Dany Hameau nous livre dans cet article un extrait de son prochain livre. Merci aux éditions Farel d’avoir accepté la publication de cet extrait avant même que les retouches finales ne soient faites.
LE MONDE DANS LEQUEL LES ADOS ÉVOLUENT
Bien sûr, les ados du 3 millénaire ne sont pas comparables à ceux du milieu du xx siècle, mais c’est surtout le monde dans lequel ils vivent maintenant qui a énormément changé. Jamais auparavant dans l’histoire de l’humanité, une telle évolution et même révolution – dans les mentalités, la culture, la technologie, la morale et la société – affectant tous les domaines de la vie de l’individu comme de la nation n’avaient eu lieu en un si court laps de temps!
Les jeunes qui ont eu entre 15 et 25 ans en l’an 2000 constituent la 1ère génération à avoir grandi dans une culture imprégnée de relativisme qui a rejeté les notions de bien et de mal. Le célèbre savant de Cambridge, Don Cupitt, a déclaré ceci : «La vérité avec un V majuscule est morte… La vérité est plurielle, elle est conditionnée socialement et en perpétuel changement.» Ce qui revient à dire que chacun d’entre nous a tout loisir de définir ses propres valeurs en voyant subjectivement «blanc» ce qu’un autre pourra voir objectivement «noir»!
Au début des années 40, les principaux problèmes éducatifs rencontrés dans le monde scolaire étaient, somme toute, relativement bénins : bavardage en classe, course dans les couloirs, devoirs en retard, chewing-gum; désordre dans les rangs, négligence dans la tenue vestimentaire, non retour des livres de bibliothèque, refus de jeter les papiers dans la corbeille prévue à cet effet… Moins de cinquante ans plus tard, les grands fléaux ont grimpé de plusieurs crans à la fois en gravité : toxicomanie, alcoolisme, grossesse d’adolescentes, viol, suicide, vol et violence.
Autrefois, on manifestait un respect unanime pour les trois piliers de la République qu’étaient M. le Maire, M. le Curé et M. l’instituteur. Aujourd’hui, on fait tout pour coincer les élus dans les affaires, les curés et les pasteurs sont ridiculisés et les enseignants craignent de se faire passer à tabac… Autrefois, les parents avaient beaucoup d’enfants, maintenant avec la banalisation du divorce et la multiplication des familles recomposées, ce sont les enfants qui ont beaucoup de parents… La donne a été inversée!
Le monde des jeunes est caractérisé par un progrès technologique fulgurant qui apporte quotidiennement des nouveautés de plus en plus sophistiquées et performantes. Louis XIV, malgré tout le faste de sa cour à Versailles, ne disposait manifestement pas de la moitié du quart auquel ont accès les petits chérubins de cinq ans grâce au clic d’une souris devant un écran d’ordinateur… Nombre de ces merveilles modernes bourrées de technologie dernier cri nous rendent assurément des services précieux et fort appréciables. Seulement, à vouer une dévotion sans fin au dieu technologie, il est permis de se demander jusqu’où tout cela va nous mener un jour… surtout lorsque le progrès fait avancer l’humanité, mais reculer l’homme…
Tout n’est pas négatif pour autant dans la culture moderne, loin s’en faut et Dieu merci! Seulement, le monde actuel bouge à une telle rapidité et dans de si nombreux domaines que, déstabilisés, nous avons du mal à comprendre ce qui se passe. Martin Luther King avait déjà observé avec justesse que «Notre puissance scientifique a détrôné notre puissance spirituelle. Nous avons désormais des missiles téléguidés, mais des hommes égarés!» Winston Churchill déclara: «Nous savons comment contrôler tout, sauf l’homme.» Ce qui complique la situation, c’est que la culture dans laquelle nous baignons ne facilite pas la tâche de la jeunesse.
Notre culture, par exemple, prône-au rang de vertu suprême – la science et le savoir, plutôt que la sagesse et la morale; la nouveauté plutôt que la tradition; le «hors norme» plutôt que la normalité… Ce que la société attend de sa jeunesse, ce n’est pas tant de la morale ou de l’éthique que du résultat et de la performance.
Actuellement, notre culture dans laquelle les adultes n’acceptent plus le vieillissement et cherchent par tous les moyens à repousser les limites de la mort, valorise les jeunes et prône le «jeunisme». C’est un bon point pour vous les jeunes et un atout à faire valoir, seulement il faut bien garder à l’esprit que l’on ne peut pas rester jeune toute sa vie (sauf dans sa tête)!
Le monde dans lequel vous évoluez est un monde qui prône la violence et qui véhicule une culture de mort. Cela commence par la dérision et la moquerie, mode de communication conventionnel qui érode sérieusement le sentiment légitime de tout un chacun de posséder une valeur personnelle. L’insécurité des banlieues nous rappelle que votre monde n’est plus celui de Walt Disney ni de la forêt des rêves bleus au pays des Schtroumpfs… Les médias comme les scénaristes de films redoublent d’ingéniosité pour sortir des sentiers battus et faire fort dans le registre de la haine, de la violence, de la destruction, du macabre, de l’horreur… dont la réalité parfois dépasse malheureusement facilement la fiction…
L’état des lieux de ce tableau suffit à montrer que le monde légué par les adultes à leurs enfants est loin d’être idéal, ou ce qu’il devrait être… Vous êtes confrontés à la nécessité de rejeter ce qui est mauvais pour vous afin de pouvoir retenir ce qui est bon. Dans votre intérêt immédiat comme en vue de votre avenir en construction, vous devez faire des choix difficiles, en optant résolument pour des valeurs durables.
MAL-ÊTRE ET SOUFFRANCES DES JEUNES
L’INSERM (l’Institut national de la santé et de la recherche médicale) a publié des chiffres relativement alarmants sur les 15-25 ans, établissant qu’ils étaient de plus en plus nombreux à présenter des signes dépressifs majeurs, à entretenir des idées suicidaires, à prendre des médicaments psychotropes; un quart d’entre eux aurait des comportements à risque et présenterait des troubles du comportement.
Vous vous sentez souvent incompris par les adultes, suspectés par les autorités, pointés du doigt et désignés comme responsables du malaise social général… Vous manifestez pourtant une envie phénoménale d’être reconnus. L’on pourrait schématiquement résumer cette situation douloureuse par la formule suivante : «Les parents ont peur de leurs ados et les ados ne comprennent plus leurs parents.» Seulement, lorsque les jeunes éternuent, n’est-ce pas toute la société qui s’enrhume?
Les rapports humains entre les adultes et leurs enfants n’ont peut-être jamais été aussi délicats et sensibles qu’aujourd’hui. Tout se passe en effet comme si les adultes et les jeunes cohabitaient plus ou moins pacifiquement, se supportant mutuellement, mais en boycottant la communication. Pour le sociologue Michel Fize, la génération des jeunes incarne une «culture-riposte, culture-divorce, qui symbolise la grande rupture des générations. Car le dialogue, paradoxalement, s’est évaporé avec la modernité. Edgar Morin le disait jadis, les générations cohabitent mais n’ont guère de langage commun. Nous sommes bien en état de guerre froide des générations, de cohabitation molle. Rien ne se passe, alors tout peut advenir. La jeune génération tend pourtant la main. Elle aspire à la réconciliation sociale. De dénonciatrice (de la famille, de l’autorité) qu’elle était il y a un demi-siècle, la culture qu’elle porte, qu’elle incarne, parvenue à maturité, paraît désireuse à présent – jusqu’à la rage quelquefois – de reconnaissance et de considération. Si elle continue d’affirmer son altérité – certains diraient son agressivité – elle revendique aussi d’être mieux intégrée au corps social. Et si nous écoutions ce message ? » (Nouvel Observateur, Hors Série n° 41, p. 32).
Lycéen ou étudiant, tu as vite fait de te frotter à la dure réalité sociale de nos pays occidentaux : mauvaise orientation scolaire, taux d’échec affolant dans certaines filières, privatisation des études (l’enseignement public, laïque et gratuit est engorgé !) esprit de compétition et d’hyper sélection, parcours du combattant pour la recherche du premier emploi, jobs précaires, demandeurs d’emploi surdiplômés, spectre du chômage… Tu as du mal (et tu n’es pas le seul!) à comprendre comment une société aussi laxiste et permissive dans sa morale peut subitement et sans transition aucune devenir tellement exigeante et sélective envers ses enfants. Tu tombes de haut lorsque tu découvres que seul l’argent fait aller le monde. Tu hallucines encore lorsque tu prends conscience – à tes propres frais bien sûr – que les impératifs commerciaux de la nouvelle économie se moquent de l’être humain, cuisine et sacrifié à toutes les sauces. Tu tombes par terre, mais en attendant, c’est dans ce monde-là que tu vis et où tu dois tirer ton épingle du jeu.
Michel Fize va jusqu’à dire : «Il n’est pas certain que la société aime ses adolescents. Il n’est pas douteux, en tout cas, qu’elle déteste ce qu’ils font, donc ce qu’ils sont.»
L’âge des délinquants qui commettent leur premier délit s’abaisse de façon significative et inquiétante. Pour Jean-Pierre Rosenczveig, Président du Tribunal pour enfants de Bobigny, la «fracture sociale» fait des parents la première victime d’une société non adaptée. Et en bout de chaîne, les enfants. Il lance un réquisitoire sévère contre le monde des adultes : «Notre société ne sait pas protéger ses enfants, c’est pourquoi elle se retrouve un jour agressée par eux. Il ne faut pas oublier que les deux tiers des affaires que je traite concernent la protection de jeunes en danger: mauvais traitements, violences, incestes… Des histoires qui font moins de bruit que les voitures brûlées, mais qui cassent des mômes pour la vie.» (ibid. p. 80).
L’adolescent a toujours cherché à se distinguer de ses aînés par son langage. Jean-Pierre Goudaillier, professeur de linguistique, constate que ce phénomène s’accentue d’autant plus avec la précarité, le chômage et l’exclusion. L’évolution du langage des jeunes des banlieues par exemple attesterait des difficultés et des galères rencontrées par ce type de population en rade ou en mal d’intégration sociale : «En France, parallèlement à la fracture sociale, une fracture d’ordre linguistique s’est mise peu à peu en place au cours des deux dernières décennies.»
Chaque année, la fugue concerne en France 40 000 foyers. Une absence relativement courte, la plupart du temps, mais qu’il faut tout de même prendre comme signal de détresse. «La fugue est un indicateur important des difficultés de l’adolescent avec son entourage. Cet acte, souvent disproportionné par rapport à ses causes (dispute avec les parents, mauvaise note, quiproquo…), permet de prendre de la distance vis-à-vis des tensions internes», explique le psychiatre Patrice Huerre, qui ajoute : «La fugue peut aussi être une mise à l’épreuve des adultes, pour vérifier qu’ils tiennent bien à lui [leur adolescent).»
Le drame veut que les professionnels de l’accueil des jeunes constatent que, ces dernières années, un nombre croissant de mineurs entre peu à peu dans l’errance, presque en silence pour ainsi dire, avec des fugues de plus en plus longues et de plus en plus fréquentes. «La rue, le squat, le système d’entraide des amis, la réapparition ponctuelle chez les parents pour dévaliser le frigo, tel est leur quotidien. Ils ne demandent pas d’aide, et leurs parents, souvent dans une situation de grande précarité, ne les recherchent pas non plus» (Lisa Telfizian, journaliste). Et même lorsque certains fugueurs mineurs sont repérés et réintroduits dans leur milieu familial, il arrive que leurs parents les rejettent.
Même dans l’église, les jeunes représentent parfois un défi en matière d’intégration à la communauté spirituelle. Tantôt suspectés, tantôt redoutés, ils ne se sentent pas toujours bien compris, et encore moins pris au sérieux. Le risque est que parfois ils finissent par devenir à eux tous seuls «une église dans l’église», quand ils ne claquent pas carrément la porte de l’église pour partir dans le monde».
LES BESOINS ET LES DÉFIS DES JEUNES
Bien sûr que tu as des atouts, mais, dans le même temps, tu doutes encore de tes capacités. Tu as besoin de voir les adultes te faire confiance afin de t’aider à assumer tes responsabilités. Bien souvent plus tu dis : «Vous les vieux, lâchez-moi», plus tu réclames dans le même temps d’être «parrainé(e)» et accompagné(e) sur le difficile chemin de l’adolescence.
Que nous reproches-tu, à nous les adultes, la plupart du temps ? Parmi les critiques les plus courantes, je crois entendre ce qui suit :
– «Vous n’êtes pas toujours disponibles pour parler avec nous au moment où nous en avons le plus envie ou besoin»;
– «Vous êtes trop exigeants avec nous»; «Vous avez du mal à reconnaître vos propres torts»;
– «Vous nous adressez plus de reproches que de compliments»;
– «Vous n’êtes pas toujours un modèle pour nous : entre ce que vous dites, et ce que vous faites, il y a de la marge, et parfois même, un grand décalage…)»;
– «Vous ne nous faites pas suffisamment confiance, vous ne nous donnez pas assez la liberté d’être nous-mêmes, ni le droit de faire nos propres bêtises, vous n’acceptez pas que nos choix soient différents des vôtres»;
– «Vous vivez trop dans le passé et vous ne faites pas suffisamment d’efforts pour comprendre le monde actuel des jeunes qui est celui dans lequel nous, nous vivons!»
Ces remarques sont vraies en grande partie et les adultes doivent les prendre en compte le plus sérieusement du monde. Cela résume aussi bien votre frustration d’ados que cela souligne la difficulté du métier de parent. Le problème est que bien des parents se trouvent dépassés, dès lors qu’il leur faut donner ce qu’ils n’ont pas reçu ou plutôt, ils se trouvent complètement désarmés devant leurs ados qu’ils ne reconnaissent plus et qu’ils ne parviennent plus à comprendre.
Comme tout le monde, les jeunes ont des besoins légitimes qui conditionnent leur équilibre personnel :
– Tu as besoin de liberté, à l’intérieur d’un périmètre de sécurité : les adultes doivent te faire suffisamment confiance dans ton accession à l’indépendance et à l’autonomie, sans te surprotéger, ni te manipuler, sans disparaître complètement ni démissionner, car tu as encore besoin de tes parents, et pour un bon bout de temps…
– Tu as besoin d’être encouragé(e), accompagné(e) et valorisé(e) : tu possèdes une valeur propre à ta personne, indépendante de tes capacités, de tes compétences ou de tes performances, tu éprouves le besoin légitime d’être reconnu(e) et accepté(e) et tu as besoin de te l’entendre dire;
– Tu es en droit d’attendre de voir chez tes aînés un modèle de relations harmonieuses qui te donnera envie d’investir à ton tour dans le capital le plus précieux que tu as à gérer sur la planète terre : tes relations avec les autres;
– Tu as besoin de trouver une raison d’être à ta vie suffisamment valable pour te sentir utile à la société, y relever des défis et t’y engager.
Il est bien évident que si tes besoins légitimes ne sont pas satisfaits, tu souffriras de manques qui se répercuteront dans différents domaines de ta vie.
Mon grand souci pour toi – qui constitue toute la raison d’être de ce livre – est de faire un bout de chemin avec toi pour t’aider dans deux domaines bien précis : d’abord t’inviter à te poser un certain nombre de questions fondamentales et déterminantes pour ton projet de vie, et ensuite te suggérer des pistes de réflexion pour trouver tes propres repères.
Honnêtement, la vie est trop courte et trop sérieuse pour passer à côté de l’essentiel. De tout coeur, je voudrais pour toi non seulement ce qui est bien, mais franchement, le meilleur et le haut de gamme! Combien je souhaite que tu trouves des réponses solides et qui ont fait leur preuve dans la vie de ceux qui t’ont précédé. «Où les trouver?» me demanderas-tu… C’est là où la foi intervient. Dieu t’a créé(e) : Il sait mieux que quiconque de quoi tu es fait(e) et tout ce que tu peux ressentir. Il s’intéresse tellement à toi qu’Il a jugé nécessaire de t’adresser un recueil de lettres personnelles qui s’appelle la Bible. La Bible est l’expression même de la pensée de Dieu exprimée dans un langage humain compréhensible : c’est la Parole de Dieu qui est la vérité, qui fait autorité et qui nous touche en plein coeur. C’est d’elle dont nous nous inspirerons pour développer nos réflexions.
Les grands défis des jeunes est un livre qui pose des questions et ouvre des pistes de réflexion aux ados et aux jeunes d’aujourd’hui pour les aider à affronter les huit grands défis suivants :
1. Trouver mon identité : la question de ma valeur personnelle;
2. M’identifier à un modèle : la question de la conformité;
3. Gérer mon rapport avec l’autorité : la question de ma sécurité personnelle;
4. Assumer ma liberté : la question de ma responsabilité personnelle;
5. Établir des relations personnelles satisfaisantes : la question de mon rapport à autrui;
6. Développer un système de valeurs : la question de mes convictions ;
7. M’investir pour me rendre utile : la question de mon engagement;
8. Découvrir un sens à ma vie : la question de la satisfaction.
Ayant le souci de t’encourager à poursuivre ta propre réflexion, seul ou en petit groupe, je te suggère, à la fin de chaque chapitre, un petit questionnaire : «Pour aller un peu plus loin…»
En écrivant ce livre, je vise un double objectif : aider les jeunes à trouver des points de repères clairs pour faire face aux grands défis de leur vie personnelle; en second lieu, encourager les adultes et leurs parents notamment dans leur dur mais magnifique métier d’accompagnants et de modèles.
Dany Hameau