèle n’est vraiment plus la norme, il nous faut suivre le chemin étroit sans tomber ni dans un conformisme frileux et lâche, ni dans un anticonformisme provocateur et stérile.
Nous disions ce monde sans repères. J’évoquerai ici la terrible invasion de la violence et de la pornographie. Elles s’infiltrent par tous les moyens modernes au sein même du foyer. Le comité de contrôle de sites Internet des Etats-Unis comptait que, en cinq ans, le nombre de sites pornographiques avait été multiplié par mille. Rares sont ceux qui peuvent échapper à leurs filets. La pornographie attaque le couple car elle dissocie la sexualité de l’amour. Elle transforme ce qui devrait être une union profonde (corps et âme) en technique de plaisir égoïste. Elle fait de la femme un objet. Si les hommes sont en danger. les ados et même les enfants le sont encore plus. Comment pourront-ils se construire de façon équilibrée lorsque leur cerveau aura été « pourri » par ces images ? Je connais une famille chrétienne engagée qui a découvert, avec stupeur, que leur fils de 13 ans se nourrissait de sites pornographiques sur le net en l’absence des parents. Il avait apporté à l’école des photos imprimées par ses soins. Il venait de coucher avec une fille de son âge. Que l’on ne nous raconte pas qu’il n’y a aucune relation entre ce que nous voyons sur nos écrans et la réalité! Nous savons que c’est le contraire qui est vrai, pour la pornographie comme pour la violence.
Les écrans – l’ordinateur, internet, les jeux vidéo, les téléviseurs – ont envahi nos foyers, au centre des salons, au creux des chambres. Ils captent les oreilles, les regards; simples vecteurs, ils transmettent le meilleur comme le pire. Ils peuvent devenir des dévoreurs de temps et d’énergie, nuisant à l’équilibre des enfants et à l’intimité des couples. Une preuve au hasard? La tempête de 1999, avec la panne d’électricité (et donc de télévision) qui a affecté le sud-ouest a créé un petit baby-boom en septembre 2000, c’est-à-dire 9 mois après ! Les dernières statistiques ont montré que, globalement, les enfants passaient en moyenne plus de temps devant la télévision qu’à l’école. Quelle responsabilité éducative pour le petit écran! Edouard Bond, écrivain de théâtre plus spécifiquement pour les jeunes, s’insurge: « La télévision tue la créativité. » La solution est-elle de chasser les écrans de nos maisons de se replier sur soi en fuyant le monde, ses tentations et sa violence? Je ne crois pas. A chacun de trouver une solution satisfaisante pour être dans le monde sans être du monde et pour que les techniques modernes restent soumises au service de l’humain et non pas l’humain soumis à leur pouvoir. En tant que parents, vigilance, prudence, limites, discernement sans naïveté… et beaucoup de dialogues […]
Alain et Nicole Deheuvels, responsables a l’ONG La Fondation La Cause
www.lacause.org
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