Suite au Rapport Machelon et aux préconisations issues de la consultation des différents cultes, le gouvernement n’a pas souhaité modifier la loi du 9 décembre 1905 relative à la séparation des Églises et de l’État mais a préféré agir par voie de circulaire pour clarifier le régime de l’exercice du culte auprès des services de l’État comme des associations elles-mêmes.
Afin d’apporter aux Préfets et à l’administration fiscale une synthèse du droit des associations dans le domaine cultuel, une circulaire a été émise le 23 juin 2010 par le Ministère de l’intérieur et le Ministère de l’économie. Cette circulaire fait la synthèse de l’état de droit, tel que les administrations doivent l’appliquer selon les directives des ministères.
Nous avons voulu en relever ici les points les plus importants comme nous l’avions fait précédemment pour la circulaire traitant des édifices du culte. Ces deux circulaires sont téléchargeables sur le site www.reseaufef.com.
Les régimes juridiques et les régimes fiscaux
De manière générale, la circulaire rappelle les différents régimes juridiques possibles1 pour exercer le culte2 : association cultuelle, association culturelle, simple groupement de personnes réunies sur initiative personnelle sans déclaration préalable, association de droit local en Alsace-Moselle.
Elle rappelle le régime fiscal3 avantageux réservé aux associations cultuelles et aux associations de droit local à condition que leur objet soit exclusivement cultuel4 :
− réduction d’impôts sur les dons manuels pour les donateurs ;
− droits de mutation à titre gratuit pour les associations sur les dons manuels et dons et legs ;
− absence d’impôts commerciaux.
Elle rappelle que les associations « Loi 1901 » exerçant un culte à titre non exclusif ne peuvent bénéficier des avantages accordés aux associations cultuelles. Pour ce faire, elles doivent se scinder en deux associations, une cultuelle réservée au culte et bénéficiant des avantages fiscaux et une dite « culturelle » (Loi 1901) pour les autres activités et qui pourra, le cas échéant, bénéficier de subventions publiques5.
S’agissant des associations de droit local en Alsace-Moselle, contrairement aux associations cultuelles de la « Loi 1905 », elles gardent la possibilité de recevoir des subventions de collectivités publiques quand bien même elles poursuivent un but religieux et ce, dans la mesure où la subvention répond à un intérêt local et que la collectivité intervient dans le cadre de sa compétence. De même pour certaines aides possibles comme la mise à disposition de locaux, de personnels ou de matériel, de terrains pour la construction de lieux de culte.
La qualification d’association cultuelle est de la compétence du Préfet
Le principal apport de la circulaire est qu’elle explicite la manière dont seront appliquées les dispositions prises suite au Décret du 20 avril 2010 modifiant l’article 910 du code civil et le point V de l’article 111 de la loi du 12 mai 2009 visant à redonner au Préfet la compétence en matière de détermination du régime juridique applicable aux associations6.
Ainsi, une association dispose-t-elle de plusieurs moyens pour savoir si elle peut prétendre aux avantages liés au statut d’association cultuelle auprès de la Préfecture7 :
− si l’association reçoit une libéralité (donation ou legs) et que le Préfet ne s’oppose pas à cette libéralité dans un délai de quatre mois suite à sa déclaration, l’association peut considérer qu’elle répond aux critères d’association cultuelle et bénéficie de ce statut ;
− si l’association n’a pas reçu de libéralités au cours des cinq dernières années, mais souhaite savoir si elle peut prétendre au bénéfice du statut d’association cultuelle, elle peut interroger le préfet par la procédure de rescrit administratif. La décision favorable du Préfet a une validité de 5 ans8.
Ce retour de la compétence des Préfets en la matière était un souhait des associations, d’une part pour se départir du système précédent où l’administration fiscale était en quelque sorte juge et partie et d’autre part pour assurer une plus grande sécurité juridique.
Les services fiscaux, et ce a fortiori lorsqu’ils sont saisis d’une procédure de rescrit, devront saisir la Préfecture sur cette question et coopérer avec elle sur ce point.
La procédure de rescrit administratif n’est pas légalement obligatoire mais permet aux associations de vérifier leur adéquation avec le statut qu’elles revendiquent. Avant d’y recourir, il convient de s’assurer du respect des critères définissant les associations cultuelles pour garantir une décision favorable.
Quelques ouvertures autour de la notion de culte9
On notera une sensible ouverture de la notion de culte.
La circulaire rappelle les trois critères indispensables à la qualification d’association cultuelle selon la jurisprudence administrative, en plus des conditions de forme10 : exercice public du culte11, exercice exclusif du culte et respect de l’ordre public.
Sur le caractère exclusif qui pose souvent problème pour les évangéliques, elle rappelle que les activités cultuelles peuvent être étendues aux activités présentant un caractère strictement accessoire à condition qu’elles se rattachent directement à l’exercice du culte.
Devant la diversité des cultes, la notion de culte ne se serait-elle pas mieux définie par ceux qui le pratiquent ? La phrase suivante montre une tendance à un léger assouplissement : « il n’est pas possible par voie de circulaire de dresser une liste plus étendue des activités pouvant entrer dans le champ d’action des associations cultuelles. Un tel exercice s’avérerait délicat, dans la mesure où chaque association développe ses activités en fonction des règles d’organisation générale du culte dont elle se propose d’assurer l’exercice ».
Sur les activités d’enseignement, la circulaire admet la rigueur de l’administration fiscale pour l’application de l’exonération de taxe foncière qui la limite aux locaux réservés à la célébration de cérémonies religieuses et considère que les locaux réservés à l’enseignement en sont exclus. En même temps, elle stipule que sur le plan juridique, la « qualification d’association cultuelle ne peut être refusée à une association qui exerce, parmi ses activités cultuelles, des activités d’enseignement religieux. »
La rémunération du ministre du culte – dirigeant associatif
La tolérance administrative a été reconnue par la circulaire. Elle admet en effet que la rémunération du ministre du culte – dirigeant associatif, « n’est pas contraire aux principes de gestion désintéressée dès lors que les rémunérations présentent un caractère normal et sont la contrepartie des tâches effectivement accomplies dans le cadre du ministère ».
Cette pratique se voit généralisée : les associations qui rémunèrent le pasteur par ailleurs dirigeant de l’association (président ou membre du conseil d’administration) remplissent le critère de la gestion désintéressée, qui, avec l’absence d’activités concurrentielles du secteur commercial, est nécessaire pour être considérées comme organismes sans but lucratif exonérés d’impôts commerciaux.
Un contrôle accru de la transparence financière
Il existait déjà un dispositif d’une part de contrôle des comptes par un commissaire aux comptes et d’autre part de publication de comptes annuels et rapport du commissaire aux comptes pour les associations recevant plus de 153 000 euros de dons par an.
S’y ajoute désormais la compétence de la Cour des comptes à vérifier la conformité entre les objectifs des organismes bénéficiant de dons ouvrant droit à avantage fiscal et les dépenses financées par ces dons, lorsque le montant dépasse un seuil12. Nous sommes dans l’attente du décret qui fixera ledit seuil. En cas de non-conformité, la Cour des Comptes émet un rapport qui pourrait entraîner la suspension des avantages fiscaux.
Une circulaire, pas plus
Cette circulaire rappelle donc aux Préfets les points essentiels concernant les associations ayant pour objet l’exercice du culte. Aucune information globale dans le domaine religieux ne leur avait été destinée depuis 1966. Nous espérons donc que ces clarifications rendront plus aisées les relations des Églises avec l’Administration.
Certes, nous aurions préféré des amendements à la loi de 1905. Ils auraient permis d’assouplir durablement le cadre légal des associations cultuelles. En effet, une circulaire n’a qu’une faible valeur juridique puisque, dans la hiérarchie des normes, elle n’a pas valeur de loi, de règlements ou de jurisprudence mais n’est qu’une note interne qui fixe le fonctionnement d’un service, ses pratiques et les orientations données par le gouvernement pour l’application des lois et règlements. Si les usagers peuvent s’en prévaloir, ce n’est qu’en gardant à l’esprit qu’il s’agit avant tout d’un document interne pour les services concernés et d’information aux usagers. Mais ce travail général, effectué en concertation avec les principaux cultes exercés en France a permis néanmoins d’apporter de nombreuses clarifications.
Nancy Lefèvre,
Juriste de la commission mixte ADD/Réseau FEF
NOTES
1 Une circulaire propre aux régimes juridiques dans les TOM est à l’étude.
2 Loi du 9 décembre 1905 relative à la séparation des Églises et de l’état, titre IV « les associations pour l’exercice du culte », Loi du 1er juillet 1901 relative à la liberté d’association, Loi du 2 janvier 1907 art.4, régime concordataire de 1801, toujours en vigueur selon l’avis du 24 janvier 1925 du Conseil d’État. Code civil Local 21 à 79-3.
3 S’agissant des dispositions fiscales concernant les locaux (taxe foncière, taxe d’habitation, taxe sur les transferts de biens immobiliers, taxe locale d’équipement), ce point est traité en détail par une autre circulaire en date du 25 mai 2009 relative aux édifices du culte.
7 Ces deux dispositifs sont expliqués dans la circulaire du 23 juin 2010, procédure applicable au régime des libéralités aux associations… du culte et procédure de rescrit administratif.
8 Sous réserve de nouveaux éléments de faits ou de droit.
10 Constitution conforme à la loi de 1901 et de 1905.
11 La circulaire rappelle que selon la jurisprudence en sont exclues les activités confessionnelles consacrées à l’enseignement, la bienfaisance, l’assistance ou tout autre objet d’utilité sociale ; l’édition, l’assistance matérielle et morale.
12 Point 1.4.2.2/Art 20 Loi de finances rectificatives pour 2009, 30 décembre 2009 – art 111-8 Code des Juridictions Financières, art 1378 octies du code général des impôts.