Les pasteurs et responsables d’églises évangéliques de cette fin de siècle sont assez fréquemment interrogés par les membres et amis de leurs églises sur le don d’organes. Donner ses organes pour les greffer sur une autre personne, de son vivant ou après sa mort, est-ce bien ou mal ? Est-ce bien ou mal de recevoir un organe d’une autre personne, vivante ou décédée ?
Ce dépliant a pour but de renseigner le chrétien qui s’interroge, afin qu’il agisse de façon responsable.
Le problème est d’actualité car…
Des milliers de malades souffrent d’un dysfonctionnement de l’un de leurs organes conduisant parfois au décès ou à une vie invalidante. La greffe d’organes reste souvent la seule possibilité pour remédier à cette souffrance.
Les greffes d’organes se généralisent donc aujourd’hui de plus en plus, avec un taux de réussite élevé.
Le prélèvement d’organes se réalise sur des personnes mortes, en état de mort cérébrale, ou encéphalique (coma dépassé). Le cerveau ne fonctionne plus et on ne maintient la respiration qu’artificiellement. Cet état physiologique permet le prélèvement et la greffe d’organes.
Une tendance à la pénurie d’organes à greffer se manifeste depuis quelques années.
Au sujet d’une greffe d’organe éventuelle, nous constatons…
…qu’à priori la Bible ne semble pas faire état de problème particulier concernant le principe du don d’organes. Si elle ne traite pas du sujet directement, elle reconnaît la nécessité de traiter le corps humain avec respect et dignité – puisque l’homme a été créé à l’image de Dieu – et de le guérir si possible.
…que la famille proche devrait être la première consultée au sujet d’un prélèvement quelconque car la Bible montre, dans Genèse chapitre 23, la responsabilité de la proche famille vis-à-vis du défunt (Abraham parle de Sara décédée en disant : « mon mort »).
…que les progrès de la technique médicale ne doivent pas masquer les nouvelles questions éthiques qui se posent à un chrétien dont les prises de position pourraient être beaucoup plus restrictives que celles de nos autorités gouvernementales.
REPERES HISTORIQUES
Si les greffes végétales datent de l’antiquité et les greffes animales du XVIIIe siècle, les premières greffes de la peau sur l’homme ont été pratiquées seulement en 1869. Puis, à partir du milieu de notre XXe siècle, les greffes – de reins d’abord, ensuite de moelle osseuse, de foie, de poumon, de coeur, de pancréas – deviennent courantes. En mars 1997, le journal MGEN précise que chaque année « près de 3 000 greffes d’organes et environ 25 000 greffes de tissus et de cellules sont réalisées en France » Par ailleurs, quelque 5 000 patients sont en attente… et espèrent.
Le coût d’une transplantation se situe généralement entre 100.000 et 500.000 frs et parfois plus.
SITUATION ACTUELLE
Depuis quelques années, faute d’organes, le nombre de greffes a baissé en France. POURQUOI ?
1) Il existe moins de « morts cérébrales », le nombre d’accidents de la route ayant heureusement baissé. Or, la plupart des prélèvements sont faits sur ces personnes accidentées en état de « mort encéphalique ».
2) La loi dite Caillavet, promulguée en 1976 – et réaffirmée par la loi bioéthique de juillet 1994 – appelée celle du « consentement présumé », a braqué les familles contre le prélèvement d’organes sur le cadavre de l’un de leurs proches. En effet, cette loi permet d’office le prélèvement – sauf si la personne l’a refusé de son vivant.
3) Au moment de la mort cérébrale, la famille du défunt est interrogée pour connaître la volonté du mort, (et non pour lui demander son accord pour un éventuel prélèvement d’organes). Il en résulte que la famille, méfiante, affirme souvent que « le mort ne voulait pas donner ses organes ». Ainsi, ce manque de confiance a fait baisser le nombre d’organes disponibles.
4) Une personne peut offrir l’un de ses organes de son vivant (par exemple, le rein), volontairement, librement et gratuitement, à un receveur compatible, généralement un membre de sa famille.
5) Dans le cas d’une mort suspecte, le Procureur peut interdire tout prélèvement d’organes qui risquerait de faire disparaître d’éventuelles preuves de la cause du décès. Et ceci, même si le mort avait fait connaître sa volonté de don. La famille ne peut s’y opposer.
ORGANISATION EN FRANCE
La mort encéphalique est d’abord constatée. Des électro-encéphalogrammes ou une angiographie indiquent le caractère irréversible du processus de la mort.
Ensuite, la famille proche ou le tuteur responsable est contactée afin de connaître la volonté du défunt, s’il n’est pas porteur d’une carte de donneur ou s’il ne s’est pas inscrit au registre national des refus. En effet, par ignorance ou par négligence, bien des personnes n’ont pas fait connaître « officiellement » leur volonté à ce sujet. Le consentement donné par la famille, ou par le tuteur, permet à une autre équipe médicale que celle qui a constaté le décès de procéder au prélèvement des organes. Ensuite, une troisième équipe pratiquera la ou les greffe(s).1
Concernant les mineurs, le prélèvement ne se fait qu’avec l’accord écrit des parents ou du représentant (Art. L 671.8)
Les greffes pratiquées sont régies par la loi. Elle exige la gratuité de l’organe et, dans la mesure du possible, l’anonymat dans les deux sens.
La loi Caillavet demande d’éviter toute discrimination par rapport au malade receveur de l’organe. En principe, la liste d’inscription détermine qui doit recevoir la greffe, bien que les médecins prennent en compte la gravité de l’état des malades en attente d’une transplantation. Le rang social du futur receveur, sa race, sa fortune personnelle ou son amitié avec le chirurgien ne doivent pas influencer la décision.
QUE PENSE LA CHRETIENTE A CE SUJET ?
D’une façon générale, les différentes branches de la chrétienté tendent à encourager le don d’organes chez leurs membres.
La Fédération Protestante de France n’y voit aucune objection – tant que toute forme d’eugénisme est évitée, et l’Eglise catholique reconnaît « dans le don de tissus ou d’organes, dans la mesure où il est décidé librement en esprit de solidarité avec ceux qui souffrent, une des formes les plus éloquentes de la fraternité humaine » (SNOP N° 980 / 09-02-96).
QUE DIT LA PAROLE DE DIEU ?
Trouve-t-on dans les pages de la Bible quelques indications pour guider l’enfant de Dieu ayant à coeur d’accomplir la volonté de son père ?
Nous constatons que la Bible ne traite pas du sujet directement. Et pour cause : la transplantation d’organes n’existait pas à l’époque biblique !
Cependant, Paul dit des Galates qu’ils auraient été prêts à s’arracher les yeux pour les lui donner si cela avait été possible (voir Galates 4:14-15).
L’épître aux Romains, chapitre 11, parle des greffes dans la nature pour illustrer une vérité spirituelle l’olivier sauvage (désignant les parents) est greffé (lors de leur conversion à Christ) sur l’olivier de Dieu (son peuple d’Israël). La greffe est aussi sous-entendue en Jean 15 : les disciples de Jésus sont greffés sur le vrai Cep (Jésus).
L’apôtre Paul parle également du chrétien devenu « une même plante » avec son Seigneur (Romains 6:5).
Enfin, Jésus-Christ a donné sa vie, pour nous donner la vie, non pas seulement une partie de Lui-même mais la totalité de sa vie physique pour nous sauver. Cet exemple est éloquent. Greffés sur Lui, nous recevons la vie.
Par conséquent, la Bible ne paraît pas faire obstacle au principe de la greffe.
CHOIX DU CHRETIEN
Le choix est personnel.
Concernant ce genre de choix, le chapitre 14 de l’épître aux Romains est celui qui traite de ces questions personnelles. Une loi divine absolue n’a pas été prescrite pour révéler la volonté de Dieu à chaque chrétien au sujet de toutes les décisions qu’il est appelé à prendre. Dans certains cas, éclairé par la Parole de Dieu et le Saint-Esprit, le chrétien a le droit de choisir librement, pour lui-même, devant le Seigneur.
Dans ce chapitre, deux principes se dessinent clairement :
a) « Tout ce qui n’est pas le fruit d’une conviction (ou « de la foi ») est péché » (Romains 14:23).
b) « Que chacun soit pleinement convaincu dans sa propre pensée » (Romains 14:5).
Un enfant de Dieu ne doit pas juger un frère ou une soeur qui agit différemment. Chacun répondra pour lui-même de sa décision devant Christ.
ACCOMPAGNEMENT PASTORAL
Si le choix reste personnel, le chrétien devrait faire part de sa décision à sa proche famille. Ensuite, selon ses convictions, il pourrait, soit s’inscrire au registre des refus des dons d’organes, soit remplir une carte de donneur. Ne rien décider, c’est laisser aux autres, famille et équipe médicale, la lourde responsabilité de choisir au moment douloureux du décès.
Afin d’être aidé dans sa réflexion, un chrétien peut faire appel à d’autres frères et soeurs dans l’église, en particulier aux responsables : pasteur, anciens, diacres.
Par ailleurs, un malade susceptible d’être soulagé par une greffe (« receveur »), ou une personne vivante offrant un organe (« donneur »), ainsi que leurs familles, auront certainement besoin d’un accompagnement spirituel en raison des difficultés, tant physiques que psychologiques, liées à ces opérations. Entourés de la communion fraternelle et des prières d’autres chrétiens, donneur, receveur et famille affronteront plus facilement les conséquences parfois lourdes de la décision, surtout s’il y a échec. Quel que soit le résultat de l’intervention, succès ou échec, le chrétien a l’assurance que le Seigneur lui donnera un nouveau corps lors de la résurrection. Ce corps-là sera incorruptible, glorieux, plein de force et spirituel, en un mot : parfait !
Le don d’un organe n’aura aucune incidence sur notre corps céleste lors de la résurrection, car « la chair et le sang ne peuvent hériter du royaume de Dieu » (1 Corinthiens 15 :50).
Adresses des bureaux du registre national automatisé des refus de prélèvement d’organes auxquels une personne peut envoyer son refus (Attention ! Toute personne majeure ou mineure âgée de treize ans au moins peut s’y inscrire (Art. R. 671-7-6). Si l’on ne s’inscrit pas, le principe du « consentement présumé » peut être appliqué).
– Etablissement Français des Greffes
5, rue Lacuée, 75012 Paris.
Tel. 01 44 67 55 50 – Fax 01 44 67 55 55
– Coordination Inter-regionale Ile-de-France-Centre-Antilles 89, rue d’Assas, 75006 Paris. Tel. 01.46.33.71.77 Fax 01.46.33.09.06
Adresse pour signaler le désir de faire don de ses organes
– Fédération des Associations pour le Don d’Organes et de Tissus humains ADOT
Secrétariat FRANCE ADOT 373 rue de Périgueux – 16000 ANGOULEME –
Tél. 05 45 39 84 50
Dépliant diffusé par la
Fédération Evangélique de France
28, av. Victor Hugo 77330 OZOIR-LA-FERRIERE
Tél. 06 15 72 01 66
(Rédaction Pierre Wheeler)
NOTES
1) La sous-section 1, du décret N’ 96-1041 du 2 déc. 1996 nous informe que « les articles 20 et 21 du décret susvisé du 31 mars 1978 sont abrogés ». Mais nous ne connaissons pas les articles qui les remplaceraient.